Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 30.03.2018 - boris-de-la-cruz - 3 min  - vu 1117 fois

NÎMES La clochardisation de la justice est-elle en marche ?

Magistrats, greffiers et avocats étaient dans la rue pour dénoncer un projet de loi du gouvernement réformant la justice au détriment du justiciable.

Grosse mobilisation à Nîmes, vendredi

On ne peut pas laisser les gens à la porte du tribunal

" Nous avons face à nous des gens fragiles, la société est en difficulté, il y a une crise de l'emploi. Les citoyens ont droit d'avoir un contact avec les juges, affirme Céline Simitian, magistrat en charge de l'application des peines au tribunal de Nîmes et membre du collectif des robes noires gardoises en colère. " On ne peut pas laisser les gens à la porte du tribunal, on ne peut pas accepter que des personnes derrière un ordinateur essaient désespérément de nous joindre. Une justice humaine c'est une justice où l'on a des contacts avec les justiciables, où l'on rencontre la personne que l'on doit juger. Les gens ont besoin d'un juge... Et nous ne voulons pas nous excuser de vouloir travailler correctement ! ", poursuit la juge acclamée par ses pairs lors d'une conférence de presse organisée ce midi.

Ce vendredi, près de 300 d'entre-eux, avocats, magistrats, greffiers et fonctionnaires du ministère de la Justice ont déposé des gerbes devant le tribunal de grande Instance de Nîmes et face au tribunal d'instance situé Avenue Feuchères pour annoncer " le décès programmé de la justice ". Une mort liée au projet de loi voulu par le gouvernement. Des manifestions se sont déroulées aujourd'hui partout en France.

Un vent de fronde généralisé dans le monde judiciaire

De nombreux griefs ont été mis sur le devant de la scène tout au long de cette journée nîmoise, sans audiences programmées au tribunal. Depuis longtemps le " monde judiciaire " ne s'était pas retrouvé aussi uni contre des réformes proposées. Il faut remonter à 2007, 2008 pour voir souffler un tel vent de fronde. " La réponse du gouvernement pour nous ridiculiser et minimiser notre action est de crier au corporatisme, mais nous défendons les justiciables face à une réforme scandaleuse qui n'a pour but que d'éloigner les personnes du juge, de privatiser la justice, de faire des économies au détriment des gens ", plaide le Bâtonnier Jean-Michel Divisia. " Il manque des juges, il manque des greffiers, et bien au lieu d'embaucher on rogne sur tout. Les tribunaux siègent en collégialité c'est la règle, le juge unique étant l'exception, et bien là le juge unique sera la règle, cela permet de ne pas recruter, estime Jean-Pierre Bandiera, au nom du syndicat de la magistrature. Réduire, contracter, sacrifier voilà le programme proposé ".  " On va faire disparaître le juge, les droits de la défense, c'est un pur scandale ", se fâche un avocat qui demande où sont les chefs de juridiction nîmois dans l'assemblée des manifestants.

10 magistrats pour 100 000 habitants

Un exemple concret et parlant a été évoqué. " En matière civile par exemple le projet prévoit de confier à la Caisse d'Allocation Familiale la gestion des pensions alimentaires ", souligne Laurène Dorlhac, responsable locale de l'union des syndicats de la magistrature. " En France il y a 10 magistrats pour 100 000 habitants, en Europe la moyenne est de 20 magistrats pour 100 000 habitants et en Allemagne 25 juges pour autant de personnes ", affirme le futur patron des avocats Nîmois, Jean-Marie Chabaud. Un manque de moyens en personnel qui est récurent et flagrant. Une tendance qui augmente avec les années... Pour les greffiers et fonctionnaires de la justice le constat est identique : il y a 28 fonctionnaires en France pour 100 000 habitants, contre près de 37 pour la moyenne européenne !

Justice 2.0

Certaines robes noires agitaient des banderoles "voulez vous être jugés par des algorithmes ?". Ils craignent que l'on mette en place des médiations par ordinateur pour certaines procédures civiles. Pour les divorces par exemple, les gens rempliraient les formulaires et l'ordinateur trancherait la question du patrimoine.

Un justice des mineurs oubliés

Dans le Gard, la délinquance des mineurs représente près de 30%. Un volume considérable. " Il n'y a aucune référence, aucune réflexion sur la protection des enfants, sur les mineurs délinquants. On se doit dans une société de répondre à l'appel des enfants en danger, et bien il n'y a rien dans le projet de loi dans ce domaine ", déplore une juge spécialisée dans ce domaine.

Les députés en Marche du Gard absents

D'autres actions sont annoncées dans les prochains jours pour s'opposer à ce projet de loi qui est rejeté par la totalité des professionnels du droit rencontrés lors de cette manifestation nîmoise, d'autant qu'il n'y pas eu de concertation. La conférence de presse, ce vendredi, était bien évidement ouverte aux députés " En marche " du Gard qui n'ont pas répondu à cette invitation des robes noires... Françoise Dumas et Philippe Berta étaient aux abonnées absents.

Boris De la Cruz

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