PALOMA Tiken Jah Fakoly "Le reggae est une mission"
Après son concert de mercredi soir à Paloma où environ 900 personnes avaient fait le déplacement, l'artiste africain Tiken Jah Fakoly a accepté de répondre à nos questions. Fidèle à son engagement, il nous a parlé de son rôle de chanteur de reggae et de son engagement politique.
Tu as retrouvé un ami à toi qui travaille à Paloma - Julien Francioli, responsable des studios de répétitions - Est-ce que tu t'es senti bien accueilli ? Comment était le concert ?
Je me suis très bien senti ici et c'était un plaisir de voir Julien, les musiciens aussi étaient content. C'était vraiment un plaisir de jouer dans ces conditions là.
Sur scène, tu portais une canne, un peu comme un prophète. On dit souvent de Bob Marley qu'il était un prophète. C'est comme cela que tu vois ta musique, prophétique ?
Je suis mal placé pour dire ça. Bob Marley a dit des choses il y a 30 ans qui sont encore d'actualité, on le voit bien aujourd'hui. Donc on continue le combat de Bob Marley en éveillant les consciences, c'est le rôle du chanteur de reggae. Le reggae est une musique de soldat, on se doit de prendre la parole pour défendre les minorités.
Quelle est la différence entre le reggae jamaïcain et le reggae africain ?
On ne fait pas mieux que le reggae jamaïcain, il faut le reconnaitre. Après, les instruments africains collent parfaitement avec le reggae et cela prouve bien le lien entre la Jamaïque et l'Afrique. Ce sont les instruments traditionnels qui donnent la couleur du reggae africain. Pour moi, il n'y a aucune différence entre les deux, et puis le reggae, ce n'est pas une compétition, c'est une mission. Le sens est partout le même, en Afrique, en Europe, au Japon ou en Jamaïque.
Est-ce que tu pourrai faire autre chose que de la musique engagée ?
Je peux pas faire autre chose, dès la première fois que j'ai entendu parlé d'esclavage et de colonisation, j'ai eu envie de m'exprimer dans la musique, et par le reggae. Que ce soit avec des chanteurs comme Alpha Blondy, qui m'a fait l'honneur de chanter Diaspora avec moi, ou avec Patrice, Soprano, par exemple, notre but est toujours de faire passer un message.
Tu viens d'une famille de forgeron. Pourquoi la musique ?
C'est Bob Marley, la chanson Get up, stand up, ou Zimbabwe qui ont été comme des révélations pour moi. J'étais dans mon petit village, j'avais l'impression qu'il me parlait. C'est tout un processus, j'ai eu l'envie de chanter. J'ai de très bons souvenirs de cette époque même si c'est toujours difficile le début d'une carrière. On organisait des concerts nous même. Il fallait du temps avant de trouver le groupe dont je rêvais pour jouer en Europe.
Où est-ce que tu te vois dans 10 ans ?
Je dirai Inch'allah, je respecte beaucoup ce mot. J'espère être toujours sur scène, et faire de l'agriculture. Il y a un message important à faire passer avec ça. On voit nos frères qui se suicident dans l'océan en voulant rejoindre l'Europe, le développement de l'agriculture est la clef de ça, de nouvelles techniques arrivent, on a besoins de bras ici.
Quel est ton regard sur l'Afrique actuellement ?
On veut faire connaitre une Afrique positive. Si on regarde bien, il y a 50 ans, la France était en guerre et dans une situation très difficile. L'Afrique est donc dans un processus normal. Au Burkina Faso, le peuple a montré qu'il avait le pouvoir et que l'union faisait la force. Après les révolutions du Maghreb, on disait que pour l'Afrique ça allait être plus long, et pourtant...Je ne pense pas que l'on puisse développer l'Afrique mais il faut la stabiliser et la démocratiser. Pour beaucoup de gens, l'histoire de l'Afrique commence par l'esclavage, alors qu'avant il y avait des empires, des royaumes. L'Afrique n'a que 54 ans d'existence après la colonisation, il faut l'expliquer à l'école et changer le regard que l'on porte sur l'Afrique.
Quelques photos du concert
Baptiste Manzinali
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