Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 31.03.2022 - thierry-allard - 3 min  - vu 981 fois

FAIT DU JOUR Denis Blin, chef cuisinier et agriculteur engagé

Denis Blin cultive ses propres légumes à Castillon-du-Gard (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Denis Blin cultive ses propres légumes à Castillon-du-Gard (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

À la tête de deux restaurants, La Petite Gare à Vers et le Bistrot de Saze, Denis Blin est aussi agriculteur et éleveur à Castillon-du-Gard. Il utilise sa propre production dans sa cuisine. 

« Beaucoup me prennent pour un martien et me disent : ‘comment tu fais ?’ C’est une question de volonté », lance Denis Blin, la petite quarantaine, dans ses champs à Castillon. Il est vrai que le profil de notre Gardois d’adoption détonne : passé par des restaurants prestigieux, comme ceux de Guy Savoy et de Pierre Gagniaire, « des chefs qui ont des vraies valeurs », il a ensuite travaillé en Martinique. 

« J’ai eu un déclic, une prise de conscience, rejoue-t-il. J’ai découvert que l’approvisionnement en produits était cher, et j’ai donc découvert qu’il y avait plein de légumes qu’on ne connaît pas en métropole, ainsi que le plaisir d’acheter en local. » À son retour en métropole, Denis Blin devient consultant, et aide notamment les restaurants à monter leurs cartes. Il y voit souvent des produits venus de loin, parfois de mauvaise qualité, et leur conseille d’acheter en circuit-court. 

Car comme le répète le chef, « ce n'est pas une cuisine compliquée qui va faire la qualité d’une assiette, mais la qualité des produits. Après, oui, il y a le savoir-faire, mais la base, c’est le produit. » Pour le démontrer au mieux, le cuistot se fait agriculteur : il y a cinq ans, il se lance sur une parcelle à Castillon. Engagé, fidèle à ses principes, Denis Blin fait de cette ancienne vigne, à la terre blanche et dévitalisée, un laboratoire à ciel ouvert. 

Ici, « zéro traitement, ni chimique, ni bio », revendique-t-il. Le bio ? « J’ai arrêté car on nous oblige à utiliser les traitements bio, ils n’imaginent pas qu’on peut cultiver sans traiter. » Le cuisinier/agriculteur mise sur la permaculture, en croisant les cultures, en instaurant une rotation des sols et en donnant du repos aux terres éprouvées. Et en utilisant des astuces : sur une parcelle, « on plante de la fève pour décompacter le sol, c’est meilleur qu’un labour », affirme-t-il. Et ça lui permet d’incorporer ses fèves à ses recettes.

Naël Baudemont, cuisinier du Bistrot de Saze, dans ses oeuvres (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Denis Blin se permet simplement d’utiliser de la cendre de bois pour éloigner les limaces et les escargots, et un peu de savon noir contre les pucerons. Et c’est tout. Sur ses terres, après plusieurs années à appliquer cette méthode, « tout ce qu’on plante, ça pousse. » En ce moment, on y retrouve du chou-rave, des blettes, des poireaux, des épinards, trois variétés de salades, de la mâche, du persil, de la sauge, de la ciboulette, du carde… « Et tout part dans les deux restos », précise-t-il, dont les cartes s’adaptent à « ce qu’il y a dans le jardin. » 

C’est une des clés de son modèle, qui permet d’éliminer deux problématiques, la vente d’un côté et l’achat de l’autre : « Ça me coûte moins cher que si j’achetais, pour une qualité meilleure », avance celui qui a fait de la vente directe pendant le confinement, lorsque les restaurants étaient fermés, et qui a dû arrêter faute de clients lorsque le monde a repris sa course. 

Son modèle, il le définit comme tel : « Réfléchir comme le faisaient les anciens, lorsque tout avait une logique. On n’a rien inventé. » Denis Blin se souvient de son grand-père, dans le Loir-et-Cher, qui avait « un cochon, des poules, des canards, des lapins, il était en autosuffisance. » Du reste, notre cuisinier est aussi éleveur, avec une centaine de poules pondeuses, des canards ou encore des poulets de chair, qui suivent le même chemin que les légumes.

Le cuisinier élève ses volailles à côté de ses champs (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Et pour ce qu’il ne produit pas, Denis Blin se fournit localement : le poisson vient d’un pêcheur du Grau du Roi, et le boeuf d’un éleveur d’Arles. Membre actif de l’association des Disciples d’Escoffier, il ne se voit cependant pas comme « un gardien du temple » ni un donneur de leçons, mais s’insurge contre la bouffe industrielle « qui a favorisé la fainéantise de cuisiner et a rendu les gens incultes du palais. » Et soucieux de transmettre ses valeurs, il fait venir ses apprentis sur ses terres « pour ramasser et planter, le produit prend une autre valeur. » 

Reste une question, en suspens depuis le début de cet article : comment fait Denis Blin pour concilier deux métiers extrêmement chronophages ? « Je fais des heures, oui, reconnaît-il. Mais j’en tire une satisfaction personnelle, un plaisir. » On le retrouve dans l’assiette. 

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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