Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 12.03.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 1763 fois

AU PALAIS « Les enfants, ça joue au loup, pas à touche moi les fesses ! »

La salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

La salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Poursuivi pour des agressions sexuelles sur deux fillettes de 9 et 11 ans et la consultation de sites pédopornographiques, Christian, 75 ans, jean bleu, parka noire et cheveux gris, s’appuie lourdement au pupitre du tribunal correctionnel de Nîmes, jeudi 10 mars 2022.

Le 12 novembre 2019, le père de la première dépose plainte à la gendarmerie après avoir découvert que sa fille a été victime d’attouchements de la part de l’ancien moniteur de tennis, une fois lors d’une leçon de tennis, et une autre fois chez cet ami de la famille.

Papi câlin et affectueux

Mais le retraité jure que ces gestes étaient « involontaires », tandis que sa famille décrit un papi « câlin et affectueux ». « Je ne l’ai jamais touchée, je l’estimais comme ma propre petite fille. Un jour, je l’ai seulement un peu serrée sur le court de tennis pour la gronder, et elle m’a dit qu’elle allait le dire à son papa ! », déclare-t-il d’une voix basse.

Un autre soir, la petite évoque une autre scène, alors qu’elle est venue dormir chez lui. « Elle avait peur du noir, je suis resté un peu avec dans la chambre et je lui ai mis le film avec le chien, Beethoven, le temps qu’elle s’endorme » s’explique encore le septuagénaire, en secouant la tête tristement.

Cache-cache et chasse au trésor

Une amie de la victime s’est aussi plainte de gestes inappropriés de sa part. « On jouait à cache-cache, à la chasse au trésor. Elle s’était cachée dans la chambre alors qu’on l’avait interdit. Ensuite, on a juste un peu chahuté sur le lit, mais c’était un jeu, c’est tout ! », nie toujours farouchement le prévenu.

Le juge tente de le prendre au piège. « Vous jouez souvent à la mêlée avec des enfants. Et vous les touchiez où ? » « Oh, ils courent vite, vous savez ! Où on peut : aux épaules, aux bras, aux cheveux », répond le retraité, en haussant les épaules. « Mais alors pourquoi ces enfants vous accusent-elles ? », ne comprend pas le juge. Le prévenu écarte les bras, désemparé. « J’ai fait l’erreur de m’occuper des enfants des autres. »

« C’est Google qui m’a montré ça »

Aux enquêteurs, il a pourtant admis être intéressé par les images de « petites filles de 8 à 12 ans, nue et sans poitrine ». Mais il nie aujourd’hui, malgré les photos suggestives retrouvées sur son ordinateur. « Non, pour moi, jeune, c’est une vingtaine d’années. C’est Google qui m’a montré ça. Quand je les ai vues, ça ne me plaisait pas, je les ai effacées tout de suite », se justifie-t-il maladroitement.

La procureur s’énerve de ses dénégations systématiques. « Mais qui a regardé ces sites pédopornographiques qu’on a retrouvé sur votre ordinateur, votre femme ? » veut savoir Julia Salery. Mais le retrait nie toujours. « Parmi vos recherches, il y avait ‘jeunes filles au couvent’, vous l’avez bien faite cette recherche ? », persiste la magistrate. « Mais non, j’ai à peine regardé 5 minutes, après il fallait payer ! », lâche finalement le papi de 75 ans.

« Jeune-fille-au-couvent »

L’avocat des victimes se lève. « Vous devez la vérité aux parents de ces fillettes. Ils n’ont jamais demandé vengeance, ils ont au contraire émis des doutes sur les témoignages de leurs filles. Ils vous ont même défendu, alors respectez-les, déclare sévèrement Jérôme Arnal. Au moins deux victimes décrivent les mêmes faits. Et vous avez une attirance pour les jeunes filles, vous l’avez admis vous-même en garde à vue ! »

La procureur se fait grave à son tour. « On ne vas pas se mentir, c’est un dossier de pédophilie complet avec la consultation de sites suivie d'une mise en pratique sur deux petites filles, assène Julia Salery. Les enfants jouent au loup, pas à touche moi les fesses. Mais vous, vous recherchez leur innocence, leur virginité. Et c’est pour ça que vous allez sur des sites comme ‘jeune fille au couvent’ ou ‘jeune fille au fleur’ ». La magistrate lance un chronomètre. « Vous dites que vous ne les regardez que 5 minutes, mais c’est long 5 minutes devant une vidéo pédopornographique. Et puis qui invite une enfant de 9 ans à dormir chez lui ? », s’interroge-t-elle, requérant 3 ans de prison avec sursis contre Christian, assorti d’une interdiction de contact avec de jeunes enfants.

« Pour moi, il y a des doutes, car leurs témoignages sont flous et changeants, conteste pourtant l’avocate du prévenu, Natasha Demerseman. Ce soir d’Halloween, ces fillettes ont joué à se faire peur en racontant des histoires sur ce professeur de sport que tout le monde connait, avant de se rétracter. Sauf que certaines sont restées… » Sa demande de relaxe est en partie entendue : Christian est condamné à un an de sursis pour la consultation de sites pédopornographiques mais il est relaxé des faits d’agression sexuelle, faute de preuves suffisantes.

Pierre Havez

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