Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 03.09.2022 - pierre-havez - 4 min  - vu 9283 fois

AU PALAIS « Leur victime a dû se jeter de la voiture en pleine autoroute ! »

Une escorte de l'administration pénitentiaire devant le palais de justice de Nîmes (Photo Yannick Pons) - Yannick Pons

Samy, 26 ans et encore plus de condamnations à son actif, est un habitué des vols avec violences. Mais lors de son dernier braquage en pleine rue, il a entraîné son petit frère de 18 ans dans sa chute.

Le mode opératoire de Samy se répète, comme une mauvaise habitude, alors que le juge décrit les deux dernières extorsions du jeune de 26 ans, à la barre du tribunal judiciaire de Nîmes, mardi 30 août 2022. Une soirée alcoolisée, des ballons de protoxyde d’azote, puis une cible : un jeune conducteur sortant d’un bar. Samy aborde alors ce dernier pour qu’il le ramène chez lui, puis le menace ou le violente en vue d’obtenir les clefs du véhicule et l’emmène de force faire un tour à la ZUP afin de lui dérober liquides et carte bleue…

Mais dans la nuit du 9 au 10 octobre 2020, ce scénario bien huilé dérape une première fois. D’abord, le multirécidiviste Samy est cette fois accompagné de son petit frère Rayan, 18 ans, qui n’a de son côté jamais eu de problème avec la justice. Surtout, alors que les Samy et ses amis ont placé leur victime du soir, à l’arrière de sa propre C4, et roulent en direction de Marseille, Baptiste se jette de la voiture en marche sur l’A9 et prend la fuite à travers champs. Blessé au cou et choqué, il se réfugie dans un hôtel et appelle les secours. Sa voiture ne sera retrouvée que quelques jours plus tard, les quatre pneus crevés.

Ce soir-là, Baptiste a vécu un long calvaire : délesté de 70 euros, des clefs de sa voiture et de sa carte bancaire, il est emmené de force avec le groupe de Samy pour acheter du protoxyde d’azote dans une épicerie, puis du cannabis et de l’essence. Le conduisant de force à la ZUP, Samy tente alors de lui faire signer un papier attestant de la vente de sa voiture, puis décide d’un coup de tête de l’emmener à Marseille…

« Je ne suis pas une cause perdue »

Polo rouge, Samy tente d’abord de minimiser les faits. « Au départ on voulait juste se faire ramener chez nous. Je reconnais le vol, mais on ne l’a pas frappé, on n’a pas été violents, jure Samy. Et lorsqu’il a sauté en marche, j’étais à deux à l’heure, je venais de passer la première. » Ses explications ne convainquent pas le tribunal. En effet, quelques mois plus tard, en juin 2020, Samy récidive, selon le même scénario. À la sortie d’un bar, il aborde un autre jeune et exige de lui qu’il le ramène au quartier. Pour convaincre sa victime, il soulève son t-shirt dévoilant la crosse d’une arme. Samy prend le volant de force et, ignorant les feux tricolores, roule à toute allure en sens interdit ou sur la voie de tram pour emmener sa victime à la ZUP Nord où il lui dérobe sa carte grise. Plus tard, lorsque la police repère la voiture volée, son conducteur fonce dans leur direction avec d’être interpellé…

« Il n’y avait ni couteau, ni arme. Mais je lui ai pris sa voiture de force, c’est vrai, commence-t-il, avant d’interpeller le président de manière familière. Vous ne croyez pas que c’est psychologique, Monsieur le juge ? Vous ne pensez pas que je devrais me faire aider ? » Ce dernier le regarde. « Vous savez, dans notre société, il faut d’abord s’aider soi-même, rétorque Jean-Michel Perez, calmement. Moi, ces faits me paraissent extrêmement graves. Vous encourrez jusqu’à sept ans de prison. » Sentant le vent tourner, Samy s’apitoie sur son propre sort. « Mon petit frère n’a rien à voir, j’ai honte d’être jugé avec lui alors que je devrais lui montrer le droit chemin, reprend le prévenu. J’ai 26 ans mais je ne suis pas une cause perdue. J’ai grandi en prison, depuis mes 14 ans, sans repère. Aujourd’hui je suis père. Ça fait 20 mois que je suis en prison, et je n’ai pas vu mon enfant naître... »

« Il a eu peur de finir torturé dans une cave »

L’avocat de Baptiste enfonce le clou. « Les faits font froid dans le dos. Ce soir-là, c’est mon client qui s’est fait braqué, kidnappé et séquestré en pleine rue, mais cela aurait pu tomber sur n’importe qui, pointe François Trombert. Quand ils lui ont dit qu’ils l’emmenaient à Marseille, il a vu sa dernière heure arriver. Qu’allaient-ils y faire : visiter le port, manger une bouillabaisse ? Non, il a eu peur qu’on veuille le planter là-bas, le séquestrer ou le torturer dans une cave. Cela existe ! Pour lui, ce qu’il a eu peur de subir est aussi important que ce qu’il a vécu. »

Le procureur Stéphane Bertrand insiste sur le rôle de caïd de Samy et requiert 7 ans de prison contre lui, et seulement 18 mois, dont 12 avec sursis contre son petit frère, Rayan. « On peut imaginer le pire, mais il faut aussi savoir rationaliser sans craindre que le premier venu puisse se transformer en Hulk, s’agace l’avocate de Samy, Nadia El Bouroumi. Ils ne sont ni cagoulés, ni armés, ce sont juste deux frères qui font n’importe quoi, dans le délire de leur soirée. Ils n’ont pas planifié de manière machiavélique d’extorquer un petit blanc en lui volant sa voiture et son argent ! »

En apprenant qu’il écope de 6 ans d’emprisonnement, Samy se met à tourner dans le box en soufflant nerveusement. Rayan est lui condamné à 18 mois, dont 8 avec sursis.

Pierre Havez

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