L'INTERVIEW Bruno Beltoise, maire de St-Laurent-le-Minier : "Certains jours d'été, on est à plus de 1 000 personnes !"

Bruno Beltoise, maire de Saint-Laurent-le-Minier
- François DesmeuresDepuis 2017, et encore plus après la crise Covid, la fréquentation de la baignade à la cascade de la Vis, à Saint-Laurent-le-Minier, a explosé en été. La commune a rapidement réagi afin de protéger le village d'une sur-fréquentation et de limiter celle du site de la cascade. Avec succès, même si demeurent, encore, des stationnements illicites et des incivilités sur les berges, d'un site qui reste majoritairement privé. Au point que chaque matin, des bénévoles en assurent le nettoyage... Entretien avec le maire, Bruno Beltoise, qui ne prend pas de vacances en été pour prévenir tout problème.
Objectif Gard : À quand faites-vous remonter l'explosion de la fréquentation du site de baignade de la cascade de la Vis sur votre commune ?
Bruno Beltoise : Il y a eu la conjonction de deux événements. Le premier, c'était une chute de rocher sur la route entre Ganges et Saint-Laurent-le-Minier, sur la commune de Cazilhac, en 2018 (une personne était décédée dans l'accident, relire ici). Ce qui avait amené, dans l'hiver 2018-2019, à mettre des barrières de sécuirté tout le long de la RD 25, sur la commune de Cazilhac, pour empêcher les gens de se garer. Toutes ces voitures, qui se garaient le long de la route, ont eu tendance à remonter lors de l'été d'après, en 2019, plus haut dans la vallée, jusqu'à Saint-Laurent ou Gorniès. Même s'il y a certainement eu d'autres voitures qui se sont dirigées vers la vallée de l'Hérault, Laroque ou Cazilhac. On a n'a pas fait de mesures, on l'a simplement constaté. Le second événement, c'est le confinement lié au Covid. Là, ç'a été vraiment une crise. L'été 2020, on avait des voitures partout. On a dû permettre l'accès à des champs pour garer les voitures, sinon elles étaient sur la route. On n'avait pas de forces de police à ce moment-là. On a accomodé l'espace d'accueil au nombre de visiteurs qui arrivaient. C'est la politique qui avait été menée jusqu'en 2020, c'est-à-dire d'accompagner l'augmentation progressive du nombre de visiteurs et de leur permettre de stationner. Mais déjà, avant 2019, l'été en journée, on ne pouvait plus se garer dans le village... Les gens en arrivaient aux mains sur le pont car ils s'engageaient sans tenir compte de la priorité...
En 2020, quelles réponses avez-vous trouvé ?
Ceci nous a amenés à décider de mettre en place une force de police, de déplacer le stationnement à l'entrée du village, en créant une jauge : 120 voitures, et pas plus. On a d'abord mis un feu de circulation alternée sur le pont. Puis, on a déplacé le stationnement pour éviter l'engorgement au carrefour de la RD 25 et de la RD 110. On a donc jaugé à 120 véhicules et mis en place une interdicton d'accès, qui est réservé aux riverains. Enfin, une force de police : trois ASVP (agents de surveillance de la voie publique), qu'on emploie tout l'été pour faire respecter l'interdiction d'accès, en insistant sur le côté prévention. Et, aussi, une collaboration accrue avec la gendarmerie. Et ça fonctionne très bien. Il n'y a plus de difficultés de stationner pour les habitants.
"La cascade est une propriété privée"
À qui appartient le site de la cascade et ses abords ?
Je rappelle que la Vis est une rivière non domaniale. Ce qui veut dire que les propriétaires des parcelles bordant la rivière sont également propriétaires du lit de la rivière, jusqu'au milieu de son lit. Autour de la cascade, il y a quatre propriétaires principaux. En commençant par la commune, qui est propriétaire de parcelles immédiatement en amont du pont, des deux côtés de la Vis. La cascade est une propriété privée : la rive droite appartient à la pisciculture, la rive gauche à la copropriété du château. Ce qui est justifié, de chaque côté, par une adduction d'eau : un canal, à droite, pour la pisciculture ; et un, à gauche, qui passe sur l'aqueduc et alimente le château. Enfin, à l'aval du pont, en rive gauche, c'est la propriété du château. Et en rive droite, un propriété privée avec sa maison. En 2020, on a interrogé la population, avec environ 200 réponses sur 380 habitants, pour savoir si on fermait l'accès de la cascade. En sachant que si on fermait, c'était pour tout le monde, pas seulement pour les touristes. De mémoire, 60% des réponses ont été favorables pour laisser l'accès à la cascade. Le corollaire, c'est de mettre en place un dispositif pour améliorer la vie des riverains de la cascade et la vie quotidienne des habitants, pour qu'ils puissent, notamment, se garer quand ils rentrent du travail...
