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Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 16.04.2021 - corentin-migoule - 5 min  - vu 837 fois

FAIT DU JOUR Épisode de gel : un plan de sauvetage pour éviter le naufrage

La problématique de l'eau a été abordée jeudi matin lors de la visite des élus de la Région à la cave de Cruviers-Lascours. (Photo Corentin Migoule)

Une semaine après un violent épisode de gel qui a entamé l'essentiel des cultures gardoises et mis à mal toute une filière, les élus de la Région poursuivent leur tournée des professionnels du secteur. Un plan d'urgence sera voté ce vendredi matin avec une potentielle aide de 5 millions d'euros.

Se relever ou jeter l'éponge ? Sauver les meubles ou tout arracher ? Des questions qui trottent dans les têtes de nombreux agriculteurs gardois depuis une semaine à l'heure de trouver le sommeil. Il faut dire que le violent épisode de gel qui a fait descendre le mercure jusqu'à -7°C jeudi dernier au petit matin va laisser des traces. Certains viticulteurs et arboriculteurs du département ont perdu l'intégralité de leur exploitation lors de cette nuit blanche passée à allumer des feux qui n'ont pas évité la gelée noire.

Alors huit jours après, l'heure est à l'union sacrée. Ce vendredi matin, la Région va voter une aide exceptionnelle à destination des viticulteurs et arboriculteurs à partir des doléances qu'elle a recueillies tout au long de la semaine auprès des professionnels du secteur. C'est ainsi qu'hier matin, Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie, et Aurélie Genolher, conseillère régionale, ont fait escale aux Claux des Tourettes, la cave de Cruviers-Lascours.

Le souvenir des aînés, le silence des banquiers

La dégustation des vins locaux n'a pas eu lieu car l'heure n'était pas à la fête à en juger par les mines renfrognées. "On aurait préféré vous accueillir dans d'autres circonstances", a introduit Florent Verdoire, président de la cave. En tant que viticultrice, la conseillère régionale Aurélie Genolher, qui est par ailleurs vice-présidente d'Alès Agglomération déléguée à l'agriculture, s'est dite "consciente de l'événement dramatique" qui s'est produit la semaine dernière. Sur le même ton, Patrick Camroux, vigneron cruscourois, a lui souligné le caractère "inédit" de l'épisode que "même nos aînés au boulevard des allongés" n'ont jamais connu.

Vice-président de la cave, Éric Chaudoreille table sur une perte de 80% et prévient : "Les 20% restants ne suffiront pas pour faire tourner les exploitations et les coopératives qui vont devoir faire appel au chômage partiel." Pour éviter le naufrage, Patrick Camroux réclame "un plan de sauvetage" et "le plus vite possible." Sinon, le dilemme se posera pour beaucoup : "Est-ce qu'on remet en route le vignoble ou on l'abandonne ?" Car depuis le début de l'ère covid, le vigneron cruscourois fait face au "silence des banquiers" qui n'en sortent "que pour venir réclamer le paiement des cotisations."

Ne pas lésiner sur les moyens

Parce que la Région "ne va pas inventer des mesures", cette phase de diagnostic auprès des professionnels du secteur avec lesquels sera "co-construit le plan de sauvetage" est apparue essentielle aux yeux de Jean-Luc Gibelin qui, en plus de l'engagement financier, plaide pour "un accompagnement humain à long terme." Mais ces mesures d'urgence qui s'apprêtent à être votées avec une enveloppe estimée à hauteur de 5 millions d'euros ne feront pas tout : "On accueillera à bras ouverts tout ce que la Région nous donnera, mais la MSA (Mutualité sociale agricole) nous en prendra 40% alors qu'elle ne passe pas 40% de notre temps de travail sur nos parcelles", regrette Jérémy Camroux, coopérateur et membre du conseil d'administration du Claux des Tourettes.

