Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 28.10.2014 - baptiste-manzinali - 4 min  - vu 756 fois

FAIT DU JOUR Et si le jean denim redevenait...nîmois ?

prototype du premier jeans des Ateliers de Nîmes. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

C'est le pari que se sont lancés trois jeunes entrepreneurs gardois en créant les Ateliers de Nîmes, marque de jean qui puise dans l'histoire gardoise. Celle des anciens métiers à tisser, de la toile appelée Serge de Nîmes destinée aux ouvriers et paysans, avant que Levis Strauss n'en fasse le 501 qu'on ne présente plus.

Dans son bureau aménagé à son domicile, Guillaume Sagot a étalé ses prototypes et ses toiles de jeans directement importées d'Italie et du Japon. Depuis un an, lui  et ses amis Anthony Dubos et Werner Grosjean s'attèlent à réaliser un projet fou. Faire renaitre de ses cendres un savoir-faire nîmois disparu depuis plusieurs siècles, celui de la toile de Nîmes initiée entre le 16ème et 17ème siècle. "A l'époque, les manufactures nîmoises voulaient copier la toile de Gènes, ils ont crée la toile Sergé qui est une technique de tissage en laine et en soie. En vérité, cette toile n'a plus rien à voir avec celle qu'on utilise aujourd'hui" précise Guillaume. Mais peu importe, avant même que Levi's Strauss et Jacob Davis ne brevètent un procédé de rivetage des poches commercialisé sous le nom xx - devenu 501 en 1890 - des gardois serait à l'origine d'un des objets les plus symboliques du 19ème siècle, au cœur des bouleversements culturelles.

Vêtement en devim fabriqué dans les Cévennes au 18ème siècle. (Collection du musée du Désert)

À la révocation de l'édit de Nantes, les protestants nîmois fuient la région, emportant avec eux un savoir faire vers l'Amérique, l'Angleterre, les Pays-Bas. "Il y a aussi l'idée qu'en 1776, les États-Unis devenus indépendants du royaume d'Angleterre auraient préféré importer du textile venu d'autres pays, dont la France." S'il est difficile aujourd'hui de faire la part des choses entre légendes et réalité, l'énigme du jean denim, ou de Nîmes, suffit à nourrir chez ses jeunes entrepreneurs l'envie presque utopique de créer un vrai jean nîmois.

"L'idée de créer un jean nîmois me vient depuis le lycée. Même si je ne suis pas très mode à la base, je trouve ça génial pour le patrimoine"

Après une licence d'histoire à Nîmes, Guillaume poursuit ses études à Paris en science politique et obtient un master 2 en gestion de projet. Alors qu'il est embauché dans une mutuelle parisienne en cdd, Guillaume subit deux hospitalisations successives qui remettent en question les perspectives d'avenir au sein de son entreprise. Souhaitant changer d'orientation, il rentre chez ses parents à Nîmes, et réfléchit à se relancer dans quelque chose de différent. "A Nîmes, le patrimoine culturel tourne beaucoup autour de la tauromachie et de la romanité, mais on oublie l'industrie du textile qui fût fleurissante dans la région. L'idée de créer un jean nîmois me vient depuis le lycée. Même si je ne suis pas très mode à la base, je trouve ça génial pour le patrimoine". Guillaume s'entoure de ses amis qui travaillent de près ou de loin dans la mode et la communication. Il prend des conseils un peu partout et constate un réel engouement pour le projet. "A la CCI par exemple, ils étaient très emballés. Même s'ils n'ont pas de grandes connaissances dans le domaine, leur aide m'a été très pertinente. Mais il faut savoir qu'en France, on ne subventionne que ce qui a trait aux nouvelles technologies et au social. Nous, on n'est nulle part". Avec ses économies personnelles, il fait appel à un bureau d'étude qui l'oriente vers des fournisseurs japonais et italien, deux pays connus pour la qualité de leurs toiles de jean.

"Notre finalité, c'est de produire de la toile à Nîmes. Le savoir-faire a été perdu, il y a tout à refaire."

Echantilon en cuir "brandpatch" des Ateliers de Nîmes.

Après plusieurs prototypes, trois toiles sont retenues pour constituer le lancement de la marque Atelier de Nîmes. Une toile légère, plus douce pour le confort, une toile classique et une toile japonaise plus robuste provenant des meilleurs tissures italiens et japonais. "Par la suite, on voudrait travailler qu'avec les italiens" confie Guillaume, qui se donne plusieurs années avant d'atteindre l'objectif final : produire localement une toile 100 % nîmoise. "Dans les 10-15 ans à venir" précise t-il. Un projet ambitieux dans un secteur qui a tendance à fuir vers l'étranger, avec en toile de fond - sans mauvais jeu de mot - une crise économique majeure. Mais cela n'effraie pas Guillaume, qui mise sur du haut de gamme pour ne pas rentrer en concurrence avec l'industrie asiatique notamment, mais aussi pour la crédibilité. "On veut utiliser les matériaux anciens en ayant une vision nouvelle collée aux standards actuels. En France, il ne reste qu'une seule marque qui produit un jean 100 % français, mais ce n'est pas le denim qu'attendent les connaisseurs".

Si les Ateliers de Nîmes ont pris forme depuis seulement un an, les premiers modèles devraient voir le jour en décembre ou janvier prochain. "On va commencer avec 500 pantalons, un seul modèle décliné sous 4 toiles différentes, vendu environ 280 euros." À titre indicatif, le haut de gamme Levi's Vintage s'étend sur des tarifs similaires. Dans une ville à la romanité omniprésente, peu être serait-il temps de rendre à César ce qui appartient à César.

Plus de renseignement sur la page Facebook des Ateliers de Nîmes : https://www.facebook.com/ateliersdenimes

ou sur le site web en phase de construction : http://www.ateliersdenimes.com

Le Musée du vieux Nîmes consacre également une exposition permanente sur l'histoire du textile nîmois. 

Baptiste Manzinali

Baptiste Manzinali

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