Publié il y a 1 an - Mise à jour le 27.10.2022 - corentin-migoule - 3 min  - vu 22421 fois

CRISE "Avis de décès" : le cri d'alarme d'une mythique boulangerie alésienne

Marjorie, cogérante de la boulangerie Martel, tire la sonnette d'alarme. (Photo Corentin Migoule)

Implantée depuis bientôt 60 ans en centre ville d'Alès, la boulangerie Martel - comme beaucoup d'autres - subit de plein fouet la hausse des prix de l'énergie et des matières premières au point de tirer la sonnette d'alarme. Pour d'autres, c'est déjà trop tard...

"Avis de décès de la boulangerie pâtisserie artisanale. Les artisans boulangers-pâtissiers français ont la douleur de vous faire part du décès imminent de leur profession suite à une longue agonie." L'affiche placardée depuis plusieurs semaines près de l'appareil à carte bancaire au cœur de cette boulangerie alésienne est on ne peut plus explicite. "Elle interpelle de nombreux clients", reconnaît Marjorie, cogérante de la boulangerie Martel, implantée depuis 1964 en centre ville d'Alès, rue Edgard-Quinet.

Peu après ces quelques lignes peu réjouissantes, les "causes du décès" sont listées : "+84 % d'augmentation pour l'électricité, +86 % pour le gaz, +52,5 % pour le beurre, montée en puissance des chaînes de boulangeries, charges de plus en plus étouffantes et des difficultés de recrutement." Un tableau sombre dressé par la Fédération des boulangers de France, lequel serait encore plus noir chez Martel. "Pour certains pourcentages, on est beaucoup plus haut. On est à 100 euros d'augmentation en un an sur la motte de beurre de 25 kilos, sachant qu'on en passe plus d'une par jour", affirme la cogérante de cette institution alésienne.

Et d'ajouter : "On est à 92 % d'augmentation pour l'électricité. Le sucre a pris 90 %. La sauce tomate pour nos pizzas, pas loin de 80 %. Et je ne parle pas de tout le reste..." Malgré une impressionnante fréquentation aux heures de pointe et une solide réputation, cette boulangerie artisanale, confrontée à une réduction "considérable" de ses marges, a dû compenser ces hausses en les répercutant sur les prix. "On commençait à avoir du mal à respirer", justifie celle qui, avec son compagnon, emploie onze personnes.

Ne pas toucher à la baguette

"On a augmenté les prix des produits "plaisir" comme les viennoiseries et les pâtisseries (de 5 à 10 centimes, NDLR). L'augmentation la plus conséquente concerne la gamme "salée" qui n'avait pas subi de hausse de prix depuis six ans", développe la jeune femme. Soit une augmentation pouvant atteindre 80 centimes pour des produits de type "snacking". Seul le prix de la baguette est toujours figé à 95 centimes et devrait le rester. "On n'a pas l'intention d'y toucher", confirme Marjorie. "Selon nous, c'est un produit de première nécessité pour les Français. Quand on a vraiment faim et peu d'argent, on doit pouvoir s'acheter du pain", analyse la dernière nommée.

Dans ce contexte de crise, la profession s'est mobilisée ce mardi 25 octobre en organisant une "journée nationale de deuil". Partout en France, de nombreuses boulangeries artisanales ont fait le choix de tirer le rideau symboliquement pendant 24 heures, certains affirmant sur des chaines nationales de télévision "perdre moins en fermant qu'en ouvrant". Après consultation de l'ensemble de l'équipe, les gérants de la boulangerie Martel n'y ont pas participé. La prochaine fois, ils y songeront sérieusement.

La boulangerie Lou pan d'antan tirera définitivement le rideau ce dimanche. (Photo Corentin Migoule)

Car à l'heure où la France comptabilise environ 35 000 boulangeries, les prévisionnistes les plus pessimistes en annoncent moins de la moitié à l'issue d'un hiver potentiellement dévastateur. "Certains clients nous supplient de ne pas fermer. Ils s'interrogent et se demandent où ils vont aller si c'est le cas. Certains sont là depuis les débuts en 1964", déplore Marjorie, déterminée à résister. Et de conclure : "Tant que les clients prendront le parti pris de venir chez des artisans, on s'en sortira."

Pour d'autres, c'est déjà trop tard. Selon nos informations, la boulangerie "Lou pan d'antan", établie à la cime de l'avenue de Stalingrad, mettra la clé sous la porte ce dimanche 30 octobre à 13h. Reprise en 2018 par un couple de quadragénaires, cette autre institution alésienne qui faisait jadis son "beurre" avec "une clientèle de passage" n'aurait jamais retrouvé son rythme d'avant Covid. Étranglée dans le même temps par une augmentation abyssale des charges, cette boulangerie artisanale vit ses dernières heures et tourne depuis quelques jours au ralenti, à en croire les vitrines vides. Un triste sort que pourrait connaître bon nombre d'établissements dans le département, à moins que l'État ne déploie son bouclier énergétique à temps.

Corentin Migoule

L'affiche de la Fédérations des boulangers de France

Corentin Migoule

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