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Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 16.07.2020 - coralie-mollaret - 4 min  - vu 3130 fois

FAIT DU JOUR Dans le Piémont cévenol, les politiques cigalois déchantent

À Gauche, le maire de Cardet et président de la communauté de communes du Piémont cévenol, Fabien Cruveiller. À droite, le maire de Saint-Hippolyte-du-Fort, Bruno Olivieri (Photo : Coralie Mollaret)

C'est un séisme politique qui s'est abattu sur la communauté de communes du Piémont cévenol. La semaine dernière, le maire de Saint-Hippolyte-du-Fort - la ville la plus importante de ce regroupement - s’est vu privée de sa première vice-présidence (*). En colère, Bruno Olivieri menace de quitter l'intercommunalité... La situation est explosive. 

Jean de la Fontaine avait au moins laissé sa cigale chanter tout l'été... Les habitants de Saint-Hippolyte-du-Fort - les Cigalois - et leur maire, Bruno Olivieri, n'ont plus la tête à chanter depuis le 8 juillet dernier. Au Piémont cévenol, ce dernier a essuyé un véritable camouflet.

Le mercredi 8 juillet dernier, les 34 maires qui forment cette intercommunalité se réunissent au foyer communal de Lédignan. Ils s’apprêtent à jouer « le troisième tour » des municipales avec la désignation de leur président et des 12 vice-présidents. Une formalité, normalement...

Installé par le député Olivier Gaillard en 2017, le président sortant, Fabien Cruveiller, veut rempiler. Une ambition favorisée par un autre élément : il est le seul candidat ! Maire du petit village de Cardet, et ex-candidat aux Régionales de 2015, ce quadragénaire souhaite s’inscrire durablement dans la vie politique gardoise.

Bruno Olivieri, maire de Saint-Hippolyte-du-Fort. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Sans surprise, le Cardésien est réélu président avec 55 voix en sa faveur et deux votes blanc (**). Seulement, l'issue n'est pas la même pour Bruno Olivieri, le maire de Saint-Hippolyte-du-Fort, qui lui aussi remet son titre de vice-président en jeu. « J’ai été sèchement battu avec 20 voix contre 37 pour mon opposant Cyril Moh », se souvient l'édile encore sonné par sa défaite.

Un maire « sèchement battu »

Cyril Moh, qui a essuyé un cinglant revers quelques semaines plus tôt face à Bruno Olivieri pour le poste de maire de Saint-Hippolyte-du-Fort, tient sa revanche. Cette délégation est d'autant plus stratégique qu'elle concerne l’élaboration du Scot, un schéma d’aménagement qui encadre l’urbanisation du territoire. Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, la douzième vice-présidence dédiée à la formation - et réservée elle-aussi à un(e) élu(e) de Saint-Hippolyte - est raflée par Laetitia Gibergues, colistière de Cyril Moh. C'est la bérézina !

Le maire perdant résume la nouvelle situation à l'intercommunalité : « Mes administrés ne comprennent pas : le 15 mars, j’ai été réélu maire dès le premier tour avec 60% des voix. Mais aujourd’hui, au Piémont cévenol, c’est l’opposition qui occupe les places réservées à Saint-Hippolyte dans l'exécutif communautaire !», s'étonne encore celui qui entame son troisième mandat de maire.

Fabien Cruveiller, le maire de Cardet et président de la communauté de communes du Piémont Cévenol. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Le président Cruveiller : « Ils ont payé le prix fort » 

Quelques jours plus tard, le maire de Cardet appelle le malheureux candidat. Les deux hommes se connaissent bien et travaillent en bonne entente depuis 2017 à l'intercommunalité. « Il m’a simplement dit que la démocratie avait parlé. C’est un peu facile… », raconte Bruno Olivieri. Interrogé, Fabien Cruveiller explique ce désaveu par « le comportement de certains membres de la majorité cigaloise. Des élus qui ont défié les choix stratégiques de l'intercommunalité pendant tout le mandat précédent. » Dit de manière plus triviale : ils ont eu ce qu'ils méritaient… 

Hélène Meunier.

