Prospective politique. En politique, toutes les stratégies sont bonnes pour l'emporter. À Nîmes, face aux sondages donnant à coup sûr une longueur d'avance au maire sortant, Jean-Paul Fournier, les challengers s'organisent.

Publié en janvier, notre sondage exclusif réalisé par Opinion Way a donné le coup d'envoi de la campagne des municipales à Nîmes. Il donnait un tiercé qui ne s'est pas démenti jusque-là avec tous les autres sondages réalisés depuis par nos confrères. Dans tous les cas, le maire sortant, Jean-Paul Fournier, s'imposerait dès le premier tour avec plus de 30%. Daniel Richard, candidat écologiste soutenu par EELV, la France insoumise et les socialistes, arrive en seconde position autour de 20%, suivi par Yoann Gillet et le Rassemblement national, crédité d'intention de voix entre 15 et 20%. Yvan Lachaud, président de Nîmes métropole, en guerre face au maire de Nîmes, se positionne en quatrième position.

Face à cette situation, depuis plusieurs semaines, les rencontres s'organisent, les échanges se multiplient pour tous les candidats dont le leitmotiv unique est "tout sauf Fournier". Selon nos informations, quelques contacts ont été établis entre le candidat Daniel Richard et Yvan Lachaud. Un accord secret pourrait même être possible avant le premier tour, qui poserait les bases d'une stratégie de second tour afin de se débarrasser définitivement du maire sortant. Tout cela, forcément assujetti aux résultats du 15 mars où chacun espère faire le meilleur score pour imposer ses choix à l'autre.

Tous les moyens sont bons pour imposer l'écologie à Nîmes

Quels sont les avantages d'un tel accord pour Daniel Richard ? C'est assez simple, en l'état actuel des sondages, il semble ne pas pouvoir gagner seul. Même avec ses soutiens, difficile pour lui de refaire son retard potentiel sur le locataire de l'Hôtel de ville. Un accord avec le Rassemblement national est impossible. Reste les 10 à 15 points du patron de d'Alzon qui lui assureraient un second tour plus robuste. Tous les moyens sont bons pour imposer l'écologie à Nîmes, jusqu'aux concessions avec "le moins pire" ? Peut-être pour Daniel Richard mais certainement pas pour la France insoumise... Cette dernière pourrait faire les frais d'un accord le soir du 15 mars.

Du côté des équipes Lachaud, c'est la soupe à la grimace depuis janvier. Cela fait des mois que toutes ses équipes fanfaronnent autour d'une victoire possible face à Jean-Paul Fournier. Les chiffres des sondages sont venus fracasser le mur des illusions. Et après avoir fait des pieds et des mains pour obtenir le soutien de La République en marche, Yvan Lachaud ne veut plus en entendre parler. D'ailleurs, sur les outils de campagne, y compris le dimanche 15 mars, pas question d'en faire mention.

"Yvan le terrible" veut s'appuyer uniquement sur ses valeurs centristes et imagine déjà le grand écart. Un accord avec les socialistes sur sa gauche et pourquoi pas avec Daniel Richard. L'écologiste qui fait peur à l'ordre établi nîmois. Arrivé par effraction dans la vie politique nîmoise, il a su réunir autour de lui des partis irréconciliables. Et semble en passe de faire le hold up parfait à Gauche. L'ex-patron des "3 Suisses" l'a déjà dit partout : il ne siégera pas dans l'opposition. C'est soit la Bretagne, soit le fauteuil de maire. Yvan Lachaud pourrait lui offrir le plus beau, dans un cuir véritable.

Le président de l'Agglo pourrait rester dans son fauteuil

Un à la Ville, l'autre à l'Agglo. Tout est possible. D'autant qu'Yvan Lachaud bénéficie encore du soutien de quelques maires de la périphérie nîmoise qui gardent un bon souvenir des fonds de concours et de la mise en valeur de leur commune au détriment de la ville centre. Avec quelques élus à Nîmes, le président de l'Agglo pourrait - pourquoi pas ? - rester dans son fauteuil. Les marges sont minces mais qui veut de Franck Proust à la présidence de Nîmes métropole ? Certainement pas Eddy Valadier, le maire sortant de Saint-Gilles et déjà candidat au poste. Lui qui est devenu un athlète professionnel en contorsions gymniques en ménageant la chèvre et le chou entre Fournier et Lachaud.

Concernant la gouvernance de l'Agglo, Yvan Lachaud ne pourra pas aveugler tout le monde. L'une des mesures phares de Daniel Richard porte sur la mise en œuvre d'un processus de sortie des opérateurs privés des délégations transport et eau et assainissement. Comment le centriste pourrait-il exécuter une telle opération alors que c'est lui même qui a fait approuver ces délégataires par le conseil communautaire ? Il en a vu d'autres. Et a même vécu pire durant les six dernières années dans l'opposition au maire de Nîmes. Les mains libres, il pourrait même réussir là où on ne l'attend pas : devenir le rempart des républicains et des centristes face aux propositions extravagantes de l'écologiste. Il s'agit ici de fiction mais les dernières années dans le monde politique l'ont bien montré : la réalité dépasse quelques fois la fiction.

Les électeurs ne veulent peut-être pas se séparer de Jean-Paul Fournier

Reste une équation que les deux hommes ne maîtrisent pas : les électeurs ne veulent peut-être pas se séparer de Jean-Paul Fournier. Ses problèmes de santé, son âge semble avoir attendri les Nîmois. Là où beaucoup imaginaient une faiblesse, ses difficultés sont devenues des atouts : elles ont humanisé Jean-Paul Fournier. Et l'ont revigoré. C'est la première campagne depuis 2001 où le républicain est sur tous les terrains. Il impose le rythme et les temps forts de la campagne. Et garde l'une des qualités qui ont fait sa réussite électorale depuis 20 ans : l'anticipation. Il anticipe les coups, tire au bon moment et reste calme. Loin de l'agitation, Jean-Paul Fournier est serein. Comme un maire sortant en passe de s'imposer à nouveau.

Abdel Samari