Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 21.07.2023 - Anthony Maurin - 5 min  - vu 3431 fois

FAIT DU JOUR Le manège désenchanté de la Tour Pollux

La déconstruction de la Tour Pollux à Nîmes (Photo Anthony Maurin).

La déconstruction de la Tour Pollux à Pissevin (Nîmes) est le début d'un vaste chantier qui va changer la physionomie du quartier.

La déconstruction par grignotage de la Tour Pollux à Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Depuis une cinquantaine d'années, le Pollux fait partie, avec son jumeau Le Castor, du paysage du quartier Pissevin à Nîmes. Située au sud du quartier en contrebas de la mosquée de la Paix, la tour de 14 étages entame sa déconstruction. Cette déconstruction est l'une des plus importantes menées à Nîmes. Construit en 1975, le bâtiment comprend 118 logements répartis sur deux bâtiments : le petit Pollux (16 logements sur 8 étages) et le grand Pollux (102 logements sur 14 étages et 3 niveaux de sous-sol).

Ouvrir le quartier

Le Pollux fut longtemps un des emblèmes du quartier. Un emblème résidentiel d'abord avec ses 118 logements offrant sur ses derniers étages une vue imprenable sur la région nîmoise, puis un concentré de tous les maux qui affectent le quotidien des grands ensembles. Cette mutation conjuguée aux enjeux urbanistiques a décidé les pouvoirs publics à envisager la démolition de l'immeuble dans le nouveau programme de rénovation urbaine, seule condition pour permettre d'aérer le quartier.

La déconstruction de la Tour Pollux à Nîmes (Photo Anthony Maurin).

En supprimant le grand Pollux et le petit Pollux, Un toit pour tous, le bailleur social en charge du lourd dossier, contribue à rompre l'organisation autarcique de cette partie du quartier. Une ouverture qui sera matérialisée demain par l'aménagement d'un grand parc hydraulique paysager sur l'espace libéré qui représente environ 5 240 m2.

108 familles relogées selon leurs envies

Parce que démolir un bâtiment n'est pas anodin et peut venir heurter l'individu dans sa trajectoire de vie, parce que le relogement peut être, au départ, appréhendé simplement comme une obligation de déménager, Un toit pour tous a souhaité dès la fin de l'année 2020 accompagner cette transition par l'ingénierie sociale en confiant à la société Urbanis une Maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS).

Le phasage (Photo Anthony Maurin).

Ainsi, à chaque étape essentielle du relogement, la MOUS s'est retrouvée aux côtés des habitants pour les conseiller et les accompagner afin de garantir aux familles un parcours résidentiel positif en les rendant pleinement actrices de leur parcours de relogement. Cette concertation s'est notamment traduite par, entre autres, des entretiens personnalisés afin de bien identifier les besoins des familles en lien avec leur situation familiale et professionnelle.

Ça grignote ! (Photo Anthony Maurin).

Un accompagnement lors des visites des logements a été effectué tout comme dans l'organisation de leur déménagement avec la prise en charge des frais liés au déménagement (réabonnement à EDF, GDF et à la Poste sur la base d'un forfait de 120 euros), transfert du dépôt de garantie du logement actuel sur le nouveau logement…

Un vrai plus

Pour les familles ayant été relogées, quitter le Pollux après parfois plus de 40 années de location a été une opportunité d'évoluer de manière plus sereine dans un nouvel environnement. Les locataires sont aujourd'hui conscients que leur relogement leur permet de bénéficier d'un meilleur cadre de vie, ils sont ainsi devenus acteurs de leur relogement, ce qui a eu pour avantage de leur permettre de passer d'un parcours résidentiel "subi" à un parcours résidentiel choisi, car l'objectif poursuivi est bien que les logements dans lesquels les familles ont été relogées répondent à leurs attentes.

Les prises de paroles avec ici Jean-Marie Garabédian, le directeur général d'Un toit pour tous (Photo Anthony Maurin).

Près de 93 % des familles relogées expriment d'ailleurs leur satisfaction quant aux propositions de relogement qui leur ont été faites, 90 % sont satisfaites de leur nouveau logement et 95 % de leur quartier.

Des locataires satisfaits, mais ressentant un brin de nostalgie pour près de 30 % d'entre eux : il faut reconnaître que vivre 20, 30, 40 années dans le même quartier, ça crée des liens, des habitudes, qu'il est parfois difficile de rompre. 

Une déconstruction dans les règles de l’art

Le petit Pollux, le parking (6240 m2 sur 3 niveaux) et le parvis de l'immeuble seront démolis par grignotage à l'aide d'une pelle mécanique de plus de 100 tonnes dotée d'un bras de 34 mètres, tandis que le grand Pollux fera l'objet d'un écrêtage jusqu'au R+9 puis d'un grignotage.

(Photo Anthony Maurin).

Pour ce dernier, la technique de l'écrêtage jusqu'au R+9 a été en effet privilégiée puisqu'avec cette solution, le bâti est déconstruit étage par étage et permet de préserver les circulations au pied de l'immeuble. Une donnée cruciale pour ce géant de béton posé à proximité de la voirie et de la mosquée.

Le chantier de déconstruction sera exemplaire et fait appel à des filières d'économie circulaire. Le volume des déchets récupérés lors du chantier représentera 10 000 m3 avec 24 000 tonnes de déchets inertes dont 16 000 tonnes qui seront réutilisées sur le chantier. Les gravats seront évacués au fur et à mesure et seront acheminés par camions vers des centres de traitement locaux. Tout ce qui concerne la menuiserie et le verre seront recyclés.

La sous-préfète aux commandes ! (Photo Anthony Maurin).

Les déchets et déchets inertes seront traités par des entreprises locales pour limiter les déplacements et favoriser l'économie circulaire. Le planning du chantier a pris en compte les périodes scolaires, en particulier pour la démolition du petit Pollux, pour une réalisation durant l'absence des élèves de l'école proche du chantier.

Enfin, une clause d'insertion prévoit plus de 1 000 heures mises en place. Par ailleurs, une dépollution intégrale du site sera réalisée pour plus de 130 tonnes d'amiante.

Toutes les phases du chantier ont été méticuleusement préparées, ce qui permettra d'achever la déconstruction de Pollux d'ici fin juillet 2024, une partie des travaux devant s'effectuer en même temps que ceux du viaduc Puccini à l'automne 2023.

La proximité du Pollux avec l'école et la mosquée n'a de conséquences que sur le seul procédé de déconstruction. La sécurité est un enjeu crucial pour Un toit pour tous et son équipe de maîtrise d'œuvre.

(Photo Anthony Maurin).

Pendant le grignotage, une protection mécanique par un tablier métallique suspendu sera ainsi mise en œuvre, un arrosage des zones démolies permettra de limiter l'émanation de poussières. Depuis le démarrage du chantier, un mur anti-bruit est installé à proximité de la cour de l'école et des tests acoustiques sont régulièrement réalisés, la mosquée bénéficiera également d'une protection mécanique. Enfin, les arbres seront conservés et protégés et deux Oliviers seront ramenés en pépinière.

Un manège qui fut certainement désenchanté au fil des décennies passées et qui aura, dans quelques années tout au plus, une seconde vie, un souffle nouveau. Peut-être connaîtra-t-il alors plus de positif que de négatif ! C'est en tout cas le but de la manoeuvre.

Anthony Maurin

Gard

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