Publié il y a 1 an - Mise à jour le 07.03.2023 - Norman Jardin, Marie Meunier, François Desmeures et Thierry Allard - 7 min  - vu 1168 fois

FAIT DU SOIR Retraites : la mobilisation repart fort

La manifestation contre la réforme des retraites à Nîmes

- Photo : Norman Jardin

Après une trêve lors des vacances d'hiver, les syndicats appelaient à une mobilisation massive ce mardi 7 mars contre le projet de réforme des retraites porté par le Gouvernement, qui prévoit entre autres le report de l'âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans. Dans le Gard, l'appel a été entendu, avec des grèves et des cortèges bien garnis de manifestants à Nîmes, Alès, Bagnols-sur-Cèze ou encore Uzès.

À Nîmes, sous la pluie de Jaurès à Feuchères

La manifestation contre la réforme des retraites à Nîmes • Photo : Norman Jardin

À Nîmes, c’est sous la pluie que le cortège a battu le pavé. Ils étaient 6 000 selon la préfecture et 30 000 selon les organisateurs. De l’avenue Jean-Jaurès à l’avenue Feuchères en passant par la rue Dhuoda et la rue de la République, les manifestants ont réclamé encore et toujours le retrait de la réforme de des retraites. De leur côté, les organisations syndicales appelaient à mettre le pays à l’arrêt. "Nous refusons que l’on nous vole deux ans de vie !" et "La victoire est possible et dépend de chacune et chacun d’entre nous" revendiquaient les participants contre une réforme qu’ils jugent "sexiste". À l’issue de la manifestation, les responsables syndicaux ont annoncé une autre journée de mobilisation dès ce mercredi 8 mars avec un nouveau cortège nîmois qui partira des Jardins de la Fontaine à partir de 14h30.

La manifestation contre la réforme des retraites à Nîmes • Photo : Norman Jardin

La manifestation contre la réforme des retraites à Nîmes • Photo : Norman Jardin

À Bagnols-sur-Cèze, les lycéens prennent la parole et les salariés de l'industrie montent des piquets de grève

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Ce mardi matin, une quinzaine de salariés syndiqués à la CGT de FM Logistic a filtré l'activité de la plateforme logistique laudunoise.  • photo P.L.

Le mot d’ordre de l’intersyndicale était de mettre la France à l’arrêt. C’était plutôt réussi dans le Gard rhodanien où de nombreux automobilistes sont restés coincés dans les embouteillages ce matin sur la RN 580. De nombreux piquets de grève et opérations de ralentissement se sont tenus, notamment à FM Logistic à L’Ardoise. De 7h à 9h30, une quinzaine de salariés syndiqués à la CGT ont filtré les allées et venues sur la plateforme logistique, des camions qui assurent la distribution de marchandise non-alimentaire de tous les magasins Carrefour du sud de la France. Il y a eu aussi des piquets de grève à Owens Corning, à Melox, à Greif et une distribution de tracts à Marcoule.

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Il y avait plus de 5 000 personnes dans le cortège bagnolais selon les syndicats, autour de 2 000 selon la Police.

À 10h30, de nombreuses personnes ont répondu à l’appel de l’intersyndicale en venant manifester à Bagnols-sur-Cèze. Selon les syndicats, ils étaient plus de 5 000 ce mardi, plutôt autour de 2 000 selon l’estimation de la Police. Dans les deux cas, ce sont des chiffres élevés : “Malgré le froid, les vacances, la désinformation du Gouvernement, il y a toujours du monde. (…) Si jamais, ils passent en force, ils auront à assumer la responsabilité de ce qu’il se passe derrière”, tonne Patrick Lescure, secrétaire général de l’union locale CGT Gard rhodanien.

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Juché sur des poubelle, Kaïs, chef du mouvement des "Gilets jeunes" à Bagnols-sur-Cèze s'est exprimé au mégaphone. • photo Marie Meunier

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Le cortège de manifestants est passé devant le lycée Einstein où des élèves se mobilisaient aussi. • photo Marie Meunier

Cette fois-ci, le cortège est passé devant le lycée Albert-Einstein, où un blocage était aussi organisé ce matin. C’est la deuxième fois que les lycéens, réunis sous la branche bagnolaise du mouvement des “Gilets jeunes”, font une action depuis le début de la mobilisation nationale. Ils expriment leur opposition à la réforme des retraites mais aussi leurs inquiétudes sur Parcoursup, sur les conditions en classe. Juché sur un amoncellement de poubelles, le jeune Kaïs clame dans son dictaphone : “Nous pensons que le système actuel met trop l’accent sur le travail sans penser au bonheur des élèves. Il y a des répercussions sociales et psychologiques sur eux.” Plusieurs lycéens ont ensuite allumé des fumigènes pendant qu’un de leurs camarades jouait de la guitare électrique, lui aussi perché sur les poubelles. Sacrée ambiance, qui est restée bon enfant.

