Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 10.02.2022 - stephanie-marin - 4 min  - vu 1394 fois

FAIT DU JOUR Les autres réalités du Mas de Mingue

Au centre socio-culturel et sportif Jean-Paulhan au mas de Mingue à Nîmes. (Photo Yannick Pons/Objectif Gard) - Yannick Pons

Avec une expertise de terrain chacune dans son domaine de compétences, les associations jouent pourtant la carte de la coopération pour répondre aux interrogations, aux besoins des habitants et les aider à mieux vivre au sein du quartier du Mas de Mingue à Nîmes.

Rue Ronsard dans le quartier du mas de Mingue à Nîmes. (Photo : Yannick Pons/ObjectifGard) • Yannick Pons

Les "Mas de Minguois". Ce gentilé autoproclamé en dit long sur le sentiment des habitants de ce quartier nîmois et pourtant. Au fil des années, la fracture avec le centre-ville est devenue telle que les contours d'un village se sont formés à l'est de la commune. Les différentes initiatives menées par les collectivités locales, territoriales et l'État ont vocation à créer une porte de sortie mais aussi d'entrée du Mas de Mingue. Mais de chaque côté de la frontière, les préjugés, l'ignorance peuvent freiner, voire empêcher la rencontre. "Ça peut paraître incroyable, mais certains habitants ne sont jamais allés dans le centre-ville de Nîmes parfois par peur d'être jugés. Selon certains profils, ça peut être un vrai parcours du combattant parce que ça leur demande de se faire confiance et de faire confiance à l'autre", explique Sabrina Guellaen, directrice du centre socio-culturel et sportif Jean Paulhan.

De l'autre côté de ce mur invisible, l'image du quartier se dégrade au fur et à mesure que les pages des faits divers se remplissent. Le trafic de stupéfiants est une réalité, "les habitants du Mas de Mingue en sont les premières victimes, lâche Roland Camelio, coordinateur au Carrefour associatif. Mais depuis plusieurs mois, les trafiquants sont régulièrement dérangés par la police. Alors peut-être que les barrages de la semaine dernière sont une provocation par rapport à ce "pilonnage" de la police. Ça peut être une explication, je ne sais pas."

Sabrina Guellaen, directrice du centre socio-culturel et sportif Jean-Paulhan. (Photo Yannick Pons/Objectif Gard) • Yannick Pons

Plus d'une semaine après les faits, plus personne ne veut entendre parler de ces barrages constitués de caddies positionnés sur la rue Monseigneur Claverie. "Cette réalité, on la connaît, ce qu'il faut maintenant c'est s'attaquer au fond des problèmes", lance Soukaïna Benjaafar, présidente de l'association La Pléiade et attachée parlementaire de Françoise Dumas. Le premier enjeu concerne l'habitat dégradé, le programme de requalification du quartier dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain a démarré et s'accompagnera d'une desserte par la future ligne T2. La mixité et le désenclavement en sont les principaux objectifs. L'autre enjeu touche directement à l'humain et à l'accompagnement des habitants en difficulté pour lutter contre l'isolement. "Dans ce quartier, la mobilisation des habitants est inspirante, ils veulent vraiment agir pour améliorer leur quotidien, leur environnement. La majorité d'entre eux ne se projette pas ailleurs", ajoute Soukaïna Benjaafar.

"Les jeunes de quartiers peuvent aussi faire des choses"

Inspirée, la jeunesse l'est. "Sourire à tous" en est une illustration. Cette association a été créée il y a cinq ans par une bande de copains du lycée Alphonse-Daudet. "On vient du Chemin-Bas d'Avignon, de la ZUP, du Mas de Mingue et tous, nous avons voulu être utiles, aider les sans-abri", explique Houcem Mohammedi, le président de l'association. Puis les copains ont collecté des fournitures scolaires qu'ils ont envoyé dans des écoles marocaines. En 2019, ils ont organisé un gala qui rassemble 300 personnes, puis 700 l'année suivante. L'association a ainsi pu financer la construction de plus de 200 puits un peu partout dans le monde ainsi que, et entre autres, permettre l'accès à l'éducation à des jeunes filles en Inde.

