Publié il y a 1 h - Mise à jour le 28.12.2025 - Propos recueillis par Abdel Samari - 4 min  - vu 240 fois

NÎMES Abdallah Zekri : "Marre d'entendre toujours les mêmes reproches"

Abdallah Zekri

Abdallah Zekri, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et recteur de la mosquée de la paix, à Nîmes

- Photo AS

"Je demande aux hommes politiques, dans cette campagne électorale, de s'attaquer aux vrais problèmes des habitants."

Alors que les élections municipales se profilent, le vice-président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) et recteur de la mosquée à Pissevin, le Nîmois Abdallah Zekri, fait part de ses inquiétudes face au discours antimusulman. Interview.

Objectif Gard & Arles : Pourquoi êtes-vous inquiet aujourd’hui ?

Abdallah Zekri : Contrairement à l'élection présidentielle, ces élections doivent privilégier le contact permanent avec la population et proposer des solutions afin de régler les soucis quotidiens des habitants, être à leur écoute. Mais je crains bien qu’une fois encore, on s’attaque aux musulmans. Il faudrait donc que ces discours s'arrêtent. Que l’on ne fasse pas une campagne sur le dos des musulmans pour gagner des voix. Vous le voyez bien : on mélange tout. On parle de l'islam, des musulmans, du terrorisme, etc. Nous-mêmes, on condamne le terrorisme, on est contre le fondamentalisme, on apporte notre pierre à ce combat-là. Il y en a marre d'entendre toujours les mêmes reproches. Je demande aux hommes politiques, dans cette campagne électorale, de s'attaquer aux vrais problèmes des habitants. De régler les sujets autour de l'économie, de la crise du logement, de la crise sociale.

Surtout que souvent, on stigmatise le musulman avec l’immigration…

Haineusement, certains politiques stigmatisent les musulmans. Ils sont responsables de tous les maux de la France. Mais quand on voit les sondages actuellement, la lutte contre l’immigration n’est pas dans les priorités. On peut donc pas dire que les Français sont contre, qu’ils en ont marre. Enfin, je rappelle qu’il n'y a pas que des musulmans immigrés. En 2025, bientôt 2026, on est à la quatrième génération et même à la cinquième génération. Certains musulmans ne parlent même pas la langue de leurs parents ou grands-parents. Ils ne connaissent même pas leur pays. Quand ils vont en vacances l’été, ils privilégient l’Europe. La génération de ceux qui sont venus construire la France pendant les Trente Glorieuses, elle est terminée. Soit, ils sont morts, soit, ils sont à la retraite.

Parlons des élections municipales à Nîmes. Qu'attendez-vous des candidats ?

J’ai été invité par certains candidats à venir m'exprimer sur ce sujet-là, mais j’étais en déplacement à Paris. Prenons un quartier que je connais bien, Pissevin, où je suis recteur de la mosquée de la Paix. C'est un quartier totalement à l'abandon, les commerces sont fermés, il n'y a plus rien. Les élus, on ne les a pas vus pendant plus de deux ans. Aujourd’hui, ils se déplacent tous au marché de Pissevin. C'est bien, mais pourquoi n'ont-ils pas fait cela avant ? C'est un quartier sinistré, l'habitat est insalubre, je vois des gens qui habitent dans les HLM depuis 40 ans avec leurs propres enfants. Ces jeunes se sont mariés, ont eu des enfants et habitent encore avec leurs parents parce qu'ils n'arrivent pas à trouver de logement. Quand on parle d'intégration, elle se fait par le logement, elle se fait par le travail, elle ne se fait pas par l'exclusion.

Dans ce quartier, le programme de renouvellement urbain est en cours. C’est une bonne nouvelle, non ?

Oui, c’est une bonne chose. Mais ils ont mis du temps pour démolir certaines tours infernales. Je suis allé voir dans les immeubles, il y a des rats qui circulent dans les couloirs, dans les immeubles, dans les étages, c'est insalubre. Que l’on ne dise pas que ce sont les locataires parce que je suis rentré chez eux, les appartements, ils les tiennent proprement. Soyons honnête : avant, il y avait des agents d'entretien, des gardiens d'immeubles, tout ça a disparu. Idem pour la police de proximité. Les gens savaient à qui s'adresser quand il y avait des problèmes. C’est terminé. Cet abandon, c'est une tristesse incroyable. Moi, j'attends du changement, car le désir des gens, c’est de partir. Et à la fin, le quartier va mourir. Déjà que ce quartier est défiguré.

L’union de la gauche avec à sa tête le communiste Vincent Bouget veut s’engager pour tous les territoires de Nîmes. C’est un espoir selon vous pour les habitants ?

Je ne me contente pas des effets d'annonce parce qu'on a déjà eu cela dans le passé, et après les élections, terminé. J’ai envie de dire peu importe la couleur politique. Pour les municipales, moi, je vois l'homme ou la femme politique. Si l'homme est de droite, mais qu'il apporte quelque chose, il n'y a aucun problème. Inversement, si le candidat est de gauche, mais qu’il cherche à utiliser les voix des musulmans à des fins électoralistes, je ne voterai pas pour lui. Prenons Bruno Retailleau chez Les Républicains, son discours n’est pas acceptable. Ici, les LR représentés par Richard Tiberino, c'est différent. C'est un gars honnête qui connait bien ce quartier de Pissevin pour y avoir travaillé.

Il y a quelques jours, on a célébré les 120 ans de la loi sur la laïcité de 1905. Au même moment, elle semble remise en cause. Quel est votre point de vue ?

Actuellement, on assiste à des interdictions en permanence. Alors, faut-il par exemple interdire la religion ? Faut-il interdire des signes religieux ? Des hommes politiques parlent de la laïcité sans la connaître. Pour les élections municipales, on entend ici et là qu’il faut interdire des listes communautaristes. Pourquoi ? Je suis français. Si je veux dresser une liste avec d'autres, je suis libre. Il faudrait davantage s’interroger sur la volonté de musulmans français de vouloir dresser des listes communautaires. Tout simplement parce qu’à chaque fois, on leur propose une présence succincte sur les listes. Et surtout pas dans les premières positions pour éviter de voir un musulman élu et présent dans un conseil municipal. L'essentiel, c'est de dire aux musulmans : « oui, il y a quelqu'un de chez vous qui est dans notre liste, votez pour nous. » C'est une certaine manipulation, mais on ne nous donne pas les moyens d'exercer. D'être un élu, d'apporter sa contribution, de participer au développement de la commune, etc. Les musulmans le ressentent.

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