Mercredi 3 juin, le collège Jean Racine a vécu une soirée pas comme les autres. Parents, élus, anciens élèves, et partenaires étaient réunis pour découvrir la dernière création des 3e : une brochure intitulée Touche pas aux écrans, éduquer au numérique. Un projet pédagogique fort, porté par le professeur d’histoire-géographie Gilles Roumieux, qui donne la parole aux jeunes sur un sujet brûlant : leur rapport aux écrans.

Quand les ados prennent la plume pour parler de leur quotidien numérique

Élaborée tout au long de l’année scolaire, cette brochure est le fruit d’un travail collectif minutieux. Questionnaires, écriture de textes personnels, discussions et mise en forme : les élèves ont été au cœur du processus, avec un seul mot d’ordre selon leur professeur : « valoriser leur parole ».

« L’école, ça ne valorise pas toujours les élèves, mais là, ils se sentent exister. Ce sont leurs mots, leurs idées, leurs réflexions qu’on imprime, pas une note sur 20 », résume Gilles Roumieux, infatigable artisan d’une pédagogie ancrée dans le réel et dans l’humain.

Une cérémonie engagée et émouvante

La cérémonie officielle, orchestrée dans la cantine du collège, a donné lieu à plusieurs temps forts. La vice-présidente du Département, Amal Couvreur, le DASEN Régis Bégorre, et l’universitaire Catherine Bernie-Boissard ont tour à tour salué la pertinence du projet. Puis sont venus les temps les plus attendus : les lectures de textes par les élèves – Théo, Cali, Romy et Inaya – des passages bruts, sincères, parfois drôles, parfois douloureux, mais toujours puissants.

Inaya évoque les écrans comme une fenêtre sur le monde, mais aussi une « béquille » quand le moral est en berne. Cali parle de son téléphone comme d’un miroir de sa personnalité. Tous décrivent cette tension permanente entre l’outil et la dépendance, entre le savoir et la saturation. « Le téléphone, c’est aussi une manière de se socialiser. Mais les adultes ne comprennent pas toujours cela », glisse l’un d’eux.

Une tradition engagée : cinq ans de “Touche pas à…”

Depuis cinq ans, le collège Racine s’est forgé une réputation discrète mais solide dans l’art de faire réfléchir les élèves aux grandes questions de société. D'abord "Touche pas à mon professeur" après l'assassinat de Samuel Paty, puis “Touche pas à la démocratie”, “Touche pas à mon camarade”, “Touche pas à mon école”... autant de projets précédents qui ont donné lieu à des brochures diffusées largement, y compris à l’Assemblée nationale, avec une couverture médiatique conséquente. 

Gilles Roumieux en est convaincu : « Ce n’est pas un gadget pédagogique. C’est une manière de reconnecter l’école à son rôle fondamental : former des citoyens lucides et capables de discernement. »

Un projet qui coûte… mais qui compte

L’enseignant ne cache pas les contraintes : plus de 250 heures de travail, entre 2 500 et 3 000 € de budget par édition, financé par le foyer socio-éducatif ou des partenaires. Mais le résultat en vaut la chandelle. Les brochures sont distribuées dans les écoles, les collectivités, et même lors de débats publics.

Le projet de l’an prochain est déjà dans les cartons : ce sera “Touche pas à la planète”. Toujours avec la même ambition : « Faire un pas de côté, ouvrir les yeux, apprendre à penser contre soi-même, car l'urgence climatique est là.»

Et ce soir-là, à Alès, ce sont les élèves eux-mêmes qui ont distribué la brochure à leurs partenaires, dans un geste de réciprocité symbolique. Une manière simple et puissante de dire : nous aussi, on a des choses à vous apprendre.