« Victime d’un sévère accrochage occasionnant de multiples fractures au niveau des côtes il y a quelques jours dans les arènes de Murcia, José María Manzanares n’a pas pu venir » informait Casas & Co, l’empresa, il y a deux jours.
Il a été remplacé par le matador de toros sévillan Pablo Aguado retrouve les arènes de Nîmes après plusieurs années d’absence, le cartel évolue mais pas forcément dans la mauvaise direction ! Rappelons que le torero andalou, auteur d’une temporada particulièrement aboutie, inédit dans le sud-est de la France en 2025, est revenu au meilleur de sa forme.
Revenons à nos moutons ou plutôt à nos toros. Une alternative est un moment unique dans une vie. On entre dans la longue histoire de la tauromachie mondiale, on a un parrain et un témoin, la chose est bigrement solennelle et l’émotion est toujours présente en piste comme dans les gradins.
Nîmes, au fil des années, Casas, est devenue une place forte pour ce genre de rituel et de cérémonie. Nîmes est ainsi inscrite, comme Madrid ou Séville, dans les têtes des plus grands noms d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Nîmes demeure un nom, une arène, d’intérêt aussi grâce à cet orgueil bien placé ! Marco Pérez, petit prodige, y a d’ailleurs pris son doctorat lors de la dernière feria de Pentecôte et Aaron Palacio est promis à un bel avenir. Mais Palacio est attendu au tournant de son alternative.
À Saint-Gilles, il y a quelques jours, il a été à la hauteur des espérances. Il faut dire qu’il a triomphé à Séville et qu’il a coupé à Madrid. À tout juste 20 ans, Palacio est prêt. Il est matador de toros ! C’est face à Vicioso, nom spécial, qu’il a reçu son alternative dans un amphithéâtre bimillénaire, chose rare. Et devant un public enjoué, heureux d’être aux arènes pour ce moment, soutenant parfaitement le « pitchounet » dans cette épreuve qu’il a dû marquer à l’encre rouge. Palacio fait du Palacio, il torée et il le fait bien. Appliqué et sérieux, le jeune n’hésite pas à ornementer ses passes et à mettre la jambe au bon endroit au bon moment. Une oreille.
Celui qui est né du côté de Saragosse mais qui vit à Cadix ne sera resté qu’à peine deux ans dans la catégorie novillerile avant d’être sacré matador de toros. Son second toro de Jandilla est le dernier de la tarde mais le « vrai » premier de sa vie de matador de toros. C’est maintenant, au dernier de la course que l’on va voir qui il est vraiment. Que fait-il ? Il prend son capote, et s’avance vers le toril pour se mettre à genoux et attendre le toro à sa sortie. Les tendidos apprécient le geste. Il va d’ailleurs toucher un toro qui transmettra, un mansito de bonne tenue qui vient et revient dans l’étoffe rouge dans se mettre en réserve. Palacio le tient, il tient aussi le public, il est spectaculaire et son toreo est plaisant à voir car empli de spontanéité tout en manquant d’architecture. Là ? Il va couper les deux oreilles de son opposant et se payer le luxe de sortir a hombros des arènes, par la porte des Consuls s’il vous plaît !
Il y a déjà dix ans. Dix ans que Roca Rey a été sacré matador de toros. Et ce fut à Nîmes. On avait vu sa carrière de novillero puntero, et nous voilà dix ans plus tard alors que le Péruvien domine la planète taurine actuelle. Quelle vie de torero… quelle aficion ! Aujourd’hui chef de lidia involontaire, quelle carrière. Mais à Nîmes, comment et combien de fois Roca a-t-il triomphé avec force et puissance ? Pas assez ! Il essaie de rompre le sortilège en toréant d’emblée de manière volontaire et soigneuse sont toro de Jandilla qui a fait voler le picador et chuter le cheval. Panique en piste, la cuadrille est en dessous de tout ou presque et les chemises rouges de la cuadra Heyral débarquent en piste et relève la monture face au toro. Olé ! Après toutes ces péripéties, difficile de se remettre dans la course mais Roca Rey n’est pas comme tout le monde, il n’a jamais perdu le fil du duel face à un dont il a vu le potentiel mais auquel il ne pourra tirer plus. L’épée lui coûte le trophée. Applaudissements.
Quatrième Jandilla du jour et deuxième possibilité pour Andrés Roca Rey de triomphe (enfin) fortement à Nîmes. Il est vrai qu’ici, il n’a jamais connu de très grande tarde. On se demande d’ailleurs pourquoi. Après les applaudissements, le Péruvien écoutera un joli salut qui aurait pu se transformer en vuelta s’il l’avait décidé. Mais un numero uno ne se contente pas d’une vuelta dans les arènes où il a pris son alternative il y a une décennie. Peut-être piqué à vif par ses compañeros, le maestro met les bouchées double et s’enferme sur la courte distance et dans des terrains au plus proche des cornes. Le public valide et commence à monter en pression. Le toro, qui a été changé car son prédécesseur s’était cassé la corne en entrant en piste, aura été l’un des meilleurs de la tarde et sera même honoré d’une vuelta al ruedo à titre posthume. Une épée pas si mauvaise et un drame pour Andrés Roca Rey avec une véritable déroute au descabello… Il perd tout mais garde un semblant de sourire.
Troisième Jandilla et premier accueil pour un Pablo Aguado décidé à ne pas revenir tous les six ans dans cet amphithéâtre qu’il aime tant. Né en 1991, il a donc cinq ans de plus que Roca Rey. On le sentait décidé alors même qu’il n’avait pas encore fait le paseo. Dans le patio des cuadrillas, il ne tenait pas en place. Pourtant, le public est content de le revoir. Et pour cause ! Que torero ! En deux coups de cuiller à pot il retourne le cerveau de son petit monde et parvient à faire chavirer les arènes. Un capote de soie et de douceur, une muleta aussi légère qu’une brise d’été, un placement excellent et une vision de la lidia parfaite. Deux oreilles pour Aguado qui paraît surpris et ému.
Cinquième de la tarde pour Aguado. En 2019 il était venu à Pentecôte pour sa confirmation et il avait été doublé aux Vendanges. Depuis ? Rien ici, parfait pour triompher et marquer les esprits. Enfin on sait qu’il sortira en triomphe mais le geste ultime de la classe de l’Andalou a été de laisser le petit sortir par la porte des Consuls et lui de quitter la piste par celle des cuadrillas. Il est vrai qu’il ne coupera pas sur son dernier toro, peut-être le moins intéressant du jour, mais qu’il arrivera à ne pas rien perdre du crédit gagné auparavant ! un salut, après une faena pour laquelle on ne lui reprochera strictement rien.