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Fumigènes, guitare électrique, pancartes choc... Sacrée ambiance devant le lycée Einstein, à Bagnols-sur-Cèze. • photo Marie Meunier

Le cortège a rejoint ensuite Bourg-Neuf, la rue de la République pour finir place Mallet. “On demande un retrait de ce projet de réforme. Il n’y a pas de compromis possible”, a conclu Louisette Moulas de Force ouvrière, au nom de l’intersyndicale. Prochain rendez-vous : ce mercredi 8 mars, à 18h, devant La Poste de Bagnols pour une mobilisation spéciale en cette journée internationale des droits des femmes.

À Alès, le kilomètre et demi du quai du Mas d'Hours envahi par la foule

La manifestation a parcouru Alès sur plus de six kilomètres • (photo Corentin Migoule)

Seulement 5 500 manifestants selon la police, 20 000 selon certains syndicalistes... La sixième mobilisation alésienne a semblé être la plus fournie depuis le début du mouvement, dépassant sans doute les 10 000 personnes sans aller au-delà des 15 000. Une estimation à la (grande) louche, certes, renforcée par l'impression visuelle : parti de la gare, compact, le cortège n'était pas encore entièrement sur le quai du Mas d'Hours quand la tête s'apprêtait à prendre la rocade. Cette mobilisation à son zénith pourrait-elle faire varier l'exécutif dans sa volonté de réfome des retraites ? Délégué syndical à Merlin Gérin, Joël Bréaud l'espère, alors qu'un piquet était tenu depuis quatre heures du matin devant son usine. "On réfléchit à quelque chose de reconductible, avoue le membre de la CGT. Il faut qu'on s'organise en AG. On peut aussi imaginer une action tous les jours, un débrayage de quelques heures. Parce que ce qui fera plier le Gouvernement, c'est quand un patron dira "j'ai perdu 300 ou 400 000 €". Pour l'instant, syndicats et direction se sont entendus pour ne pas bloquer l'activité. Mais Joël Bréaud prévient, certains salariés souhaitent déjà aller plus loin. Et fait un constat, amer : "Les seuls qui ont eu un peu gain de cause, ce sont les Gilets jaunes, avec de la violence des deux côtés". 

"Ce qu'il faut, c'est bloquer l'économie, il n'y a que ça"

Frédéric Mazer, éleveur et membre du Modef

"Il faut taper là où ça fait mal, pense Antoine, qui se dit "anarchiste" sous la bannière Solidaires, il faut bloquer ce qui rapporte le plus à l'État, comme le carburant, les cigarettes, ou refuser de payer ses impôts. Mais c'est encore un rêve : qui va écouter et suivre si je fais ça, alors que 80 % de la population est étranglée par des crédits ?" Paysan et membre du Modef, l'éleveur Frédéric Mazer garde "de l'espoir, sinon on ne serait pas là". Mais il s'interroge aussi sur la manière de gagner, constatant au passage que "les lycéens et étudiants ont la trouille de la répression. Je pense que ceux qui travaillent dans le pétrole et le gaz, s'ils bloquent, Macron est mort. Ce qu'il faut, c'est bloquer l'économie, il n'y a que ça. Pas de la violence, s'attaquer au pognon. Mais ce qui risque d'arriver, c'est qu'eux soient violents."

Les militants de la CFE-CGC avec une potence lors du défilé alésien • (photo François Desmeures)

"Cette question aurait dû se régler à l'Assemblée, devant les chambres représentatives. Il y a peut-être des choses à changer et à réformer, mais pas sur ce curseur." Olivier Rittaud ne cache pas que la manifestation dans la rue n'est pas le moyen d'action favori de son syndicat réformiste. "Mais la mobilisation fait partie des armes, n'oublie pas ce délégué CFE-CGC de l'entreprise SNR. Il y a une volonté des gens de s'approprier le combat." Il ne prédit pas la fin de celui sur le rejet de la réforme mais parle de la mobilisation comme "une première pierre utile à une construction future, plutôt qu'une mort sur un champ de bataille". "Aujourd'hui, quand je vois le monde, je mets ma casquette d'optimiste, abonde Sébastien Volpellière pour la CFDT. Et puis, la posture de Les Républicains de s'en prendre aux régimes spéciaux, de front, a conforté les militants." La délégation CFDT est d'ailleurs bien fournie. 

