Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 23.04.2021 - anthony-maurin - 5 min  - vu 2672 fois

FAIT DU JOUR Nîmes a bien été Gauloise avant d'être Romaine...

Au boulot ! (Photo Anthony Maurin).

Des archéologues au travail au pied de la Tour Magne (Photo Anthony Maurin).

Nîmes ne saurait se cantonner à son seul et petit rôle au sein de l'empire romain. Non, on en veut plus. Dans le cadre de fouilles préventives, l'Institut national de recherches archéologiques préventives creuse au pied de la Tour Magne et a découvert quelques surprises gauloises qui prouvent une occupation très précoce de Nîmes par les Volques.

Les Volques arécomiques étaient la tribu gauloise qui habitait Nîmes avant sa romanisation en Nemausus. Rien de nouveau... Enfin pas tout à fait car on avait du mal à comprendre le passage de l'époque gauloise à une romanisation intense des Nîmois. On en sait plus !

Ghislain Vincent et Jean-Yves Breuil (Photo Anthony Maurin).

On ne revient pas sur le fait que les Volques arécomiques habitaient le Languedoc oriental et qu'ils furent les premiers nîmois... parole ! " Les niveaux les plus anciens remontent au VIè siècle avant JC. Nous sommes ici à l'intérieur de la ville à partir du IVè siècle avant JC, peut-être même dès le Vè ! Le site devait alors ressembler à des petites terrasses qui surplombaient les parties plus basses de la ville " attaque Ghislain Vincent, archéologue responsable scientifique qui mène les fouilles pour l'Inrap. Un haut lieu de la vie locale de l'époque.

La trace d'un dolium (des dolia) (Photo Anthony Maurin).

Pour Jean-Yves Breuil, directeur technique et scientifique de l'Inrap, " les fouilles préventives ne sont pas toujours évidentes... Ça veut dire qu'un aménagement est prévu sur un site que l'on doit sauver par l'étude de son histoire. Ici, une construction des Villégiales va être érigée. Nous étions déjà venus faire un premier diagnostic il y a de nombreuses années mais comme la DRAC veut une fouille, l'aménageur la paie et nous fouillons. " Les fouilles, entreprises le 11 janvier dernier, s'étalent sur cinq mois et comptent une dizaine d'archéologues sur site.

La voie pavée dégagée (Photo Anthony Maurin).

" Nous sommes au coeur de la ville de Nîmes. Classiquement, on a du romain mais là, en plus, on a du gaulois et donc la filiation entre le monde gaulois et le monde romain, une sorte d'acculturation entre ces deux mondes qui se suivent. Cet enchevêtrement s'est étalé sur 150 ans. Il n'y a rien d'emblématique sauf peut-être la voie pavée qui a été découverte ! " annonce Jean-Yves Breuil. Une voie large de trois mètres et qui, de parts et d'autres, avait des abords aussi larges qui donnaient de l'envergure à l'ensemble. Actuellement, la voie pavée a été dégagé sur une vingtaine de mètres et pourrait bien comporter, sur un de ses bas-côtés, un autel votif. Oui, la sortie des remparts était proche et le monde extérieur faisait peur. Cette route entièrement pavée de pierres rectangulaires et taillées est encore une rareté dans le monde romain. De plus, ces pierres viennent certainement droit de la très proche carrière de Roquemaillère !

La voie pavée (Photo Anthony Maurin).

De son côté, Ghislain Vincent est heureux car les fouilles s'étendent sur 3 000m².  " Nous sommes sur la partie la plus ancienne de Nîmes, une des parties les plus importantes grâce à cette belle opportunité de fouilles. Nous ne nous attendions pas à un tel niveau de conservation de la ville gauloise. Finalement, c'était un quartier, pour l'époque, densément peuplé. On a de beaux espaces, au moins trois habitations, des lieux de stockage avec des dolia (NDLR grosses amphores de plus de 1000 litres) un bassin ornemental, des fours à céramiques... Une sorte d'héritage de la protohistoire de la ville, comme quand vous allez à Nages sur l'oppidum et que vous regardez le plan urbain. Ici, on a les mêmes plans, le même schéma gaulois qui, au fur et à mesure du temps, devient méditerranéen avec des maisons dont la cour est l'espace central. "

Au fond à gauche, les briques de terre crue, au fond à droite, le four à galettes (Photo Anthony Maurin).

