Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 25.11.2020 - thierry-allard - 4 min  - vu 605 fois

FAIT DU JOUR Pour les commerces « non-essentiels », il est urgent de ne plus attendre

Emmanuel Rullier, cogérant de la Librairie Occitane, à Bagnols (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Ils attendaient les annonces du président de la République de pied ferme : les commerces dits « non-essentiels », qui avec le reconfinement ont dû baisser le rideau depuis près d’un mois pour faire du drive ou du click & collect, n’ont plus le temps d’attendre.

Finalement, Emmanuel Macron a annoncé ce mardi soir que les commerces qui avaient dû fermer lors du reconfinement pourront rouvrir à partir de samedi, une réouverture accompagnée d'un protocole sanitaire strict.

Nous sommes allés recueillir les témoignages et les inquiétudes de ces commerçants un peu partout dans le département. Dans des villes différentes et des secteurs d’activité différents, tous se disent impatients de pouvoir rouvrir à l’aube d’un mois de décembre qui pourrait bien s’avérer décisif.

Ce mardi en fin de matinée, à la Librairie Occitane les rayons sont encombrés par de nombreux cartons et nous arrivons en même temps que le livreur. Il s’agit des commandes du jour. Quand on lui demande s’il est prêt à rouvrir, Emmanuel Rullier, qui gère la librairie du centre-ville de Bagnols avec son mari Julien Viteau, répond sans hésiter : « Nous sommes prêts et impatients de rouvrir. Il faut juste qu’on range un peu ! »

Si sa librairie est pleine de cartons, c’est que l’activité ne s’est jamais arrêtée pendant ce deuxième confinement. « C’est une façon différente de travailler, explique-t-il. Ce sont des mails et des coups de téléphone sans arrêt. Je n’ai pas arrêté. » Car non, « les clients n’ont pas du tout déserté, affirme le libraire. La différence c’est que tout le monde passe par la case commande. D’habitude c’est 50 % commande, 50 % de clients flâneurs. » La différence, c’est aussi que « ça nous demande plus d’énergie. »

Un constat partagé par Maël Cousinier, gérant du magasin la Casa’Jeux, à Alès. « La difficulté c’est que la moindre vente prend beaucoup plus de temps. La débauche d’énergie est supérieure à d’habitude alors que je n’avais déjà pas l’impression de chômer, affirme-t-il, lui qui fait du drive et de la livraison. Et au final, quand on voit le résultat ça m’écœure. J’ai vendu trois fois moins qu’en novembre 2019. » À la Librairie Occitane aussi « ce mois de novembre est moins bon que celui de l’an dernier », avance Emmanuel Rullier, qui ne se plaint pas pour autant : « Ça va ! On a limité les dégâts. » Les commandes scolaires de nombreux professeurs du secteur passant par la librairie a aussi permis de limiter la casse.

« Là, il est urgent que ça reparte »

Pour d’autres, ce deuxième confinement inquiète. « La situation s’est encore aggravée par rapport à cet été. On n'a le droit à aucune aide en dehors du chômage partiel et du prêt garanti par l’État, explique Guillaume Journel, PDG de l’enseigne de maroquinerie et bagagerie ''Bleu Cerise'', basée à Vauvert, leader national de son secteur d'activité. On attend plus de l’État : l’annulation ou le report de charges pour préserver l’emploi. Depuis le début de la crise, on a perdu 40% de notre chiffre d’affaires, nous avons réalisé une vingtaine de ruptures conventionnelles (sur 102 salariés, ndlr). On est encore dix de trop et nous allons sûrement devoir mettre en place un plan de licenciement en début d’année. »

Guillaume Journel, PDG de "Bleu Cerise" (Photo d'archives : Boris Boutet / Objectif Gard)

Pour "Bleu Cerise", la situation est grave. « Aujourd’hui on essaye de sauvegarder notre entreprise, pose le PDG. On réduit les amplitudes horaires. Heureusement que la gestion était saine, mais là, il est urgent que ça reparte. »

Autre secteur, autre son de cloche. « On a eu un mois pour se reposer avant le rush des fêtes de fin d'année, ironise Benoît Kopp, du salon de coiffure Paul, à Uzès. Cette période représente habituellement 30% de notre activité annuelle. Cette année, ça va être plus intense car il y aura le retard à rattraper avec tous ceux qui n’ont pas pu se faire couper les cheveux pendant le dernier mois. » Pour faire face au surcroît attendu d’activité à la réouverture, le coiffeur envisage même de prendre un apprenti. Reste que pour lui aussi, « niveau finances, ce n’est pas évident. On attend de toucher les aides pour limiter la casse. On est propriétaires de nos murs, c’est déjà ça. Beaucoup de confrères locataires sont en grande difficulté. »

« S’il faut prendre rendez-vous avec les clients qui veulent acheter une valise ça va être compliqué »

La fermeture de leurs commerces, qualifiés avec tact de « non-essentiels » par les autorités, certains ne le digèrent pas. Maël Cousinier l’a mal vécue : « On a eu l’impression d’être les rejetés, les laissés-pour-compte », tonne-t-il. Surtout pour ceux qui, comme lui, n’ont pas de site Internet. La Casa’Jeux a dû se contenter du bon vieux téléphone et des réseaux sociaux, en attendant de disposer de son propre site, en cours d’élaboration. « J’avais mis mes articles sur la plateforme Alès of Courses (une plateforme de vente en ligne pour les commerces alésiens, ndlr) mais ça a peu marché, affirme-t-il. J’ai discuté avec des collègues propriétaires de magasins de jeux, ils avaient déjà un site web fonctionnel et ils ont beaucoup moins ressenti les effets du confinement. Leurs pertes sont moindres. »

Maël Cousinier, gérant de la Casa'Jeux, à Alès (Photo : Corentin Migoule / Objectif Gard)

Comme les autres commerces, Maël Cousinier attend la réouverture avec impatience, « mais je l’appréhende un peu car je suis déjà sur les rotules », ajoute-t-il en riant, alors que le mois de décembre est « un mois qu’on n’a pas envie de rater. » Un mois d’incertitude aussi : « On est totalement dans l’inconnu, explique-t-il. C’est impossible de savoir si on va se faire massacrer ou si beaucoup de gens vont se contenter de faire leurs achats en ligne. La grosse difficulté est là : la gestion des commandes et des stocks. »

Autre difficulté : les conditions sanitaires dans lesquelles les magasins vont pouvoir rouvrir. « On espère une réouverture sans trop de contraintes d’exploitation, note le PDG de "Bleu Cerise". S’il faut prendre rendez-vous avec les clients qui veulent acheter une valise ça va être compliqué. » Du côté de la Librairie Occitane, « nous sommes prêts à de nouvelles conditions plus drastiques, affirme Emmanuel Rullier. Après, il est rare qu’on ait 15 personnes en même temps dans la librairie, sauf peut-être en décembre à l’approche de Noël. Si c’est le cas, on s’adaptera. On aimerait avoir ce type de problème ! » En attendant, chacun se prépare à rouvrir, en effectuant un dernier coup de ménage et en faisant du rangement. Ensuite, « on va espérer que les gens viendront nombreux », conclut Maël Cousinier.

Corentin Migoule, Boris Boutet et Thierry Allard

Thierry Allard

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