Des salariés de Jallatte de Saint-Hippolyte-du-Fort avaient fait le déplacement • (photo François Desmeures)

Lui conserve un espoir concernant la discussion parlementaire. "Députés et sénateurs sont des gens des territoires, poursuit Sébastien Volpellière, devant les micros ils ont un discours policé. Mais certains nous disent, en off, qu'ils sont inquiets pour la suite." Une inquiétude née du climat social, mais aussi d'une forme de trahison. "La position du Gouvernement sur la légitimité est une imposture, reprend Sébastien Volpellière. Le front républicain face au RN a fonctionné. Et on risque de se retrouver avec le RN... La rue, c'est aussi la démocratie."

À Grand Frais, les salariés se sont arrêtés quelques minutes le temps du passage du défilé • (photo François Desmeures)

Une démocratie baffouée, pour Joël Bréaud, qui refuse d'user du terme "dictature", mais pour qui "on n'est plus dans un régime démocratique. De plus en plus de copains, me disent que c'est fini, que le RN sera le grand vainqueur d'une politique où on crache sur le peuple. J'ai des copains d'entreprise qui ont déjà voté RN pour ne pas voter Macron. Nous, comme syndicat, ce n'est pas ce qu'on veut." Alors que les salariés de Grand Frais sont sortis pour regarder passer le cortège - et s'en disent solidaires - le même discours est entonné par l'un des responsables. "On ne peut pas faire comme si ce mouvement n'existait pas. On doit entendre les gens. Sortir ce texte sur la retraite deux ans après la pandémie, où on a tous eu un ami de plus de 50 ans qui est mort, c'est indécent." Il se souvient aussi qu'avec celle de soignant, sa profession a aussi fait partie des peronnes applaudies au cours du confinement. "On a incité à nous applaudir et maintenant on nous dit "non"... Notre génération est celle qui connaît les petits contrats. Moi, j'ai effectué 90 trimestres, il m'en reste 80. Il faudrait que j'aille à 70 ans pour avoir une retraite à taux plein... Mais s'ils ne me payent qu'à moitié entre 64 et 70 ans, c'est déjà une économie..." Rappelant la situation économique et l'inflation des produits de première nécessité, il lâche, dégoûté, "à ce rythme, à 64 ans, les gens vont crever de faim avec leur retraite"

Du "jamais vu" à Uzès

Ce mardi matin, lors de la manifestation contre la réforme des retraites, à Uzès • Photo : Thierry Allard

À Uzès, ils étaient 1 000 selon les syndicats, moitié moins selon la gendarmerie, ce matin pour une manifestation autour du centre-ville. Si les comptages divergent, il ressort qu’il y avait plus de monde cette fois que lors des précédentes. Une affluence "jamais vue" à Uzès, selon le militant CGT Michel Mahieux, quelques manifestations au compteur dans la cité ducale. "Dans tous les secteurs la mobilisation est forte", notamment dans le privé, avec une grève à l'usine Haribo, affirmera le secrétaire de l’union locale CGT d’Uzès Philippe Alby, au nom de l’intersyndicale, face à un gouvernement qui "s’entête, et qui sera responsable de ce qui va se passer", prévient le syndicaliste. La forte mobilisation prouve, selon Michel Mahieux, que "ceux qui produisent la richesse ont dit non, enfin vous reprenez votre pouvoir." 

Ce mardi matin, lors de la manifestation contre la réforme des retraites, à Uzès • Photo : Thierry Allard

Ce mardi matin, lors de la manifestation contre la réforme des retraites, à Uzès • Photo : Thierry Allard

À l’issue de la manifestation, il a été décidé de remettre le couvert demain mercredi à 10 heures devant la mairie. "Et en fonction du nombre, on décidera des initiatives, lance Philippe Alby. On n’a pas fait tout ça pour rien, alors on ne lâche rien."

Norman Jardin, Marie Meunier, François Desmeures et Thierry Allard

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