Publié il y a 1 an - Mise à jour le 01.11.2022 - marie-meunier - 4 min  - vu 939 fois

FAIT DU JOUR La Toussaint fait-elle toujours recette chez les fleuristes ?

Sophie Donnat est à son compte depuis 1992, et tient actuellement un magasin depuis 2016 aux Angles. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Les fleuristes gardois s'adaptent à la crise. (photo Norman Jardin)

La Toussaint est un moment de recueillement, où beaucoup de personnes viennent fleurir la tombe de leurs proches décédés. Mais est-ce que les Gardois se rendent toujours chez leur fleuriste à cette occasion ? Est-ce que cette tradition perdure ? D'autant que cet automne est marqué par une forte inflation et un pouvoir d'achat en berne. Plusieurs fleuristes témoignent.

À Nîmes, les Halles sont bien garnies de Nîmois qui viennent acheter les ingrédients d’un week-end prolongé et gourmand. Au centre, et idéalement placé, se trouve le fleuriste. Ou plutôt la fleuriste. Ophélie, c’est son prénom et elle travaille ici depuis trois ans maintenant. Aidée par Nina son apprentie, elle s’occupe de ce commerce recouvert de beaux bouquets. « Les chrysanthèmes sont bien parties ce matin », atteste-t-elle. Car dans le cœur de Nîmes, les acheteurs se lèvent tôt. Alors la crise, elle ne la constate pas vraiment dans son activité : « Je n’ai pas remarqué spécialement une baisse des ventes. Il faut dire que nous n’avons pas augmenter les prix, malgré la crise. Pour les chrysanthèmes, nos tarifs varient de 11€ à 26 €. »

« Ce n’est pas la Toussaint qui représente la meilleure période, mais plutôt la fête des mères »

Peut-être faut-il s’éloigner de ce lieu très fréquenté pour trouver les premiers signes de l’inflation. Nos pas nous mènent au "Jardin des fleurs", place de la Bouquerie. C’est Alda qui gère la boutique : « Ce n’est pas la Toussaint qui représente la meilleure période, mais plutôt la fête des mères », assure la commerçante. En cette période, les fleuristes doivent faire face à la concurrence des jardineries mais aussi des vendeurs sur les bords des routes ou devant les cimetières.

Nina et Ophélie travaillent dans les Halles de Nîmes (photo Norman Jardin)

Mais les habitués de ces commerces de centre-ville restent tout de même fidèles. « Je n’ai pas changé mon mode de consommation car ce n’est pas le prix des fleurs qui a le plus augmenté. C’est un petit plaisir dont je ne veux pas me priver », livre Céline, une cliente nîmoise qui repart avec une plante à 7€. Et elle rajoute : « Les fleurs c’est important, notamment pour les personnes âgées. J’achète toujours des roses pour les anniversaires ». À "Carrément fleurs", avenue Georges-Pompidou, on assure des prix minis. Ici, le plus petit bouquet de chrysanthèmes coûte 5,90€.

« Nous commandons moins et nous achetons local quand c’est possible »

« Pour maintenir nos prix attractifs, nous commandons moins et nous achetons local quand c’est possible. Par exemple, les chrysanthèmes viennent d’un producteur du Gard rhodanien. En revanche, pour certaines fleurs, nous nous fournissons aux Pays-Bas », indique Sanaa, la responsable boutique. La jeune femme reconnaît que « les frais ont augmenté avec les transports et l’électricité des chambres froides. Alors on rogne sur nos marges pour ne pas augmenter les prix. »

Sanaa est la responsable de la boutique "Carrément fleurs" à Nîmes (photo Norman Jardin)

Aux Angles, au croisement entre l'avenue du Grand Montagne et celle de la 2e D.B., se dresse le commerce de Sophie Donnat. Un parterre de chrysanthèmes est disposé à l'extérieur, en cette période de Toussaint. Pour autant, cette fête ne fait plus partie des périodes fastes de la maître artisan-fleuriste, qui est à son compte depuis trente ans. "Dans les années 90-2000, je vendais 150 chrysanthèmes, aujourd'hui j'en vends trois fois moins", estime-t-elle. Pourquoi cette baisse ? Selon la fleuriste angloise, "c'est une fête qui s'est un peu perdue pour la profession, il n'y a plus d'entente au sein de l'horticulture. On trouve des chrysanthèmes de partout maintenant : dans les grandes surfaces, dans les magasins de bricolage..." À cela s'ajoute une donnée démographique : les communes de Villeneuve-lez-Avignon et des Angles ont une certaine part de leur population composée de nouveaux arrivants, qui n'ont pas forcément leurs proches enterrés à côté.

Alors pour se démarquer, Sophie Donnat favorise la qualité. Elle achète ses chrysanthèmes dans une production locale à Vers-Pont-du-Gard : "Les fleurs sont deux fois plus belles. Si on les entretient bien, elles peuvent durer jusqu'à décembre ou janvier. On vend vraiment des produits plus costauds dans le temps." Cela s'explique par une période de pousse longue qui a débuté au printemps. Alors que beaucoup de chrysanthèmes que l'on trouve dans des magasins non-spécialisés sont issus "d'une production forcée, sous serre et avec des produits, réalisée en Belgique", pointe Sophie Donnat. Pourtant les chrysanthèmes font partie des rares fleurs qui poussent naturellement dans la région en cette période. Leur prix est donc bien moins impacté par l'inflation car pas besoin d'électricité pour maintenir la serre à température, pas de frais de livraison mirobolants à cause du prix du carburant car le producteur est à proximité...

A contrario, la plupart des fleurs, qui sont cultivées à l'étranger, subissent depuis la sortie du premier confinement des hausses successives. "Avec la crise énergétique, certaines variétés ont encore pris 20% d'augmentation. Au point qu'en Europe, notamment aux Pays-Bas, on va arrêter de produire certaines fleurs, qui vont devenir trop chères. On va donc se tourner vers des fleurs qui poussent avec la chaleur naturelle dans les pays tropicaux", poursuit Sophie Donnat. Elle compte bien continuer à s'adapter pour répondre aux attentes et au budget de ses clients avec des fleurs séchées, des éléments décoratif naturels ou des éléments glanés dans la nature.

Le magasin Florazur, place de l'Abbaye à Alès (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Cette baisse marquée des ventes de chrysanthèmes, Brigitte ne l'a pas remarquée au magasin Florazur de la place de l'Abbaye, à Alès. Elle qui fut propriétaire du magasin, et désormais employée, a 46 ans de recul sur le marché floral. "Sincèrement, on n'avait pas prévu large mais on n'a pas vu de crise, confie-t-elle, tout est parti même plus rapidement que d'habitude." Et effectivement, aucun chrysanthème ni cyclamen n'est posé sur le trottoir devant la vitrine, pas plus à l'intérieur.

Si les affaires ont bien fonctionné, c'est aussi parce que la boutique a su maintenir ses prix. dans une période aussi inflationniste, Brigitte constate que les prix restent corrects pour les plantes. "En revanche, pour les fleurs coupées, ça commence à augmenter", note-t-elle. Les Pays-Bas étant les premiers pourvoyeurs du commerce européen en la matière, le coût du transport commence à se faire sentir. Moins cher que le chrysanthème, le cyclamen continue de voir ses ventes augmenter.

Norman Jardin, François Desmeures et Marie Meunier

Marie Meunier

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