En plus des événements dont vous parliez, vous avez pu voir des publications sur les réseaux sociaux incitant à venir à la cascade de la Vis ?
Bien sûr, des milliers ! Sur Youtube, Instagram, Facebook...
Sans avoir de réels leviers d'action pour empêcher un tel flot...
On a essayé de réagir. Mais difficile de répondre, sur Facebook, à toutes les publications de photos idylliques, prises à 6 heures du matin, quand il n'y a personne. Un de nos adjoints intervenait, il a arrêté.
Les recettes du parking estival vous permettent-elles de couvrir les dépenses qu'induisent toutes ces mesures ?
Les recettes permettent de courvir les frais de personnel des trois ASVP et de quatre placiers, de la fin juin à début septembre, sept jours sur sept. En coût de fonctionnement, ça représente environ 50 000 à 60 000 € par an. Pour améliorer l'accueil des visiteurs, le syndicat mixte qui gère le Grand site de France du cirque de Navacelles nous a proposé d'étendre le dispositif d'éco-volontaires déjà mis en place à Navacelles (relire ici), les trois dernières semaines de juillet et les trois premières d'août. Il ne faut pas se voiler la face : la situation est tellement tendue qu'on est dans la répression. Mais on essaie d'aménager cela le plus possible, c'est pour cela qu'on était très favorable à la venue de ces éco-volontaires. Et le bilan est très positif, avec un bon retour des visiteurs. Ils font aussi des comptages, des relevés d'information pour nous, pour qu'on comprenne le type de visiteurs qui vient, le temps qu'ils restent.
Sur le site lui-même, les incivilités diminuent-elles ?
Je vais être optimiste... Objectivement, oui, ne serait-ce que parce que le nombre PV a chuté énormément pour stationnement illicite, de la part des ASVP, depuis 2021. Mais les ASVP n'ont autorité que sur la circulation, pas sur les nuisances sonores ou autre. C'est limité à la circulation et au stationnement. Par contre, on leur demande, en prévention, de descendre voir les gens pour leur dire que les feux sont interdits, qu'ils doivent tenir leur chien en laisse, qu'ils n'abusent pas de musique gênante pour les voisins, etc. Ça se passe plutôt bien, même si certains groupes viennent pour mettre le bazar, boire ou faire du bruit...
Ce qui relève, donc, de la gendarmerie...
Le premier recours, c'est notre garde rural qui peut intervenir. Puis, effectivement, la gendarmerie, qui est très présente sur le secteur. Désormais, on fait une réunion avec eux en début de saison.
"Le point noir reste l'aval du pont, car les propriétaires sont littéralement envahis"
Y a-t-il quelque chose que vous souhaitez encore améliorer ?
Le point noir reste l'aval du pont, car les propriétaires sont littéralement envahis. Aujourd'hui, on n'a trouvé aucun moyen d'empêcher que les visiteurs entrent chez eux. Le fait qu'il y ait moins de monde - et on a vraiment moins de monde - fait que, mécaniquement, ils sont moins envahis. Mais ce n'est pas encore satisfaisant.
Qu'est-ce que vous attendez de l'étude de fréquentation, dont les conclusions seront rendues publiques à la fin de l'été ? (relire ici)
Le premier objectif était de faire un diagnostic et de confirmer ou valider des informations qui étaient plutôt des sensations, sur le nombre de visiteurs annuels, sur la jauge du site, la typologie des visiteurs... L'étude a permis de chiffrer à 45 000 personnes le nombre de visiteurs sur une année, et 65 000 sur l'ensemble de la vallée de la Vis. On a des informations sur le déroulement de la journée. Les groupes de jeunes, qui créent le plus de nuisances, arrivent souvent en fin d'après-midi... Ces informations étaient aussi vitales pour faire comprendre aux communautés de communes, à la gendarmerie, aux offices de tourisme, l'enjeu qu'il y avait. On nous prenait pas vraiment au sérieux... Mais 45 000 personnes, ça veut dire que certains jours d'été on est à plus de 1 000... Pour simplifier, on a bien plus de visiteurs que le cirque de Navacelles, qui est le site touristique de la région...
Existe-t-il, finalement, une recherche de diversification des lieux de baignade dans l'étude ?
Non. On est dans une logique de gérer et de contenir la fréquentation actuelle. Ce qui va un peu contre ma conviction, qui est de devoir anticiper une augmentation de la fréquentation. J'ai du mal à comprendre la logique de beaucoup d'élus qui considèrent que la baignade existe mais qu'elle ne doit pas être gérée. Penser qu'on va empêcher les gens d'avoir envie des se baigner, c'est comme de se dire qu'on va arrêter la pluie de tomber et l'eau de couler...
Vous parvenez à prendre des vacances en été ?
Ah non, il n'en est pas question. Mais c'est beaucoup plus serein qu'il y a deux ou trois ans, avec notamment des salariés qui sont plus expérimentés.