Publié il y a 1 an - Mise à jour le 11.10.2022 - anthony-maurin - 4 min  - vu 2738 fois

FAIT DU JOUR Clap de fin pour les cinémas ?

Une belle petite salle du Sémaph' (Photo Archives Anthony Maurin)

En fin de semaine dernière devant le Sémaphore à Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Le cinéma français est en crise. La production, certes, mais aussi les exploitants. Les salles de ciné se vident au profit des salons privés, les abonnés désertent les lieux. Pourquoi ?

C'est un phénomène plus mondial que Gardois : aller au cinéma est devenu moins fréquent aujourd'hui qu'avant la crise covid. Le monde audiovisuel, qui y avait mis déjà les deux pieds, est maintenant entièrement entré dans l'intimité des Gardois. Forcément, avec l'envolée des prix du carburant, de la restauration et du reste, s'engager à faire vivre les salles obscures, qu'elles soient au cœur d'immenses complexes ou de petits cinémas de quartier n'est plus franchement à l'ordre du jour. Ah qu'ils vont regretter le bon vieux temps des bâtonnets glacés vendus par l'ouvreuse, celui des gourmandises au bon goût d'enfance. Ces souvenirs qui sont diffus mais tellement présents quand on regarde dans le rétro...

2022 a signé une évolution incroyable dans cet univers. L'offre qui était par le passé contrainte de passer par les salles obscures pour vous atteindre vient maintenant directement chez vous via la fibre. Votre salon ou votre chambre sont équipés de grands téléviseurs avec le son qui va avec. Un abonnement mensuel à une plateforme coûte l'équivalent d'une place de cinéma et vous avez à la maison tout le confort nécessaire au bon visionnage d'un film. Vous pouvez mettre le lecteur sur pause et aller aux toilettes, répondre au téléphone ou discuter avec quelqu'un si besoin. Vous vous préparez un plateau avec quelques friandises salées ou sucrées et grosso-modo, vous allez passer un excellent moment, alors pourquoi aller au ciné ?

À 31 ans avec femme et enfants, Loïc explique ses choix : "Je ne vais presque plus au cinéma. Avec le covid, on a tous fait des choix. Le mien a été de m'abonner à plusieurs plateformes. Salto, Netflix, Disney+ et Amazon Prime. j'avais déjà Canal + que j'ai résilié pour prendre OCS. Pour moins de 60 euros par mois, c'est-à-dire une place de cinéma par semaine, j'ai accès à presque toutes les productions qui m'intéressent. Je les regarde quand je veux, où je veux et je les partage comme je l'entends et je n'ai pas à aller au cinéma, à attendre une séance et à écouter les gens chahuter ou éternuer."

Plus âgée et adepte d'un service sur-mesure sans omettre le fait qu'elle veut faire travailler les exploitants de son quartier, Claude est fière de continuer d'aller au Sémaphore, à Nîmes : "C'est le plus proche et ça me permet d'y aller plusieurs fois par semaine car je suis curieuse des films d'art et d'essai qui y sont projetés. Je vois qu'il y a moins de monde qu'avant, mais cela ne me dérange pas. Moi, j'aime aller au cinéma, j'aime voir en entendre les films sur un grand écran même si à la maison j'ai une belle télé. Au Sémaphore, ils sont en version originale et je me régale ! C'est plus intimiste, les films sont plus élaborés. En plus, c'est moins cher qu'ailleurs. Oui, les salles sont plus petites que dans un multiplex mais on s'y sent très bien, comme dans un cocon. Et honnêtement plus la salle est petite, plus j'aime vivre l'expérience !"

Jean-Sylvain Minssen du Sémaphore à Nîmes en sortie de covid. Ne vous inquiétez pas, aujourd'hui les portes sont largement ouvertes ! (Photo d'archive Anthony Maurin).

Le Sémaphore sait faire. Il a choisi un créneau et s'y tient brillamment. Même si la proximité prévaut, la vente en ligne est possible sur le site Internet du cinéma. Des abonnements sont possibles et les abonnés peuvent également acheter des billets en ligne avec les cartes d'abonnements à code-barres. Pour les abonnés avec des cartes d'abonnement à bande magnétique, il suffit de les échanger gratuitement à la caisse pour obtenir une carte à code-barre.

Le Sémaphore accepte aussi les chèques-vacances et vous permet de payer vos dépenses de vacances et de loisirs à moindre coût tout au long de l'année. Avec le pass Culture grâce à une application gratuite pour les jeunes de 18 ans sur laquelle ils disposent de 300 euros pendant 24 mois. Cela peut les encourager à découvrir et à diversifier leurs pratiques culturelles.

"Ces derniers temps, j'étais très optimiste grâce au retour du mauvais temps. Il y a aussi quelque chose que je remarque, le monde commence à revenir non plus pour un seul film, mais pour tous les films à l'affiche. Je vois aussi des gens qui ont une carte depuis trois ans et qui veulent s'en servir. Nous avons aussi les publics scolaires et celui qui vient aux projections-conférences-débats. Si en sortie de covid nous n'avions pas eu le soutien de notre clientèle, nous n'aurions pas rouverts. On a alors su pourquoi nous nous levions le matin et pourquoi notre travail, notre engagement et la fidélité de nos clients depuis 35 ans étaient aussi importants !", explique Jean-Sylvain Minssen, directeur de ce cinéma d'art et d'essai. Petit problème dans l'embellie de ce cinéma de centre-ville, le chantier du Palais des Congrès va durer quelques années et effraie la direction.

"Le cinéma à 20 euros la place n'est plus populaire"

Il y a une chose que les structures nationales ne disent que trop rarement et qui explique en partie leurs difficultés. Les multiplex dépendent des films américains à gros budget. Ils sont la locomotive des entrées payantes. Si, comme ce fut le cas ces dernières semaines, il n'y en a pas à l'affiche, les chiffres s'effondrent. Il leur faut au minimum un blockbuster par semaine. "En national, le développement sans fin des salles premium est incroyable... Le cinéma à 20 euros la place n'est plus populaire ! Les gros exploitants pratiquent des prix fous."

Une raison de plus de ne pas aller au cinéma quand on est en famille, le prix des "à-côtés". Là aussi, personne ne communique mais les multiplex ne font pas leur beurre sur l'achat des places de cinéma. Non, c'est sur la confiserie qu'ils dessinent leurs larges profits et qu'ils compensent la baisse de fréquentation. Pour une structure mixte, entre un multiplex et un cinéma de quartier comme peut l'être le CGR à Nîmes, c'est la même sauce. "Je vais parfois au CGR parce que c'est à côté de chez moi et je n'ai pas à prendre la voiture. L'essence coûte cher maintenant. À vrai dire on y trouve presque tous les films qu'on voit à l'affiche d'un multiplex, mais on reste en ville, c'est plus sympa. C'est vrai que je vais au cinéma pour voir du grand spectacle, du lourd, mais même si c'est moins cher qu'au Kinépolis, c'est quand même onéreux, surtout en ce moment. Les films en huis-clos ou sans effets spéciaux, je peux les regarder à la maison, tranquillement." À chacun sa nouvelle consommation.

Anthony Maurin

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