Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 24.03.2020 - anthony-maurin - 4 min  - vu 667 fois

GARD Jean-Paul Chabrol vous conte une histoire... 3/4

Chercheurs de trésor à Nîmes et en Cévennes !
Quelques nuages pour ce dernier jour de l'année. (archives Anthony Maurin)

Jean-Paul Chabrol (Photo DR).

Qui n’a jamais entendu parler de la " chèvre d’or " ? Cette légende, pourtant plus provençale que languedocienne, était autrefois bien connue en Cévennes mais aussi à Nîmes, une ville presque " provençale ".

Épisode 1 ici. Épisode 2 là. Voici l'épisode 3...

Une autre raison, enfin, peut expliquer l’acharnement de ces chercheurs de trésors. Louis Cestin écrit que Garnier et Marion sont de Nîmes ; il faut entendre par là qu’ils habitaient cette ville sans pour autant en être originaires. Peut-­être étaient‑ils alliés à des familles barroises ? Il y avait des Marion à Barre depuis le milieu du XVIe siècle. Un Gra­nier est mentionné à Barre au milieu du XVIIIe siècle. Quoi qu’il en soit, une aventure similaire s’était dérou­lée à Nîmes au début du XVIe  siècle.

Le fameux jardinier pépiniériste Traucat s’était " mis en tête " qu’un trésor était caché sous la Tour Magne, et " cette conviction devint une foi invincible le jour où il lit, dans les prédictions de Nostradamus qu’un jardinier deviendra fameux en découvrant un trésor caché dans la terre ". Avec l’autorisation d’Henri IV, Traucat se mit à fouiller : mais de trésor, point. Par contre, les recherches menacèrent sérieusement le célèbre édifice nîmois : pour éviter l’effondrement de la Tour Magne, ordre fut donné d’arrêter les travaux. L’histoire était restée vivace à Nîmes ; Granier et Marion devaient vraisemblablement connaître l’aventure du jardinier (célèbre aussi pour avoir favorisé la plantation de mûriers). La leçon n’avait cependant pas servi à en juger par leur acharnement coûteux.

Cet ensemble documentaire soulève enfin la question de l’origine de la légende barroise de la chèvre d’or. Il est en effet intéressant de suivre les déforma­tions successives que cette histoire a subies entre hier et aujourd’hui. En 1762, Cestin disait que Granier et Marion étaient à la recherche d’un " trésor " sans plus de précision ; aujourd’hui, la légende parle d’une " chèvre d’or ".

Cette légende existait‑elle avant 1762 ? C’est possi­ble mais nous n’avons aucune preuve écrite de son existence. La seule chose que l’on puisse affirmer, par comparaison avec d’autres sites notamment provençaux, c’est que ce thème légendaire était jadis fort répandu au XIXe siècle. Mais qu’en était-il au XVIIIe siècle ? Quoi qu’il en soit,  la légende telle qu’on la racontait à Barre-des-Cévennes renvoie au canevas classique et dramatique tel qu’il est exposé par Claude Seignolle ou Jean-Noël Pelen. Plus extraordinaire, l’aventure de Figuière colle parfaitement avec la quête mortifère de la chèvre d’or.

Le Castelas de Barre recèle des vestiges historiques voire protohistoriques. Depuis le XIe siècle, un " castrum " se dressait sur l’extrémité orientale de cette butte-témoin ; il a donné son nom à cet escarpement rocheux qui domine le village. Ce " castrum " fut abandonné au début du XIIIe siècle au profit du " château neuf " qui fut construit au milieu du bourg. Au XVIe siècle, le vieux " castrum " n’était plus qu’un amas de ruines. À l’autre extrémité du Castelas, s’élevait la petite chapelle Saint‑Jean dont on aper­çoit encore quelques vestiges dans un creux de rocher. Au XVIIe siècle, elle était dans le même piteux état que le " castrum ". Peut-être a-telle été détruite quand Barre bascula dans la Réforme en 1560 ? Entre ces deux vestiges médiévaux, se trouvent trois gros rochers d’aspect ruiniforme, les trois " bancs ».

Une autre légende barroise raconte que ce sont trois jeunes filles qui ont été pétrifiées en guise de punition. Sur un de ces rochers, on peut encore voir des trous à section carrée encadrant une " auge ". Le tout a été manifestement creusé par la main de l’homme. D’après la tradition orale, cette " auge " est appelée la " pastière du diable ". Les interprétations sur l’origine de ces excavations divergent : lieu de culte préhistorique ? Emplacement de fourches patibulaires seigneuriales, ou plus vraisemblablement base d’une tour en bois indatable ?

Ajoutons encore, sur le flanc septentrional du Castelas, la présence - surprenante à cet endroit - d’une grosse meule en calcaire. Bien qu’il n’y ait pas de véritable grotte sur le Castelas, on y trouve (côté méridional) une anfractuosité qui se rétrécit très rapidement au bout de quelques mètres. Bref, les abondants vestiges historiques du Castelas ne pouvaient qu’exciter l’imaginaire et donc susciter les légendes. Mais en 1762, ce " trésor ", on le recherchait dans Barre et non pas sur le Castelas.

La légende rapportée par les deux institu­teurs barrois s’inscrit donc très bien dans la veine dramatique décrite par C. Seignolle ou J. -N. Pelen. Mais à Barre, la mort de Figuière et de son ouvrier, un siècle plus tôt, ne relève pas de la légende et elle nous ramène aux déformations que l’aventure de Figuière a subies entre 1762 et 1874. Ne serait‑il pas possible de dater approximativement la " naissance " de la légende barroise de la chèvre d’or ?

Pour cela nous avons reconstitué l’arbre généalogique de la famille Bonnet‑Figuière. Les Bonnet appartiennent à une vieille famille protestante bar­roise. En 1696, Annibal Bonnet est qualifié de " chirur­gien". Son fils épouse, en 1709, une Louise Parlier (mariage consanguin). Annibal " junior ", lui, est apothicaire. Sa fille Gabriel­le Bonnet se marie au " désert " (on disait alors " au camp de l’éternel ") avec Pierre Figuière. De ce mariage naîtront quelques enfants dont Laurent Figuière qui héritera de la " maison au trésor ". Ce dernier épouse - également au " désert " - Anne Valat. Ils n’ont que deux filles : Jeanne Figuière, sourde et muette, et Louise Figuière qui, en 1804, épouse François Pelet (1776 ‑1806).

De ce dernier mariage, un seul et unique garçon (Laurent Scipion) qui meurt en 1832 à l’âge de 27 ans. Avec la mort de Louise Figuière en 1857, c’est l’extinction de cette famille, à Barre du moins car nous savons aujourd’hui que les descendants de Pierre Figuière sont toujours vivants. Jusqu’à une date récente (avril 2006), ils ignoraient le fait-divers de 1762.

Anthony Maurin

Actualités

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio