Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 26.03.2021 - anthony-maurin - 6 min  - vu 2736 fois

FAIT DU JOUR Quand la crise s'éternise, la restauration et les bars avisent

En cuisine (Photo Anthony Maurin).

La convivialité des bars et des restaurants manque aux Gardois (Photo Objectif Gard)

Depuis le début de la crise sanitaire, on entend parler de la situation des bars et des restaurants. Fermés depuis la fin du mois d'octobre, ces établissements souffrent mais demeurent confiants.

Aux quatre coins du Gard les restaurants et les bars ont l'habitude de nous faire vivre des moments festifs. C'est hélas fini depuis le début de la crise sanitaire qui court encore et qui déstabilise la profession et tout ce qui gravite autour d'elle. Où en est-on aujourd'hui ? Les aides étatiques sont-elles bien arrivées ? Comment gérer les stocks sans plus de hauteur de vue ? Quel est l'impact économique de la crise sur les chiffres d'affaires ? Comment se passent les relations avec les fournisseurs ? Tant de questions que nous avons posées à quelques professionnels gardois.

Pas mal de monde devant "Les 3 Brasseurs" pour la grande braderie de la bière (Photo Archives Corentin Corger).

Aux "3 Brasseurs", à Nîmes, "On ne peut pas vraiment savoir si tout va bien, mais on essaie de faire en sorte que ça aille ! Nous faisons partie d'une chaîne donc il n'y a eu aucun souci pour les aides. Depuis lundi dernier, nous avons rouverts en clic&collect, en vente sur place, à emporter ou en livraison. C'est nouveau. Nous avons aussi organisé la grande braderie de la bière où nous avons vendu 1 500 litres !", explique Patrice Castelbou, qui espère "pouvoir ouvrir sous 48 à 96 heures" une fois que l'État leur aura permis. Mais cela implique d'autres questions. "Nous avons une cinquantaine de salariés et il nous faut prendre le temps de nous organiser. Il faudra aussi que le matériel puisse redémarrer correctement, mais je suis optimiste car nous voyons déjà revenir nos clients depuis lundi. Nous sommes pressés de rendre ce lieu vivant comme il a pu l'être ! La reprise se fait dans la joie mais pour nous c'est un nouveau métier. On se remet en cause tous les jours et on devrait même conserver ces services une fois la crise terminée. C'est une excellente solution pour les clients craintifs", assure Patrice Castelbou. Les 3 Brasseurs ont une capacité de plus de 400 places, la clientèle peut être sûre que la réouverture se fera dans les règles (sanitaires) de l'art !

Comment prévoir l'avenir ?

Toujours à Nîmes, le O’Flaherty’s a fermé ses portes le 30 octobre 2020. Cinq mois plus tard, Hervé Hours, le patron du pub nîmois, est toujours dans l’incertitude : "On tourne en rond et on n’a pas de visibilité". Ce dernier a choisi de ne pas faire de repas à emporter : "Il faut payer les marchandises et ce n’est pas forcement rentable". S’il n’y a pas eu trop de perte sur la partie restaurant - puisque l’équipe avait anticipé la fermeture - ce n’est pas le cas des boissons dont une partie pourrait terminer à la poubelle : "Les dates de péremption de certains sodas et des jus de fruits vont finir par être dépassées", regrette Hervé Hours.

Le O'Flaherty's à Nîmes (photo Norman Jardin)

Le bar reçoit des aides de l’État qui permettent de couvrir une partie des frais fixes (assurances, factures, contrats...) Les neuf employés du pub irlandais sont au chômage partiel, dans l’attente de la réouverture. Si le patron a hâte de retrouver son activité, il s’interroge sur les protocoles qui seront mis en place : "Tout est flou, et selon les règles cela ne vaut pas le coup d’ouvrir." À O’flaherty’s comme ailleurs, les prochaines décisions gouvernementales détermineront s’il sera bientôt possible, à Nîmes, de boire une bonne bière au son de la musique celtique.

D'ici là, on attend...

Pour Aurélie Bonnet, du restaurant "Épices et tout" à Alès, il vaut mieux s'armer de patience : "Notre restaurant est fermé depuis fin octobre, soit plus de cinq mois. C’est long ! Heureusement qu’on a des aides de l’État qui permettent de nous maintenir, sinon on ne tiendrait pas. Tant qu’on en bénéficie, on peut s’en sortir car on est une petite entreprise avec deux employés, mais ça doit être plus compliqué pour d’autres. Ce qui nous fait du bien, c’est qu’on fait de la vente à emporter tous les vendredis soir, ça nous occupe et on garde le moral. Surtout que nos clients jouent le jeu et nous soutiennent. Je suis vraiment reconnaissante envers eux. Le plus dur, finalement, c’est que le temps est long et qu’on ne peut pas se projeter. Nous, on pense que la réouverture ne se fera pas avant début juin puisque les beaux jours arriveront et qu’il y aura une avancée sur les vaccins. D’ici là, on attend… "

Aurélie et Quentin Bonnet du restaurant Épices et tout (Photo Archives Tony Duret / Objectif Gard).

À Bagnols et ses alentours, on ne présente plus Patrice Bianchi, propriétaire du bar "le Posterlon", à Bagnols, de la boîte de nuit "le Toto Club" à Saint-Laurent-de-Carnols ou encore du "Café du Midi" à Goudargues. Autant d’établissements à l’arrêt depuis un moment donc, surtout la boîte de nuit : "ça fait treize mois", souffle-t-il. Heureusement, "les aides suivent, pour le moment on n’a pas à se plaindre."

