NÎMES Le ras-le-bol des policiers du centre de rétention
"On va au travail avec la boule au ventre. Il suffit de regarder le nombre d’arrêts maladie, de dépression", estime un fonctionnaire de police qui a décidé de briser l’omerta qui règne sur les conditions de travail et les sanctions infligées aux policiers du centre de rétention administratif de Nîmes.
"On se sent persécutés. Au départ, il s’agit d’infrastructures qui ne sont adaptées. Pour les personnes retenues, il leur suffit, lorsqu’elles sont dans la cour, de monter sur un petit muret et de glisser sur le transformateur. De là, à deux mètres de haut elles peuvent sans problème se retrouver dans la rue", estime un autre fonctionnaire de police.
Des évasions et des tentatives qui sont à l’origine du vent de révolte qui souffle dans le personnel du CRA. Des évasions de l’été dernier, avec 4 personnes, puis 11 autres, une semaine plus tard, qui se sont éclipsés en quelques jours et qui ont mis le feu aux poudres au centre.
Les responsables du centre de rétention et les autorités auraient cherché des coupables "et comme d’habitude on cherche en bas de l’échelle pour sévir. Mais il faut savoir que même les caméras de vidéosurveillance sont obsolètes. On ne voit pas de personnes on voit des points blancs. Il s'agit d'une mauvaise résolution. Comment pourvoir travailler dans ces conditions. Lorsque les retenus s'évadent on voit des points blancs", poursuit notre témoin qui décrit une lassitude générale des fonctionnaires de police œuvrant au CRA.
"On dénonce depuis des années des problèmes de structures qui ne sont pas adaptées à d’éventuelles fuites. Parfois il y a 4 policiers pour la nuit pour une cinquantaine de retenus et tous les bâtiments à surveiller, note Christophe Sicart, du syndicat Unité SGP FO Police. Il y a un gros malaise... Lorsque l’on a 27 collègues en maladie au même moment, c'est un signe. D’autres veulent partir du CRA et ne parviennent pas à avoir de mutation", dénonce le syndicaliste qui fait remonter le ras-le-bol des policiers du CRA. Par rapport aux évasions de l’été dernier, "Il y a des sanctions disciplinaires non justifiées pour 13 collègues. Les évasions sont dues à des problèmes matériels et d'infrastructures que nous avions évoqué bien avant de connaître des évasions », complète le syndicaliste.
Le préfet évoque les tensions au CRA
Rencontré en début de semaine à l'occasion de notre interview (à relire ICI), le préfet du Gard confirme la situation compliquée, c'est le moins que l'on puisse dire : « depuis plusieurs mois, le CRA vit une situation tendue notamment par rapport à ses effectifs. Je peux vous confirmer aujourd'hui que le 1er septembre 2018, 30 policiers vont renforcer l'établissement. C'est une remise à niveau qui était jusque-là gravement déficitaire."
En ce qui concerne les sanctions, le premier représentant de l'État dans le département ne s'en cache pas : "elles été effectivement prises. Elles sont liées à une affaire d'évasion de personnes retenues. Tout cela tient en partie à des problèmes immobiliers du CRA. Les locaux actuels doivent être amélioré. Cela fait très longtemps que je plaide en ce sens. Cela devrait être fait dans des délais courts selon les informations que j'ai en ma possession. Certainement au début de l'automne."
Et de rajouter : "imaginez qu'actuellement, des policiers doivent faire des veilles toutes les nuits dans des voitures pour surveiller les activités aux abords de l'enceinte. Vous conviendrez qu'il s'agit de méthodes archaïques notamment avec le développement de la vidéosurveillance et des outils de détection des mouvements. Il faut ajouter que le CRA va repasser très rapidement à sa taille réelle. Aujourd'hui, nous avons une capacité d'accueil de 66 places en raison d'une partie désaffectée qui va être mise aux normes d'ici la fin de l'année. Et des effectifs supplémentaires à ceux annoncés pour le 1er septembre sont prévus quand l'enceinte sera en capacité pleine (120 places) », annonce le préfet du Gard, Didier Lauga.
Pour Christophe Sicart, du syndicat FO Police : "les 30 policiers supplémentaires, c’est un nombre juste capable de gérer les 50 retenus actuels. Comme le CRA va passer à 120 retenus on se retrouvera avec un sous-effectif encore plus criant qu'aujourd'hui même si 30 autres collègues sont annoncés."
Boris De la Cruz
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