Publié il y a 1 an - Mise à jour le 23.08.2022 - stephanie-marin - 4 min  - vu 1504 fois

HISTOIRES DE PONTS Ce lien indestructible (ou presque) entre Beaucaire et Tarascon

L'actuel pont entre Beaucaire et Tarascon a été mis en service en 1990. (Photo : S.Ma/ObjectifGard)

Durant tout l’été, Objectif Gard vous propose ses nouvelles rubriques. Tous les mardis, la rédaction revient sur l’histoire d’un pont du département. Direction la Terre d'Argence, à la frontière des Bouches-du-Rhône, à Beaucaire où non pas un, mais trois ponts ont été construits entre 1829 et 1990.

Au temps où la foire de la Madeleine à Beaucaire connaissait ses heures de gloire, un pont de bateaux zigzaguait sur le Rhône. Il fut remplacé en 1829, alors que la concurrence du chemin de fer fit péricliter la foire, par un pont suspendu, long de près de 500 mètres, reliant Beaucaire à Tarascon. Et donc bien plus important que celui de Fourques, les plans sont cependant réalisés par le même ingénieur, Marc Seguin.

Dans un livre intitulé "Beaucaire en cartes postales anciennes" signé A.Jacquet, on peut lire : "Ouvrage grandiose à cette époque, sans égal en France, et qui n'était rivalisé en Angleterre que par le pont fameux dit de "Menai" [...] Ce pont avait quatre travées et une longueur totale de 423,60m." Malgré ses dimensions impressionnantes, cette structure restait trop étroite pour que deux bus ou camions puissent s'y croiser. Des gardes placés dans les guérites installées de chaque côté du pont devaient actionner un feu de signalisation pour réguler la circulation.

Le pont suspendu qui reliait Beaucaire à Tarascon construit en 1829. (Archives carte postale)

"Gamins, avec les copains, nous nous mettions sous le pont et nous amusions de voir le tablier s'affaisser lorsqu'un camion passait dessus", se souvient Paul Jallat, ancien premier adjoint à la mairie de Beaucaire et président de l’association Les amis de José Boyer. Voisin du pont ferroviaire, l'ouvrage fut partiellement détruit par les bombardements aériens alliés, le 15 août 1944. Le premier tronçon du côté Tarascon fut totalement rompu.

"À la fin de la Seconde Guerre mondiale, ces bombardements stratégiques étaient réalisés pour empêcher l'arrivée de renforts et la fuite des Allemands. Le Rhône étant inversé par rapport à aujourd'hui - le bras mort se trouvant côté de Tarascon - je pense que cette partie a été choisie car beaucoup plus facile à reconstruire ensuite", interprète Paul Jallat. Après la guerre, un bateau assurait la traversée du Rhône dans lequel on pouvait voir, quand son lit était au plus bas, des pièces arrachées de la structure. Le pont ferroviaire fut également lourdement touché par les bombardements.

Le pont suspendu de Beaucaire-Tarascon après les bombardements du 15 août 1944. (Archives carte postale)

En 1956, sous la municipalité de François Cestin, un nouveau projet de pont est lancé. L'État en est le maître d'ouvrage. Fut alors engagé le chantier selon des techniques alors embryonnaires pour la construction d'un pont en béton précontraint. "Une centrale de béton avait été installée à l'endroit où se trouve actuellement l'immeuble de la Croix du Sud à Beaucaire  L'acheminement du béton se faisait par une installation câblée appelée blondin. Mais un jour, un câble a lâché, un camion qui attendait pour franchir le pont a été coupé en deux et un ouvrier, un Beaucairois, qui travaillait sur l'ouvrage est mort écrasé par une benne", rapporte le président de l'association Les amis de José Boyer.

Deux inaugurations le 18 juillet 1959

En 1959, alors que Charles de Gaulle vient d'être élu président de la République face au communiste Georges Marrane et au divers gauche Albert Châtelet, et José Boyer maire PCF de Beaucaire, une polémique se crée autour de l'inauguration du pont. Tandis que le ministre des Travaux publics et des transports, Robert Buron, est invité à participer à la cérémonie, le préfet du Gard, Yves Cazaux, prive le maire de discours.

"Le préfet de l'époque n'éprouvait aucune tendresse particulière pour la ville de Beaucaire gérée à son avis par une municipalité trop fortement marquée à Gauche, lors de la venue du ministre. Une attitude qui témoignait du plus profond mépris. Aussi la municipalité décidait de s'abstenir", peut-on lire dans un livre intitulé Beaucaire et écrit par José Boyer. Le 18 juillet 1959, le pont a donc été inauguré deux fois, une fois par le ministre et le préfet du Gard le matin. Pendant ce temps-là, le premier édile beaucairois offrait un vin d'honneur à la population avant d'organiser une seconde cérémonie l'après-midi, en présence du maire de Tarascon.

Au-delà des déboires politiques, cet ouvrage connaîtra, comme celui de Roquemaure, construit selon le même procédé, des galères structurelles. "En raison de modifications apportées au cours du Rhône et de techniques de construction alors embryonnaires, ce pont s’affaissait peu à peu dans le lit du fleuve et présentait de graves dangers pour la circulation", indique Bernard Deschamps, conseiller général du Gard entre 1982 et 2001, dans l'article "Les ponts de Beaucaire", publié sur son blog. C'est donc un troisième pont qui doit être construit pour relier les deux centres villes de Beaucaire et Tarascon.

"À juste titre, le Conseil général du Gard (alors en charge de la compétence des grands projets d'infrastructure de transport, NDLR) considérait que cela incombait à l’État. À la limite, il acceptait de le reconstruire si l’État le subventionnait à 50 %, mais ce dernier refusait sous le prétexte qu’il avait entièrement financé le pont malade", raconte Bernard Deschamps dans son article.

Un bras de fer remporté par les Gardois. "Il (le ministre des Transports, NDLR) fut sensible à nos arguments et l’État attribua une subvention exceptionnelle de 50 % du coût des travaux." Des travaux qui ont démarré en 1988 pour la construction de la structure que l'on connaît aujourd'hui, un pont bipoutre en acier et béton armé. Sa mise en service remonte à 1990. Un autre pont reliant Beaucaire à Tarascon, à haubans et du côté de la zone industrielle, a été inauguré en 2001, ce dernier permettant de désengorger celui du centre-ville.

Stéphanie Marin

Stéphanie Marin

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