« Ce concept des SMR nous a envahi depuis deux ans », introduit le président de la CLI Alexandre Pissas devant une salle bien garnie, en tout cas plus que d’habitude pour ce genre de raout assez technique et, il faut l’admettre, souvent un peu indigeste. Il faut dire que le sujet des SMR passionne, et qu’une dizaine de start-ups ont lancé des projets en France, dont Newcleo, présente jeudi soir.
L’assistance a eu droit à une présentation de ce que sont les SMR, ou PRM en français, par Fleur Lespinasse, directrice des réacteurs innovants à l’ASNR, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. SMR pour lesquels quatre technologies sont envisagées : des réacteurs à eau, des réacteurs à haute température, des réacteurs à sel fondu et des réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb, technologie choisie par Newcleo, qui a récemment débarqué sur le parc régional Marcel-Boîteux, à un jet de pierre du site de Marcoule. Quelle que soit la technologie, « ces petits réacteurs ont pour but de produire de la chaleur », rappelle Fleur Lespinasse.
Pour l’ASNR, il s’agit d’un changement radical au sein de la filière de l’atome français, « avec de nouveaux acteurs et de nouveaux usages », dit sa représentante, mais aussi « des technologies de rupture » et la question de l’approvisionnement en combustible. Il faut dire que jusqu’ici l’organisation était immuable : à Orano le combustible, et à EDF l’exploitation des centrales. Désormais, certains nouveaux acteurs envisagent de faire les deux.
Newcleo s’explique
C’est le cas de Newcleo, qui comporte « deux grosses branches d’activité, les PRM de génération 4 à neutrons rapides, et la fabrication de combustible MOX », pose la directrice de l’ingénierie MOX de Newcleo Aude Bouchet. Le MOX est un combustible fabriqué à partir de combustible usagé, du plutonium, mélangé à de l’uranium enrichi. On en fabrique à Marcoule, à l’Usine Orano Melox. Newcleo veut fabriquer son propre MOX, adapté aux neutrons rapides, « dans lequel on va pouvoir intégrer du plutonium de qualité dégradée », dit-elle, un MOX qui « pourra être multirecyclé », rajoute-t-elle, à l’inverse du MOX utilisé dans les centrales actuelles. De quoi envisager, à terme, de « commencer à fermer le cycle », avance-t-elle, comprendre réduire à portion congrue la quantité de déchets ultimes.
Reste que les derniers signaux concernant Newcleo n’ont pas forcément été bien perçus localement, notamment la réduction de l’activité de la start-up, créée en 2021 mais déjà implantée dans plusieurs pays européens, en Angleterre. « Nous réduisons l’activité en Angleterre car il n’y a pas de soutien gouvernemental vers un développement de la filière à neutrons rapides », indique Aude Bouchet.
Localement aussi, Newcleo réduit la voilure. Si la start-up a acquis un bâtiment sur le parc Marcel-Boîteux, Faster 1, un centre d’innovation et de formation, l’extension Faster 2, présentée en mars dernier, est désormais hypothétique. « La décision n’est pas encore prise », dit Aude Bouchet, Newcleo ayant certes levé 570 millions d’euros de capitaux privés, mais attendant « les résultats de notre prochaine levée de fonds, et un geste fort de l’État (français, ndlr) avec la prochaine phase de France 2030 qui confirme la volonté de développer la filière de réacteurs à neutrons rapides. »
De quoi inquiéter le vice-président de l’Agglomération du Gard rhodanien Sébastien Bayart, qui a directement pris le micro pour poser la question à la représentante de Newcleo. « Notre objectif est une gestion en bon père de famille », lui répondra-t-elle, affirmant que la start-up « ne dépense pas l’argent qu’elle n’a pas. »
Elle pourra en tout cas compter sur la diligence du CEA, dont la nouvelle directrice du site de Marcoule, Christine Laurent-Mathieu, rappellera que « nous avons plusieurs études sur les sols de notre foncier disponible », pour d’éventuels projets. Toutefois, « aujourd’hui, il n’y a pas de décision sur une implantation sur notre territoire », précise-t-elle. Le nucléaire est une affaire de temps long.