Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 28.02.2022 - anthony-maurin - 4 min  - vu 643 fois

GARD Une baleine qui va sans doute voyager

Une répétition de The Whale Street (Photo Archives CPPP)

Yann Guerrero et sa compagnie de spectacle vivant sont connus pour leurs créations et participations aux Grands Jeux Romains devenus Hadrien, la guerre des Pictes. D'autres projets culturels agrémentent l'avenir de la compagnie.

Quel est le métier de Yann Guerrero ? Comment se définit-il ? "J'ai toujours eu du mal avec ça... Je n'ai jamais l'impression de travailler, c'est une passion, c'est ma vie. Quand je fais un pas en arrière, je vois que j'ai la chance de pouvoir encore créer, gérer, imaginer, réaliser ! Quand je me présente, je dis que je suis régisseur dans le spectacle vivant, c'est certes un peu modeste mais c'est comme ça. Pour Hadrien dans les arènes de Nîmes, je fais aussi la direction artistique, je suis la caution esthétique du spectacle mais ça ne s'arrête pas à ça non plus car je fais la production avec la mairie, la sécurité... Dans le spectacle, les choses sont sectorisées et j'aime le mélange des genres, c'est ce qui enrichit."

Voilà une chose qui a enrichi le public, un vrai choc des cultures. La baleine, The whale street est un spectacle créé en 2019 et entièrement auto-produit, c'est-à-dire sans un seul denier public. "En 2011, je fais une Pégoulade à Nîmes et la thématique, c'est l'eau. Ça devait se terminer par un tableau nommé la Féerie des eaux, donc une baleine c'était bien. On a récupéré un bus de l'agglomération, on l'a découpé et on en a fait une baleine rose."Logique !

Yann Guerrero (Photo Archives Anthony Maurin).

"Pour Nîmes et pour le premier projet, je voulais habiter la gueule de la baleine, on a mis un DJ à l'intérieur et une batucada. Ça a marqué les gens car la baleine faisait 12 mètres. Avec mes racines et mon expérience à Malabar, j'ai voulu écrire un spectacle là-dessus. Après avoir lu Moby-Dick de Melville, que je n'avais jamais lu, j'ai découvert la dimension manichéenne. On vit dans une époque de simplification intellectuelle, on n'a plus de nuance, on a hérité d'un structuralisme mal compris en France... On considère qu'il faut choisir un camp. On retrouve ça dans le spectacle, moi, je ne m'y retrouve pas."

Yann forme alors deux camps : celui des méchants gentils et celui des gentils méchants. Le premier, grosso modo, c'est les personnages des YMCA dans toute leur diversité qui étaient artistes du cirque, une métaphore des Américains. Les seconds, c'est les USSR, danseurs de hip-hop et de flamenco. En cinq actes, le combat de l'Homme contre lui-même rejailli tout comme celui de l'Homme contre les Dieux. Vous l'aurez compris, la pensée complexe manque à la vie d'un Yann Guerrero guérillero du coeur.

"Je suis différent parce que je ne suis pas pareil"

D'abord, c'est à Perpignan qu'il se rode et qu'il cartonne. De Gdansk à Prague en passant par Madrid, le spectacle plaît aux décideurs et Yann monte une tournée. Et puis en mars 2020... C'est le début des grandes vacances. "Maintenant, je ne sais pas si tout cela sera encore possible car il n'y a plus ce genre de spectacle. Les décideurs préfèrent les spectacles intellectuels où il faut sauver la planète en parlant d'écologie. Nous, on est dans le surréalisme, on ne balance pas de slogan, on n'est pas dans la culture prout-prout ! On devait aller à Santander cette année pour les Rois Mages mais ça a été annulé le 23 décembre et les autorités sont encore frileuses de réunir autant de monde."

D'un autre côté, les maires attendent ces spectacles et la sortie positive de l'ornière est peut-être déjà là. "Il y a du fond, de la forme, on peut discuter. Le spectacle, c'est un langage car il n'y a pas un, mais une multitude de publics. Il faut comprendre ça. Le grand Pierre Bourdieu disait que pour réussir un spectacle il faut trouver l'équilibre entre le capital culturel des créateurs et celui du consommateur." Et les perspectives sont immenses, aussi grandes que la baleine. Une tournée en Amérique du Sud, forcément, et le rêve ultime de Yann : voir sa baleine au coeur d'une caravane de spectacle qui partirait de Nîmes et qui passerait par l'ex-Yougoslavie puis qui finirait à Samarcande (Ouzbékistan). "J'ai trop lu Corto Maltese... Je suis différent parce que je ne suis pas pareil !" Il faut dire que Yann a pas mal bourlingué à travers l'Europe et le monde. Il a même joué à Bitola en Macédoine du Nord avec une mante religieuse de 25 mètres de long... Évidemment, on en parle encore jusqu'à Pristina (Kosovo) !

Toujours à voyager ou à avoir les yeux posés sur une carte du monde, le petit côté "gitan" de Yann fait souvent parler. "Quand on croit que je suis un gitan, et c'est souvent, je lame demande pourquoi ? En fait, la liberté nous anime. Je tiens à cette liberté !" En effet, de l'Arabie Saoudite avec une salle de spectacle constituée de miroirs en plein désert à des aventures dans des pays étonnants, Yann aime surprendre et se laisser surprendre.

Un autre projet émerge. Adapter un spectacle de reconstitution en version dramatique. Un début un milieu et une fin, raconter une histoire mise en scène. L'objet titille l'imaginaire d'un duo Guerrero-Teyssier qui ne demande qu'à avancer. C'est peut-être à Chartres que cela va se produire en biennale avec la Fête des Lumières. "On leur a proposé un projet, une saga qui parlerait de l'histoire et qui remonterait dans le temps en évoquant différentes époques connues par la ville Chartres. On a aussi été contacté par Béziers."

Anthony Maurin

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