Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 03.06.2022 - corentin-migoule - 5 min  - vu 5487 fois

GARD Les centres hospitaliers du département au bord de l'implosion : "Il va y avoir des morts"

Thomas Bernard, Marine Lamouret, Boris Vigne, Romain Sabran, Coralie Jonget et Nathalie Argenson ont alerté la presse sur la situation de leur établissement de santé respectif. (Photo Corentin Migoule)

Ce jeudi après-midi, dans les locaux de la CGT des hospitaliers d'Alès jugés "stratégiques" sur le plan géographique, les représentants de la célèbre organisation syndicale des centre hospitaliers d'Alès Cévennes (CHAC) donc, de Nîmes, de Bagnols/Cèze, du Vigan et de Ponteils-et-Brésis, ont fait cause commune en invitant la presse pour tirer la sonnette d'alarme sur "la situation catastrophique" dans les hôpitaux gardois.

L'union syndicale départementale santé et action sociale de la CGT du Gard avait choisi Alès et son emplacement géographique "stratégique" pour organiser une conférence de presse ce jeudi après-midi. "Plus un seul établissement de santé gardois n'est en capacité de prendre en charge et de soigner correctement sa population", a enclenché l'union syndicale départementale dont Romain Sabran, secrétaire général de la CGT du CHAC, s'est fait le porte-voix. Et ce dernier de poursuivre : "La dégradation du service public hospitalier n'est absolument pas la faute du Covid et encore moins celle des agents qui essaient par tous les moyens de bien soigner. Aujourd'hui, les agents sont en grande détresse." Tour à tour, les représentants syndicaux des centres hospitaliers d'Alès donc, de Nîmes, de Bagnols/Cèze, du Vigan et de Ponteils-et-Brésis, à partir de données récoltées bon gré mal gré dans leur établissement respectif, ont dépeint un tableau qui fait froid dans le dos et laisse craindre le pire pour l'été qui approche.

À Alès, les agents craignent une fermeture ponctuelle des urgences

  • Un taux de 15% d'absentéisme sur le début de l'année 2022 a été relevé au centre hospitalier d'Alès. "On était à 12% en 2021, ce qui est déjà plus que la moyenne nationale établie autour de 10%", commente Romain Sabran.
  • Un manque de 35 agents paramédicaux pour faire face au flux de patients. "Et encore ce n'est que pour assurer le service minimum", complète le dernier nommé.
  • La fermeture récente de 31 lits de soins de suite et de réadaptation (SRR), faute de personnel
  • Des agents de service hospitalier (ASH) "non formés" contraints d'exercer des missions supposément dévolues aux aides-soignants et aux infirmiers, faute de personnel également. "Les ASH se retrouvent à donner des traitements à des patients comme s'ils étaient infirmiers, ce qui est parfaitement illégal", déplore Romain Sabran. Et d'ajouter : "Sans la rémunération qui suit bien entendu."
  • Une baisse des effectifs en unité "psychiatrie" qui se traduirait par l'absence de soins psychiatriques, "surtout en pédopsychiatrie", et des délais de prise en charge qui s'allongent.
  • Des patients qui passent "une à deux nuits" dans les couloirs, sur des brancards, et qui finissent par être soignés "à la vue de tous, sans aucune intimité".
  • La crainte d'une fermeture des urgences durant l'été. "Il n'y a aucune annonce officielle de la direction, ce ne sont que des bruits de couloir, mais on s'achemine vers une fermeture des urgences durant l'été", prévient le secrétaire local de la CGT. Et de conclure : "Ça devrait tenir au mois de juin, ça devrait passer en juillet, mais ça va casser en août."

À Ponteils-et-Brésis, des demi-journées sans médecin

  • Un taux d'absentéisme galopant, venu s'établir à 14% en 2021.
  • La fermeture d'une unité complète de soins de suite et de réadaptation (SRR), soit 17 lits en moins.
  • Le manque d'une dizaine d'aides-soignants et de cinq infirmiers en soins généraux. "Depuis le début de l'année, on a vécu plusieurs demi-journées sans infirmier ni le moindre médecin", se souvient sans mal Thomas Bernard, secrétaire du syndicat CGT au sein dudit établissement.