Alors que localement, Fabien Fiard, maire de Cruviers-Lascours, promet de "ne pas lésiner sur les moyens pour aider les vignerons", l'assistance a échafaudé des perspectives plus générales autour de l'avenir du "bien manger." Une campagne qui n'a "rien d'opportuniste" d'après Jean-Luc Gibelin puisqu'elle est menée par la Région depuis plusieurs années, "bien avant l'apparition du covid." Insister sur "le consommer local" apparaît comme une condition indispensable à une sortie de crise par le haut selon Éric Chaudoreille, qui annonce une flambée des prix des fruits et légumes dès cet été explicable par leur rareté pour les raisons que l'on connaît.

"Le gel ne fait qu'accentuer une situation déjà compliquée"

Direction Caissargues, ce jeudi après-midi, dans les vergers de Bertrand Gassier. Un autre représentant de la Région, en la personne de Vincent Labarthe, est venu fouler ses terres pour prendre la température chez les professionnels impactés par l'épisode de gel de la semaine dernière. Son collaborateur gardois, Fabrice Verdier, Magali Saumade, présidente de la Chambre d'agriculture du Gard et David Sève, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles, l'accompagnent. "C'est bien la première fois que j'ai autant d'autorités du monde agricole chez moi, alors je vais en profiter", a lâché l'arboriculteur et président de la société Fruits&Compagnie. Et de poursuivre : "Il y a 30 ans, on produisait 450 000 tonnes de pêches en France. Aujourd'hui, nous en sommes à 200 000 tonnes. Finalement, notre principale problématique, ce n'est pas le gel, mais plutôt la main d'oeuvre - comment la loger ? - les ressources en eau, la réglementation de l'utilisation des produits phytosanitaires. Il faut rappeler que le métier d'agriculture c'est de faire à manger, ce n'est pas un jouet pour les écolos. Et puis il y a la concurrence avec l'Espagne, l'Italie... Le gel ne fait qu'accentuer une situation déjà compliquée."

Vincent Labarthe, vice-président de la Région Occitanie, Fabrice Verdier, conseiller régional et Magali Saumade, présidente de la Chambre d'agriculture du Gard, autour de l'arboriculteur, Bertrand Gassier. (Photo : Stéphanie Marin/ObjectifGard) • Romain CURA

Ceci étant dit, Bertrand Gassier a fait un point de situation sur son exploitation. Les pertes dues au gel sont pour l'heure estimées à 70%. Sur 10 hectares de pêchers, 350 tonnes de fruits sont bonnes à jeter à la poubelle. Si ses prévisions sont exactes, il devrait pouvoir en récolter 360 tonnes. "Je ne vais pas me plaindre, certains ont tout perdu, il faut les aider", a lancé l'arboriculteur. Le Caissarguais a redoublé d'efforts financiers et physiques, aidé par ses équipes, pour protéger ses jeunes fruits incapables de résister à de telles températures. En plus des bougies - 3 000 euros par hectare, sans compter la main d'oeuvre - une tour à vent a été activée pour lutter contre le gel. Un dispositif installé il y a trois ans au mas de Nages et dont le coût s'élève à près de 50 000 euros.

La tour à vent installée il y a trois ans dans les vergers de Bertrand Gassier à Caissagues. (Photo : Stéphanie Marin/ObjectifGard) • Romain CURA

"Cet outil me fait réfléchir sur les dispositifs qu'on a actuellement et clairement cet investissement pourrait y rentrer. Mais aujourd'hui, réglementairement ce n'est pas permis. Donc il faut qu'on fasse évoluer la réglementation nationale et européenne pour pouvoir l'autoriser et déployer ce type d'équipements beaucoup plus vite", a réagi le vice-président à la Région, Vincent Labarthe. Et de poursuivre : "Nous allons voter une aide exceptionnelle de 5M€. Au vu des pertes, c'est un chiffre qui peut paraître bien peu, mais c'est ce que la Région a la capacité de faire. Et c'est la raison pour laquelle on veut essayer de créer un dispositif global avec les partenaires qui permette à ceux qui sont le plus touchés par cette crise de pouvoir se redonner des perspectives." Selon la Chambre d'agriculture du Gard et la FDSEA 30, et d'après les premières évaluations, la perte de chiffre d'affaires liée à cette épisode de gel représente 400M€ sur le département. Les deux organisations ont remis leurs doléances au représentant de la Région Occitanie.

Corentin Migoule et Stéphanie Marin

Corentin Migoule

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