Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 14.01.2024 - Norman Jardin - 4 min  - vu 2907 fois

FAIT DU JOUR Emmanuel Raoul, des grands reportages aux grands rempotages

Emmanuel Raoul est paysan herboriste à Bizac

- Photo : Norman Jardin

L’ancien journaliste de LCI abandonnait les médias en 2016 à la suite d’un burn-out. Après avoir eu une révélation au Pérou, il s’est installé dans le hameau de Bizac où il est devenu paysan herboriste. Dans la périphérie de Calvisson, l’ancien journaliste parisien vit de sa passion pour les plantes et c’est sur les terres de ses ancêtres qu’il a planté ses nouvelles racines.

Il y a des moments qui changent radicalement une vie. Emmanuel Raoul peut en témoigner. De la difficulté est survenue la révélation. Mais rien ne s'est passé comme il aurait pû l'imaginer à 20 ans. D’abord destiné à une carrière de professeur d’anglais, il décide au dernier moment, de se diriger vers le journalisme : « Je ne me voyais pas passer ma vie dans une école. » Au début, son parcours est classique avec des classes dans la presse quotidienne régionale (La Marseillaise, Le Provence et la radio associative Aix ensemble). Puis, au bout de deux ans, il tente sa chance à Paris.

«  J’ai été exposé à des images violentes auxquelles je n’étais pas préparé »

Le jeune journaliste entre à la chaîne d'infos LCI. Il gravit les échelons un à un (stagiaire, pigiste puis salarié) et devient chroniqueur. « Ça m’a beaucoup plu avec l’apparition des réseaux sociaux. C’était un journalisme citoyen avec les révolutions arabes, les réseaux permettaient de s’organiser. » Puis viennent des temps plus sombres : « Sont arrivées les vidéos de Daesh avec des exécutions. J’ai été exposé à des images auxquelles je n’étais pas préparé. Le soir des attentats de Paris, j’étais à l’antenne de 4h à midi. »

Au Jardin de Bizac propose une large gamme de produits • Photo : Norman Jardin

Au choc des images s’ajoute la frustration : « J’étais un spectateur, mais pas un acteur. Je disais "il faut planter des arbres, faire du bio, du circuit court", mais en fait ma vie me paraissait en contradiction avec mes paroles. J’étais un journaliste avec des convictions écolos. Je voulais sensibiliser aux enjeux environnementaux. En 2015, avec les accords de Paris, on a bien vu que les engagements des États ne suivaient pas. Ça m’a miné psychologiquement. » Au printemps 2016 arrive la cassure avec le monde du journalisme. Emmanuel est victime d’un burn-out.

Repris en main dans un centre de médecine traditionnelle amazonienne

Le coup est rude. Emmanuel part changer d’air au Pérou. Là-bas, il est repris en main dans un centre de médecine traditionnelle amazonienne, un endroit en pleine forêt. En moins de deux semaines, il est remis sur pied avec exclusivement des plantes. « Cela m’a donné l’envie de me lancer dans les plantes médicinales et de le faire sur les terres de mes ancêtres ». Bien qu’il ait grandi à Toulon, les racines d’Emmanuel sont à Bizac, un hameau proche de Calvisson. Alors, après plusieurs formations, il s’installe avec femme et enfants dans l'ancienne ferme familiale.

Emmanuel fait sécher ses plantes • Photo : Norman Jardin

Une nouvelle vie débute en 2017 pour les Raoul : « On est passé d’un 60 mètres carrés parisien à un terrain de 4 000 mètres carrés », explique Emmanuel qui fonde Au Jardin de Bizac. Mais le plus dur commence pour l’ancien journaliste : « On m’avait dit qu’il fallait cinq ans pour devenir paysan et dix ans pour en vivre. Je confirme ! » Certes, les revenus sont encore modestes, mais la passion est intacte et le « Paysan herboriste » ne regrette pas son choix.

Tisanes, thés, sirops, liqueurs...

Il commence par planter un millier d’arbres, puis des plantes sur lesquelles il est prolixe : « On doit beaucoup de choses aux plantes : l’oxygène, le sol, la nourriture, des fibres textile, des matériaux de constructions. Je produis une trentaine de plantes, herbes ou fruitiers médicinaux (sauge, mélisse, marjolaine, verveine, tilleul, thym, sarriette, romarin). Ça me permet de composer une gamme de neuf tisanes différentes, de thé et sept sirops. »

Emmanuel est passionné par les herbes sauvages • Photo : Norman Jardin

Le paysan herboriste n’est pas avare en conseils : « Une des meilleures plantes, c’est l’ortie. C’est une bombe nutritionnelle. Il y a plus de calcium que dans du lait, elle contient de la vitamine C, du fer, du magnésium, des sels minéraux. Et en plus, elle a des vertus médicinales. Le thym est une plante géniale pour l’immunité et elle donne du peps. Le thym a un effet sur les sphères digestives, respiratoires mais aussi urinaires. »

Des animations et une émission sur radio Sommières

Le Gardois aime mettre en avant le patrimoine de la flore sauvage, alors il organise des animations : « Le premier samedi du mois, je fais une visite gratuite du jardin (inscription par SMS ou email), c’est un moment de plaisir. Il y a aussi des animations payantes qui sont autour des plantes sauvages, parfois suivies d’un atelier cuisine. Un atelier sur les tisanes de plantes sauvages. Une fois par an, on organise la fête des plantes en même temps que les Journées du patrimoine. Sans oublier l’opération "De ferme en ferme". Puis j'ai une émission mensuelle sur radio Sommières (La voix des plantes) où je m’éclate ».

Mais pour éviter toute mépriss, Emmanuel précise : « La médecine soigne. Nous, on donne du confort et du bien-être. Je ne verse pas dans des promesses que les plantes ne pourraient pas tenir, ni dans des pratiques qui ne correspondraient pas à mon niveau de connaissance ou au cadre réglementaire. On ne prétend pas guérir ni soigner, mais seulement accompagner à se soulager et avoir un peu de confort. »

Les produits sont vendus à la ferme (rendez-vous sur appel téléphonique) en passant par le site Internet. On peut également les trouver sur le marché de Calvisson (le dimanche), chez des revendeurs à Nîmes et à Paris, mais aussi dans des Biocoop et des So.bio. « Mon défi est de trouver le bon équilibre entre la production, la transformation et la vente », souligne Emmanuel qui est heureux dans son environnement végétal et c'est logique puisqu’il a retrouvé ses racines.

Norman Jardin

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