AU PALAIS « Je ne voulais pas qu’elle prenne ma voiture pour aller voir son Denis au milieu des vignes »
Petite taille, cheveux gris en brosse, gros pull noir à fermeture éclair, Yan a 59 ans mais en paraît bien dix de plus, à la barre du tribunal judiciaire de Nîmes, où il comparaît mardi 22 mars, pour enlèvement, séquestration, et violences en récidive sur sa compagne, à Bernis, en septembre 2021 et en janvier 2022.
En couple depuis environ 8 ans avec Reine, qui a 25 ans de moins que lui, Yan a très mal supporté lorsque celle-ci lui a avoué avoir eu une aventure extra-conjugale avec un homme plus jeune, fin aout dernier. Un jour, il s’assoit à califourchon sur elle et lui balance une lampe à la tête. Une autre fois, il lui arrache son soutien-gorge et menace de la frapper. « C’est à partir de là que les insultes et les menaces s’ensuivent. De manière assez particulière, vous la réveilliez aussi à toute heure, en pleine nuit, explique le président, Jean-Pierre Bandiera. Mais un jour, énervé, vous la propulsez sur un miroir qui casse sur elle. »
« Je suis prêt à remettre le bébé en route »
Stressé, le quinquagénaire a préparé des notes pour se défendre. « Cela a commencé car je voulais absolument savoir ce qui s’était passé avec Denis, que je connaissais bien. Je suis monté dans la chambre parce que ça me turlupinait. Elle a menacé de se barrer, alors j’ai fermé la porte, parce que je ne voulais pas qu’elle prenne ma voiture pour aller voir son Denis dans un champs, au milieu des vignes ou sur un parking d’hôtel ! Elle avait déjà découché une fois…, raconte le prévenu, dans le box des détenus de la salle d'audience. On s’est bousculé au moment où j’ai voulu lui reprendre les clefs et cette satanée porte-miroir est tombée sur elle. Mais j’aime ma femme, je suis prêt à lui pardonner et à remettre le bébé en route (sic). »
Yan est incarcéré depuis le 2 février pour avoir été en contact avec Reine, malgré l’interdiction prévue par son contrôle judiciaire. C’est elle qui est venu le voir pour récupérer des toiles et lui faire signer des papiers. Mais la rencontre dégénère à nouveau. Il l'enferme et, alors qu’elle appelle à l’aide par la fenêtre, il la blesse aux doigts tandis qu’elle lui casse une dent. « Ce jour-là, j’avais bu car je venais de voir la psychologue et que cela m’avait dévasté, comme à chaque fois », explique-t-il, misérablement.
« Il faisait aboyer ses chiens à 5 heures du matin »
Le juge l’interroge sur un séjour en psychiatrie, en 2018. « J’avais un voisin avec qui tout se passait bien. Enfin, on ne buvait pas le thé ensemble, mais bon. Jusqu’au jour où notre parcelle a été mise en vente, il a tout fait pour qu’on déménage, il faisait même aboyer exprès ses chiens à 5 heures du matin ! », explique le quinquagénaire, de manière confuse.
Le juge reprend son casier judiciaire. « C’est pour cela que vous avez été condamné en 2019 pour des violences avec armes ? », demande Jean-Pierre Bandiera. Yan a toujours réponse à tout. « C’est vrai que j’ai sorti ma carabine à air comprimé, mais je ne visais personne, c’était juste pour faire du bruit », se justifie-t-il, encore. « Mais ces faits concernaient bien ce voisin ? », insiste le président. Yan hésite cette fois brièvement. « Oui, euh. Et les gendarmes », lâche-t-il, finalement.
T-shirt gris et cheveux mi-longs châtain-clair, Reine s’avance à la barre. La trentenaire ne souhaite ni se constituer partie civile, ni divorcer. « On a eu une dispute assez violente de chaque côté et la porte du miroir m’est tombée dessus, minimise-t-elle. J’ai eu tort d’aller le voir pendant son contrôle judiciaire, mais il fallait qu’on se voie car sa psychologue lui conseillait de porter plainte contre moi pour avoir détourné 8 000 euros de l’entreprise… »
« Pardonner ? C’était peut-être un peu tôt… »
Le procureur de la République n’est pas aussi compréhensif. Stéphane Bertrand réclame six mois d’emprisonnement contre le mari violent. L’avocat de Yan tente de recoller les morceaux. « Il a mal réagit à ses aveux d’infidélités. Qu’aurait-il dû faire ? La mettre à la porte ? Sauf qu’il souhaite continuer sa vie avec elle. Lui pardonner ? C’était peut-être un peu tôt… Alors il a choisi une solution intermédiaire en digérant à sa façon la nouvelle, d’une manière désagréable, je le reconnais, explique Julien Dumas Lairolle. Mais tous deux décrivent une dispute partagée ce jour-là. Il n’y a aucune preuve de violences volontaires de sa part. » Le tribunal condamne Yan à 6 mois de détention, dont 4 mois avec sursis. Il est libéré de prison, mais devra suivre des soins psychologiques.
Pierre Havez
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