INTERVIEW Violences conjugales : le procureur de Nîmes veut prendre toute sa part dans ce combat
Eric Maurel, le procureur de la République de Nîmes, s'exprime sur l'accroissement des violences intrafamiliales dans le Gard, et particulièrement sur les violences conjugales. Un phénomène de plus en plus inquiétant...
Objectif Gard : Quel constat faites-vous des violences conjugales dans le Gard ?
Eric Maurel : Avant le premier confinement, en mars 2020, nous avions quatre affaires en moyenne par semaine. À la sortie du confinement, en juin 2020, on est passé à quatre affaires par jour. Aujourd'hui, nous approchons de la dizaine journalière. Plus qu'un phénomène, la situation est durable et particulièrement inquiétante. Elle s'explique toutefois.
Peut-être par la libération de la parole...
Oui indéniablement et c'est salutaire. Probablement aussi parce que l'État a mis le paquet en matière de communication sur le sujet. On pense au Grenelle des violences conjugales en 2019 qui a permis une prise de conscience plus forte. Cela a donc porté ses fruits et les femmes n'hésitent plus à dénoncer les maris ou conjoints violents. Enfin, je pense que les services de Police et de la Gendarmerie sont également davantage réactifs et enclenchent plus rapidement des actions. Je veux aussi saluer les associations qui font un travail de fond quotidien et, sans elles, nous serions bien embêtés.
"Tous les milieux sont concernés. Il n'y a pas de profil type"
Y a-t-il des milieux sociaux davantage touchés par cette violence ?
Tous les milieux sont concernés. Il n'y a pas de profil type. Des jeunes, des retraités, des couples avec ou sans enfant. De milieux modestes ou aisés. Je peux simplement vous dire que 90% des auteurs sont des hommes.
Nous sommes face à des actes anciens qui se répètent ou les cas sont-ils plus récents dans cette spirale de violence ?
Nous avons les deux. Une violence ancienne : des mois, des années et puis un jour, la femme finie par dénoncer avant qu'il ne soit trop tard. On a aussi des phénomènes qui commencent par des injures, des humiliations. Enfin, on a des éruptions volcaniques, soudaines, très ponctuelles. Et à chaque fois, très peu reconnaissent et admettent la gravité de la situation.
Comment le tribunal nîmois agit ?
On défère quasi systématiquement. Pour les actes considérés comme les moins graves ou très ponctuels, on oriente les auteurs vers des stages de prise de conscience. Pour les individus qui ne présentent pas une dangerosité, on a recours à un contrôle judiciaire. Pour les auteurs plus à risque, on propose un placement dans un appartement dédié avec tous les dispositifs d'accompagnement. Enfin, bien entendu, pour les individus dangereux, on demande un mandat de dépôt.
Vous êtes personnellement et depuis longtemps mobilisé sur ces questions. Pourquoi ce sujet vous tient-il autant à cœur ?
Quand je suis arrivé dans le département du Gard, c'est la mortalité sur les routes qui était le sujet prédominant. Force est de constater qu'avec le contexte que nous avons connu lié à la crise sanitaire, les chiffres ont diminué, même si nous constatons malheureusement encore des morts sur les routes. Et c'est intolérable. Mais il est encore plus intolérable selon moi que dans le Gard, en 2021, des femmes soient battues, humiliées et risquent pour leur vie. J'ai donc la conviction que le sujet doit être pris à bras le corps. Ce combat mené pour les femmes est légitime, encore davantage s'il est partagé par les hommes. C'est selon moi la meilleure démonstration que les choses bougent. Et en tant que procureur, je veux prendre toute ma part. Permettez-moi aussi de souligner l'engagement du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a pris le taureau par les cornes et a donné une réelle impulsion. Toute l'administration au sens large est mobilisée. Cette volonté politique se concrétise donc au quotidien, et je m'y inscris pleinement.
Propos recueillis par Abdel Samari
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