Dans le viseur principalement : la première adjointe de Saint-Hippolyte et conseillère départementale du canton du Vigan, Hélène Meunier. L’élue aurait été très critique, votant même contre le budget 2019. « En fait, le maire de Saint-Hippolyte a toujours été entre les deux. Il faisait le tampon, poursuit Fabien Cruveiller. Mais quand on est vice-président d’une communauté de communes, on se doit de défendre tout le territoire et pas uniquement la commune dans laquelle on est élu. Du coup, ils ont payé le prix fort. » Il concède néanmoins : « On ne pouvait imaginer l’ampleur du sinistre. »

Saint-Hippolyte se substitue à l’intercommunalité

Mais finalement, cet échec de Bruno Oliveri ne serait-il pas une aubaine ? Parce que dans cette intercommunalité, le maire de Saint-Hippolyte ne s'y sent plus vraiment à son aise. « Il y a trop de compétences et nous ne sommes pas d'accord avec les politiques publiques qui sont conduites. Sur l’office de tourisme, par exemple, on a diminué les heures d’ouverture », peste l'édile qui, en réaction, prévoit de créer un bureau des initiatives locales.

Pendant la crise sanitaire, la commune s’est là encore substituée au Piémont cévenol (qui a la compétence développement économique, NDLR) pour commander 30 000€ de chèques à dépenser dans les commerces locaux. Des doublons qui, de fait, ne répondent plus à l’objectif de mutualisation des intercommunalités. 

Bruno Olivieri est en butte à d’autres sujets de discorde. Sur l’extension de l’entreprise Jallatte, leader mondial de la chaussure de sécurité installée dans sa commune de 4 000 habitants, il s'emporte : « Au départ, l’intercommunalité ne voulait pas étendre notre zone d’activité "Les Batailles". On m’a même répondu que Jallatte n’avait qu’à aller s’installer à Sauve ! »

Bruno Olivieri, « un cœur à prendre »

Fabien Cruveiller réfute l'accusation : « Moi, j’attends que la société me donne son accord et on lance les travaux ! On est prêts ! » Et de poursuivre en assurant que « les intérêts de toutes les communes seront préservés, y compris ceux de Saint-Hippolyte qui accueillera bientôt un pôle jeunesse. » Une projet estimé à 1,5 M€. « Le problème, c’est que le dossier traîne depuis quatre ans », critique de nouveau le maire.

Bruno Olivieri, maire de Saint-Hippolyte-du-Fort. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Dans cette tumultueuse relation, le Cigalois cherche à rompre son mariage. Se définissant comme « un cœur à prendre », Bruno Olivieri attend « les propositions d'autres territoires pour quitter le Piémont cévenol. » Remonté, il soutient même que « l’avenir de Saint-Hippolyte n’est plus au Piémont cévenol.» Toutefois, l’ex-rapporteur de la CDCI (Commission départementale de la coopération intercommunale) sait que l'affaire n'est pas aussi simple.

Avant de signer les papiers du divorce, plusieurs conditions sont à remplir : continuité territoriale avec le territoire d’accueil, une majorité d’élus du territoire d’origine d'accord avec la décision... Comme un couple qui ne sait plus où il en est, le maire Olivieri et le président Cruveiller ont prévu de se revoir dans une dizaine de jours. Une sorte de dernière chance. Ce jour-là, ils choisiront de rompre définitivement leur histoire ou de repartir sur de nouvelles bases. Et, sait-on jamais, peut-être que les Cigalois se remettront à chanter...

Tony Duret et Coralie Mollaret 

* Une communauté de communes est un regroupement de communes qui mettent en commun une partie de leurs recettes fiscales pour exercer certaines compétences mutualisées comme le développement économique, la culture, le ramassage des déchets, etc. 

** La communauté de communes du Piémont cévenol compte 22 000 habitants répartis dans 34 communes et s'étend sur 43 000 hectares. Elle compte 57 conseillers communautaires. Son budget de fonctionnement est de 13 millions d'euros et de 5 millions en investissement. 

Coralie Mollaret

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