Publié il y a 1 h - Mise à jour le 10.11.2025 - Erwan Robert - 5 min  - vu 903 fois

FAIT DU JOUR « C’est un acharnement que l’on subit » : Où en est l’expropriation de L’Enclos à Collias ?

Expropriation L'Enclos à Collias

Barbara Chamboredon, plie mais ne rompt pas, soutenue par ses deux enfants. 

- Erwan Robert

Barbara Chamboredon, aux côtés de ses enfants Falko et Noémie, poussent la sonnette d’alarme. Le restaurant L’Enclos à Collias, est menacé par une procédure d’expropriation qui s’éternise. Les trois membres de la famille demandent que justice soit faite.

Désabusés mais combattifs. Barbara Chamboredon, propriétaire expropriée, épaulée par ses deux enfants, Falko et Noémie, ne veulent pas abandonner. L’Enclos, c’est un restaurant familial, construit en 1987, située au bord du Gardon. En décembre 2002, un arrêté municipal leur interdit de reprendre leur activité commerciale. Une décision prise, des suites d’inondations survenues, en septembre de la même année. Revenons en 2007 : une lueur d’espoir apparaît lorsque l’arrêté municipal est annulé en appel pour « abus de pouvoir ». 

Dans la note explicative, du dossier d’enquête préalable à la DUP, précédant la procédure d’expropriation, l’eau est montée à plus de 5 m, selon les études Hydratec de 2003 et 2015 : « La vulnérabilité de ce bien repose sur sa localisation, dans l’emprise du lit majeur du Gardon. En 2002, le niveau de l’eau est monté à une hauteur de près de 5,5 m par rapport au TN selon les études Hydratec. Le bâtiment, de type R+1, a été complètement submergé », est-il précisé. La raison officielle de l’expropriation est « une mise en danger des personnes ».

La vulnérabilité des personnes contestée

La localisation du restaurant est jugée à risque : « L’unique chemin d’accès à la propriété est situé en contrebas de celle-ci, dans le secteur le plus exposé en cas d’inondation. En cas de crue et de montée du niveau d’eau du Gardon, le chemin est inondé avant la propriété. L’utilisation de ce chemin comme voie de secours peut donc s’avérer dangereuse », est-il inscrit dans la suite du compte rendu. Un peu plus loin dans la note explicative, il est notifié : « Une évacuation du bâtiment est envisageable par l’arrière en direction du chemin Saint Vincent en passant par la propriété́ voisine dominant le restaurant. Cette option reste toutefois aléatoire dès lors que les deux parcelles sont distinctes et que rien n’indique qu’une clôture ne viendra pas à terme condamner l’accès à la parcelle voisine, empêchant par là-même toute possibilité́ d’évacuation »

Expropriation L'Enclos à Collias
La vue depuis la terrasse du restaurant l'Enclos.  • Erwan Robert

Le motif de « vulnérabilité des personnes », est contesté par la famille : « Nous avons un accès de secours en passant par notre domicile ». Depuis, c’est un calvaire judiciaire, et un enchaînement de rebondissements, auquel la mère et ses deux enfants, font face. Un déferlement de plusieurs décisions et des années d’attente, en tentant de garder la tête haute.

Une enquête publique réalisée 4 ans après

Les affaires reprennent après 5 ans d’arrêt brutal. En 2014, le couple propriétaire émet son droit de partir à la retraite. En mars 2015, une proposition d’acquisition à l’amiable par la Préfecture, est faite et acceptée par les expropriés. Volte-face de la Préfecture en septembre, qui décide finalement, de refuser de reprendre en main le restaurant. Exigée en février 2016, une enquête publique sera mise en œuvre, 4 ans plus tard, du 17 septembre 2020 au 2 octobre 2020. À ce moment-là, la municipalité ne se prononce pas quant au devenir de l’Enclos, alors en suspens. 

En janvier 2021, une ordonnance d’expropriation est instaurée. « La municipalité bloque toute la procédure pour sauver les moulins », rapporte le fils dans son historique. Un second choc intervient pour la famille Chamboredon, en décembre 2021 : Pierre Chamboredon décède, d’une crise cardiaque, usé par toutes les procédures en cours, et près de 20 années de combat. Désormais plus que trois, la mère et les deux enfants, veulent que l’histoire trouvent une issue : « Je veux qu’ils appliquent le jugement », réclame Barbara Chamboredon, à bout de nerfs. En novembre 2023, la famille installée à Collias avait saisi une juge de l’expropriation. En mars 2024, celle-ci s’est déplacée pour constater de ses propres yeux, et n’avait rien trouvé d’anormal. Avant que la bataille judiciaire reprenne de plus belle : la première audience prévue en septembre 2024, est reportée à la demande de l’État, et acceptée par les expropriés. 