À Nîmes, 50 agents suspendus et une prise en charge dégradée

  • La démission de 104 agents en 2021, ainsi que 152 demandes de mise en disponibilité ont été recensées par la CGT, représentée ce jour par sa secrétaire, Nathalie Argenson.
  • La suspension de 50 agents pour défaut d'obligation vaccinale (Covid) qui "pèse lourd" sur le fonctionnement du centre hospitalier universitaire.
  • 46 personnes en attente d'une prise en charge dans le cadre d'un traitement chimiothérapeutique. "Elles sont dans l'impasse car aucun délai ne leur est communiqué", regrette la dernière nommée.
  • Des lits qui ferment dans l'unité "soins critiques" obligeant certains patients, comme à Alès, à passer la nuit sur des brancards.

Au Vigan, précarité et agents éreintés

  • 14% d'absentéisme en 2021, chiffre communiqué par la direction de l'établissement.
  • Une seule infirmière pour assurer la gestion de deux services du centre hospitalier et de l'EHPAD accolé, soit environ 100 patients. "Si pendant la nuit il y a une urgence à l'hôpital et une autre au même moment à l'EHPAD, elle doit choisir", s'inquiète Coralie Jonget, secrétaire CGT du centre hospitalier du Vigan.
  • Un manque de personnel qui se traduit par le déploiement d'agents de service hospitalier (ASH) non formés au titre d'aides-soignants en EHPAD.
  • Une forte "précarité", l'effectif total (170 agents) étant composé de 50% de contractuels permanents.

À Bagnols, la menace d'une fermeture des urgences

  • "J'aurais aimé vous dire que c'est mieux chez nous, mais pas du tout", se désole Boris Vigne, infirmier-urgentiste et secrétaire CGT du centre-hospitalier de Bagnols/Cèze, lequel s'attend, avec encore plus de certitudes qu'à Alès, à une fermeture du service des urgences dans l'été, "à plusieurs reprises", "la nuit".
  • En début d'année, la fermeture "très brève" mais qui "doit nous alerter" de l'unité cardiologie.
  • Des arrêts maladie "très fréquents" et de plus en plus nombreux
  • À l'EPHAD, une prise en charge "dégradée" des résidents qui accouche de plaintes régulières des familles.

"On perd notre dignité quand on rentre aux urgences"

Ces listes non-exhaustives de problématiques décrites par les représentants de la CGT ont vocation à "interpeller" la population, laquelle est invitée à se mobiliser aux côtés des agents hospitaliers grévistes ce mardi 7 juin (rassemblements devant les urgences de Nîmes à 12h30 et à Bagnols/Cèze à 9h). Car à écouter ces derniers, au cœur de la machine infernale de la santé, l'heure est grave. "C'est une catastrophe pour les agents de travailler dans ces conditions. On perd notre dignité dès lors qu'on rentre aux urgences", expose sans fard Nathalie Argenson. "L'été, la démographie de notre département explose avec le tourisme. On va se retrouver avec des dizaines de personnes qui ne sauront pas où aller pour se faire soigner", prévoit Boris Vigne. Et Marine Lamouret, secrétaire CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de l’hôpital de Bagnols, de jouer les oiseaux de mauvais augure : "Il y aura des retards de prise en charge et donc des morts. Je n'ai pas peur de le dire!"

Pour éviter un tel chaos, bien que certains agents hospitaliers le pensent "inéluctable", la CGT livre un certain nombre de propositions, parmi lesquelles la suppression de la taxe sur les salaires qui "permettrait l'embauche immédiate de 10% de personnel supplémentaire", le dégel du point d'indice des personnels médicaux et non médicaux à hauteur de l'inflation des dix dernières années, le passage à la semaine à 32 heures pour "mieux conjuguer vie personnelle et vie professionnelle", ainsi que le développement de centres de santé publics sur le territoire. Rien de nouveau sous le soleil, en somme. Et pour cause ! "Nos revendications sont vraies depuis dix ans. On aurait aimé avoir tort, mais tout se passe comme on l'avait annoncé. Pour le coup, la CGT était en avance sur son temps", veut croire Marine Lamouret.

Corentin Migoule

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