"Nous avons aussi accompagné huit jeunes l'été dernier lors d'un voyage en Europe. L'objectif était de leur montrer qu'ils étaient capables de monter un projet en partant de zéro, de leur donner un autre point de vue que celui du quartier et que le monde est grand", ajoute le jeune homme de 21 ans. Et le même de poursuivre : "À travers cette association, nous démontrons que les jeunes de quartiers peuvent aussi faire des choses. Il suffit parfois d'une main tendue." "Sourire à tous" compte aujourd'hui 150 membres à Nîmes, Montpellier, Grenoble et à Lyon. Au mois de juin, l'association organisera un grand gala à la Smac Paloma.

Mounir Saoudi, éducateur sportif au sein de l'association sportive du club de foot Olympique Mas de Mingue. (Photo Yannick Pons/Objectif Gard) • Yannick Pons

Encore un exemple parmi d'autres, l'association sportive du club de football Olympique Mas de Mingue. Lors de notre rencontre, Mounir Saoudi, éducateur sportif, encadrait l'entraînement des U8 et U9 sur la pelouse synthétique du stade Henri-Noël, juste à côté du collège Ada Lovelace. Outre la pratique sportive, "l'aspect social et éducatif entre forcément en compte dans notre activité." La structure créée il y a 12 ans compte aujourd'hui une vingtaine d'éducateurs sportifs et 150 licenciés de 5 à 16 ans. "Les enfants nous communiquent leur bulletin de notes. Dès qu'on repère des difficultés chez un enfant, nous le dirigeons vers le comité d'intérêt local du Mas de Mingue pour l'aide aux devoirs. Nos objectifs, c'est de tout faire pour ne pas que les jeunes tombent dans la délinquance, qu'ils sortent de l'isolement et qu'ils découvrent d'autres clubs, d'autres villes." Une section filles a récemment été ouverte.

L'association sportive compte 150 licenciés âgés de 5 à 16 ans. (Photo Yannick Pons/Objectif Gard) • Yannick Pons

Le jeu collectif s'est développé au fil des années entre toutes les structures du quartier que ce soit les associations, les établissements scolaires, le centre médico-social et les institutions. "Le but est que tous ces acteurs-là se retrouvent autour d'un projet commun qui fait sens en matière de cohésion sociale pour que chacun vive mieux dans son environnement", précise Sabrina Guellaen. Par exemple, le centre socio-culturel et sportif Jean-Paulhan co-organisera avec "La Pléiade" un événement en présence de l'artiste Tata Milouda. Il s'agit d'un spectacle prévu le 12 mars prochain et articulé autour de la place de la femme et donnera lieu entre autres à des ateliers de paroles et d'écriture avec les femmes du quartier.

Roland Camelio, coordinateur au Carrefour associatif. (Photo Yannick Pons/Objectif Gard) • Yannick Pons

L'accueil, l'aide qu'il s'agisse de la scolarité, l'administratif, la santé, l'accès aux droits, au numérique... Tout cela représente le travail quotidien qui anime le tissu associatif. "Bien sûr, il faut faire avec des codes qui existent encore, mais les choses évoluent. L'accueil social par exemple que nous assurons du lundi au vendredi. Il y a dix ans, nous recevions une majorité de femmes. Aujourd'hui, c'est 50/50. Les mentalités changent, petit à petit. Et nous sommes là sur le terrain, pour les accompagner, mais pas pour les brusquer", souligne Roland Camelio. L'accompagnement passe aussi par l'apprentissage de la langue française. "C'est important à plusieurs titres pour eux, pour qu'ils n'aient plus cette crainte de ne pas être compris, pour qu'ils puissent trouver des repères, se former et trouver leur place dans la société", ajoute Cléo Trottin, 36 ans, animatrice socio-linguistique au sein de "Quartier Libre".

Stéphanie Marin

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