ÉDITORIAL La « tenue républicaine », ou les relents du patriarcat
Après le voile, le « crop-top » ! La tenue vestimentaire des femmes dans l’espace public, encore et toujours, fait débat. Cette fois au lycée avec un sondage réalisé par l’institut Ifop qui en dit long sur la manière dont notre société considère les femmes.
Qu’est-ce qu’une « tenue républicaine » ? Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a affirmé le 21 septembre dernier sur les antennes de RTL que les élèves doivent s’habiller « de façon républicaine », faisant naître plus d’interrogations, voire de sarcasmes, qu’autre chose. Un bonnet phrygien ? Un costume-cravate sombre ? Un uniforme ? Et si on va plus loin, une lycéenne en short et « crop-top » (c’est un tee-shirt qui laisse apparaître le nombril, si vous n’avez pas suivi) est-elle une ennemie de la République ?
On s’égare, mais le dernier épisode en date de ce lamentable débat, le sondage de l’institut Ifop pour le journal Marianne, vient remettre une pièce de 5 francs dans l’obsolète juke-box puritain et réactionnaire. Une série de questions sur les tenues que « les Français » (un panel de 2 000 sur 67 millions, rappelons-le, même si ces 2 000 sont censés être représentatifs de la population) autoriseraient ou interdiraient dans l’enceinte des lycées publics (le « problème » n’a semble-t-il pas cours dans le privé).
On y parle de « pointe des tétons » visible, de « décolleté plongeant » ou encore de « tee-shirt ou débardeur laissant apparaître les bretelles du soutien-gorge. » Le tout accompagné de petits pictogrammes suggestifs, à la paire de seins plus proche de Pamela Anderson époque Alerte à Malibu que de la lycéenne lambda. On voudrait sexualiser le corps d’adolescentes qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Et on voudrait se montrer paternaliste avec elles qu’on ne changerait pas non plus une virgule à la démarche. Dans tous les cas, les femmes sont encore et toujours ramenées à leur corps, et à la condition d’objet de désir masculin qu’il faut couvrir pour ne pas tenter.
Précisons que le fameux sondage de l’Ifop ne propose que d’autoriser ou d’interdire lesdites tenues. Contrairement à nombre de sondages, pas de place pour les traditionnels « Ne se prononcent pas », qui doivent pourtant exister. Comme souvent à notre fantastique époque, pas de place pour la nuance. Et évidemment, cela va sans dire, aucune question dans le sondage sur la tenue des garçons. Même pas une petite en passant, pour faire semblant. Rien.
De quoi en déduire que la société française, qui n’en a certes pas l’exclusivité, reste sacrément patriarcale, et que les puritains de tout poil profitent du moindre interstice pour développer leurs points de vue au mépris de la liberté de s’habiller comme on l’entend. Quand bien même cette tenue ne serait pas « républicaine ». Et comme toujours, ça tombe sur les femmes. Un malheureux concours de circonstances, sans doute.
En attendant, le retour du froid va sonner le glas, temporairement tout du moins, des « crop-top » et autres « décolletés plongeants ». Et, espérons-le, de cette polémique.
Thierry ALLARD
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