Faire la loi ou profiter de sa famille

À jeun de la moindre information, il compte sur le beau temps pour envisager une réouverture, d’abord en terrasse, et s’inquiète des conditions de cette future réouverture : "s’il me faut faire le shérif, ça ne va pas être évident." On imagine pourtant difficilement une réouverture sans mesures barrières à faire respecter. Côté discothèque, la difficulté réside dans l’assurance. "Il n’y a qu’un seul assureur pour les boîtes de nuit, qui a décidé de zapper l’assurance perte d’exploitation. Nous sommes un certain nombre à nous être rassemblés et à l’attaquer au tribunal", affirme Patrice Bianchi. Il n’y a pas que ça qui l’ulcère : les soirées clandestines, qui fleurissent dans le coin, lui donnent le goût désagréable du deux poids deux mesures entre ceux qui jouent le jeu et les autres. En attendant de reprendre, Patrice Bianchi refait la peinture du Posterlon et "profite de (ses) enfants et de (sa) maison." 

Patrice Bianchi, gérant du Toto Club, à Carsan, et du bar le Posterlon, à Bagnols (Photo Archives : Thierry Allard / Objectif Gard).

Installé en centre-ville de Vauvert avec son "Père casse-croûte", Ollivier Menanteau a vu son activité considérablement modifiée par la situation sanitaire. "J’ai dû me séparer de mon salarié et je ne travaille plus qu’avec des CDD saisonniers. J’ai pris la décision d’arrêter définitivement le service à table. Je vais profiter des prochaines semaines pour faire quelques travaux et me préparer à faire de la vente à emporter. Je sens qu’il y a une grosse demande en ce sens de la population. L’idée, par contre, est de continuer à proposer une cuisine locale. Les nouvelles générations y sont de plus en plus sensibles. "

À Aigues-Mortes, le "resto pique-nique" a le vent en poupe. Lancé l’été dernier par Audrey Didier et Nicolas Épiard, le concept de resto pique-nique prend de l’ampleur à Aigues-Mortes. "L’an dernier, ça avait pris un petit peu mais les établissements étaient ouverts ce qui a limité son développement, estime Audrey Didier. Comme en 2020, nous prêtons des tables pliables à nos clients qui peuvent s’installer en extérieur. Ces dernières semaines, les beaux jours arrivants, le resto pique-nique a de plus en plus de succès. Aigues-Mortes accueille de nombreux visiteurs les week-ends. Entre le "resto chez vous" et le "resto pique-nique", nous arrivons à peu près à nous en sortir en attendant des jours meilleurs."

"Le musée Haribo de la bière pression !"

Pas de table pique-nique chez Tom Graisse, qui est à la tête depuis 15 ans de "Terroirs", place aux Herbes, à Uzès, mais le gérant a su s'adapter. Il sert café, chocolat chaud, verre de vin et bière à emporter ainsi que des plats dans des boxes en carton. "On voit que la clientèle n'en peut plus d'attendre. Devant leur boisson, ils sont comme un gamin devant son nounours. On est le musée Haribo de la bière pression", lance le gérant. En plus de la table, il poursuit les ventes de la boutique et la cave. Là encore, les consommateurs mettent la main au porte-monnaie, même plus que d'habitude : "Ils ne peuvent plus se faire plaisir au restaurant, alors ils se font plaisir chez eux avec une bonne bouteille. Il y a une montée en gamme."

À "Terroirs" à Uzès, les clients peuvent prendre un café, une bière ou un verre de vin à emporter. (photo P. Dt.)

Même si son chiffre d'affaires est à -60%, Tom Graisse s'y retrouve avec l'emporter, la boutique et les aides. "J'ai presque honte des fois... Je pense aux jeunes qui viennent d'investir dans un resto et qui n'ont pas le droit aux aides." Comme les autres restaurateurs, il attend une réouverture qui s'annonce très désirée. Mais il s'inquiète des indicateurs épidémiques à la hausse dans le Gard qui pourraient retarder l'échéance. Il avance : "Comme l'année dernière, je mise sur juin. On se prépare car la saison 2020 avait été courte mais grosse". C'est au moins tout ce qu'on leur souhaite pour 2021 !

Tony Duret, Norman Jardin, Thierry Allard, Boris Boutet, Marie Meunier et Anthony Maurin

Le restaurant aigues-mortais La Table de Nicolas propose des tables de pique-nique à ses clients. (Photo Boris Boutet)

Les 3 Brasseurs - 950 Ancienne Route de Générac - 30 900 Nîmes. Tel : 04 66 75 77 60

O’Flaherty’s - 21 Boulevard Amiral Courbet - 30 000 Nîmes. Tel : 04 66 67 22 63

Épices et tout - 15, avenue Carnot – 30 100 Alès. Tel : 04 66 52 43 79

Café-Bar le Posterlon - 1, Place du Posterlon - 30 200 Bagnols-sur-Cèze. Tel : 04 66 89 93 96

Le Père casse-croute - 14 Rue des Casernes -  30600 Vauvert. Tel : 06 16 66 05 74

Le resto pique-nique - 28, rue Alsace Lorraine - 30 220 Aigues-Mortes. Tel : 04 34 28 04 84

Les Terroirs - 5, place aux Herbes - 30 700 Uzès. Tel : 04 66 03 41 90

Anthony Maurin

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