Février 2025 : L’État fait appel du jugement 

Lors de la seconde audience, en octobre 2024, l’État « promet oralement de ne pas faire Appel », précise Falko Chamboredon… qui tombera des nues quelques mois plus tard. Le 23 janvier 2025, un jugement est rendu par le juge de l’expropriation et accepté par les expropriés. Contre toute attente, l’État fait finalement Appel, le 21 février 2025. Celui-ci avait trois mois pour déposer un mémoire. Le Greffe oublie alors de notifier aux expropriés l’envoi du mémoire d’appel de l’État. Les trois membres de la famille Chamboredon apprendront qu’il a été déposé le 27 mars 2025.  Une rupture de confiance entre les expropriés et les services de l’État, car ils se sentent trahis et surtout non pris en considération. « C’est un acharnement judiciaire que l’on subit », s’étrangle Falko Chamboredon. 

Jonathan Pire : « Ma porte reste ouverte si les propriétaires sollicitent un nouveau rendez-vous »

Contacté sur cette affaire, le maire de Collias répond : « La procédure a été portée par l’État, donc il y a eu dans ce cadre, une commission d’enquête, à laquelle ils ont participé. Dans le rapport, le propriétaire ne contestait pas l’expropriation. La position du conseil municipal est invariable et inchangée. Nous n’avons fait que suivre la décision de M. Chamboredon. J’avais demandé que leur dossier, en date du 11 mai 2022, soit traité en priorité, pour qu’ils puissent se faire indemniser le plus rapidement possible ». L’élu municipal, candidat à sa succession en 2026, n’exclut pas un dialogue : « Ma porte est ouverte, et donc si les prioritaires sollicitent un nouveau rendez-vous pour en rediscuter, et de voir de quelles manières je pourrais les aider, cela serait bien volontiers ».

« Il n'y a pas d'acharnement »

Interrogée, la Préfecture du Gard a aussi donné sa version des faits, en revenant au point de départ : « L’État a décidé d’exproprier la propriétaire de l’Enclos car ce bien a été inondé en 2002 par des hauteurs d'eau allant jusqu'à 5,5m, submergeant même l'étage. L'accès principal se fait par les berges du Gardon où la zone est soumise au risque d'érosion et de charriage (fortes vitesses), ce qui aggrave le risque pour le bien et les personnes. La rapidité des crues du Gardon et la très forte exposition du bien aux risques justifient cette action. » Les inondations de 2002 ont poussé les autorités à agir : « Ce sont bien les crues de 2002 qui ont fait prendre conscience de la vulnérabilité du territoire. Depuis cette date, le Gard a mis en place tous les outils de la prévention : des plans de prévention des risques (PPRi) aux actions coordonnées à l'échelle des bassins versants par les programmes d'actions (PAPi), qui disposent, tous, de moyens destinés à la réduction de la vulnérabilité des biens. » 

Expropriation L'Enclos à Collias
L'avenir du restaurant gardois est suspendu à une décision juridique. • Erwan Robert

Avant de rentrer dans le vif du sujet : « Il n'y a pas d'acharnement à l'égard de la famille Chamboredon. Les procédures d'expropriation sont nécessairement longues et complexes. »Avant de se projeter sur le futur du restaurant : « L'ordonnance d'expropriation de janvier 2021 a transféré la propriété du bien à l’État qui n'en a pas encore la jouissance puisque celle-ci se matérialise un mois après le versement de l'indemnisation. Il est évidemment exclu que le bien retrouve un bail commercial. » 

Attachée à ce commerce, la fille aînée contre-attaque : « Ils essaient clairement de gagner du temps et jouent avec la santé de ma mère. Nous avons eu également vendredi 31 octobre, un RAR qui nous signifiait que l’enquête publique était prolongée. Nous ne comprenons plus rien », fustige Noémie Chamboredon, avant de faire une annonce forte : « Nous avons pris la décision de continuer à exploiter le restaurant pour la saison 2026, si nous trouvons des gérants ». La procédure est toujours en cours : l’audience a été renvoyée au 15 septembre 2026. L’Enclos à Collias est pris entre deux eaux.

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