Chose plus étonnante encore, les Volques arécomiques géraient parfaitement l'écoulement des eaux. Le terrain a été adapté à la vie, à la culture, comme on le fait toujours dans nos Cévennes, par le biais de petites terrasses. Des enduits, de la deuxième époque pompéienne (NDLR  50 avant JC), semblables à ceux de la Verrerie à Arles, ont aussi été retrouvé mais dans un état de conservation relativement mauvais. " On a même un four à galettes intact comme on peut le voir encore au Moyen-Orient. Vous savez, ces fours où l'on colle la pâte aux parois pour la faire cuire rapidement ! C'est la première fois que l'on en retrouve un entier à Nîmes, en fait, on a comme une cuisine en l'état. Si on vide le four de la terre qu'il contient, on pourrait le faire fonctionner ! Il y a aussi des amphores enterrées qui accueillaient les arbres d'un jardin d'agrément " avoue Ghislain Vincent qui a des yeux d'enfants devant ce bien joli chantier.

Le chantier est vaste (Photo Anthony Maurin).

Autre difficulté du chantier de fouilles, les constructions gauloises étaient bâties en briques de terre ou d'argile crue. Même si les fondations sont en pierre, les murs et les toits ne peuvent résister aux outrages du temps. Heureusement, quelques murs, effondrés, conservent les briques intactes entre les couche de terre que les successeurs ont remis dessus. Pour Jean-Yves Breuil, " Oui, Nîmes est avant tout gauloise ! Ici on voit nettement que le gros oeuvre est typique des Gaulois et il le reste jusqu'au premier siècle de notre ère. On voit ici une réminiscence gauloise forte.

Quelques enduits (Photo Anthony Maurin).

Tel les laraires romains, les archéologues ont trouvé à Nîmes des petits autels dédiés dieux locaux. Ils éloignaient le mauvais sort, à la manière d'anges gardiens. On y faisait brûler de l'encens ou on y pratiquait quelques offrandes aux déesses du cru. Idem pour le triclinium mis au jour. Cet espace luxueux situé en fin de maison, avec des enduits et divers marbres du bassin méditerranéen a des banquettes qui servaient à manger ou à recevoir. Nous sommes à l'époque augustéenne, vers l'en 0.

Près de la voie pavée, l'emplacement d'un potentiel autel (Photo Anthony Maurin).

N'oublions pas que nous sommes dans les hauteurs de la ville et du mont Cavalier. Le castellum aquae, qui était l'arrivée de l'aqueduc du Pont du Gard, était situé bien plus bas que ces maisons... comment avaient-elles l'eau ? Pourquoi ont-elles été construites ici, loin de cet élément majeur de la vie courante ? Dans un petit bassin d'agrément à peine dégagé, des petites tesselles en pâte de verre ont aussi été découvertes, signe supplémentaire de richesse, de luxe et d'abondance. En terre aride, avoir de l'eau était important pour l'image de la famille.

Plus d'un corps (d'un Protestant) enterrés pendant les guerres de religion ont été retrouvé (Photo Anthony Maurin).

Dans un tout autre registre, sept corps de l'époque moderne, en date du XVIIIè siècle, de tous les âges et des deux sexes, ont révélé le lourd passé sanglant des guerres de religion. Les archéologues pensent que des Protestants ont été enterré ici alors qu'ils étaient persécutés et interdits de cimetière "public". " On ne vient pas souvent fouiller de ce côté de la ville mais pour une fois on a tous les niveaux depuis les débuts de la cité. Pour un chantier long de cinq à six mois, je sais que nous aurons environ deux ans pour rendre notre rapport ! " conclut Ghislain Vincent.

Le vaste chantier avec au loin la Tour Magne (Photo Anthony Maurin).

Le passé de ce quartier urbain de la ville s'éclaircira prochainement. Le plan en lanières est clair. Des espaces publics, des voies plus ou moins étroites et embellies, des zones privées plus ou moins luxueuses, un excellent drainage des eaux pluviales... Les romains ont simplement repris ce que les gaulois savaient faire de mieux et l'ont arrangé à leur sauce ! Une dernière question se pose. Avec la proximité de la Tour Magne, on pourrait croire que le rempart qui entourait la ville passait par là. Non, peut-être aura-t-on la réponse lors d'une prochaine session de fouilles non loin de là !

Comme le site ne pourra pas être ouvert à des visites publiques, des brochures explicatives seront mises à la disposition des curieux qui passeront aux portes du chantier.

Jean-Yves Breuil et Ghislain Vincent (Photo Anthony Maurin).

Une plaquette en os (Photo Anthony Maurin).

Le plan global (Photo Anthony Maurin).

Le plan gaulois (Photo Anthony Maurin).

Le plan romain (Photo Anthony Maurin).

Les proxum, semblables au laraires romains (Photo Anthony Maurin).

Le célèbre As de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Un très important fragment de poterie grecque... Rare à l'intérieur des terres ! (Photo Anthony Maurin).

Vue d'ensemble du chantier de fouilles (Photo Anthony Maurin).

Ghislain Vincent et Jean-Yves Breuil (Photo Anthony Maurin).

La voie romaine (Photo Anthony Maurin).

Le petit bassin d'ornement (Photo Anthony Maurin).

(Photo Anthony Maurin).

La Tour Magne (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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