Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 20.04.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 1550 fois

FAIT DU JOUR Hausse du prix des carburants : les pêcheurs du Grau-du-Roi à la cale

Paul Gros livre sa pêche du jour à la criée, au Grau-du-Roi, vendredi 15 avril 2022 (Photo Yannick Pons) - Yannick Pons

Avis de tempête pour les 17 chalutiers et la trentaine de "petits métiers" du port de pêche du Grau-du-Roi. Alors que la hausse du prix du gasoil pénalise déjà leurs rendements, au point d'en bloquer certains à quai, leur avenir reste suspendu à de nouvelles aides du ministère.

Thibault et Romain Meynadier débarquent leur cargaison de poulpes, vendredi 15 avril 2022, dans la matinée, devant la criée du Grau-du-Roi. Mais au-delà du remplissage de leur cageots, les deux frères et associés ont actuellement surtout les yeux rivés sur les prix du gasoil. « Pour les petits bateaux comme les nôtres, le carburant représente déjà environ un tiers de nos coûts. Car, comme nous sommes nombreux sur le port du Grau-du-Roi, il faut souvent aller plus loin pour pêcher, ce qui accroît notre consommation », explique Thibault. « C’est difficile !, confirme Paul Gros, qui rapporte au même moment sa livraison de noisettes de Méditerranée. Mais ça l’est encore plus pour les chalutiers pour qui le gasoil représente 40% de leur chiffre ! »

Avis de mauvais temps

Ainsi, depuis plusieurs semaines, dès que la météo n’est pas optimale, certains bateaux restent à quai. « Pour cette semaine de Pâques, les prix élevés à la vente nous incitent à sortir. Mais ces derniers temps, un simple brin d’air ou un avis de mauvais temps suffisait à contraindre certains à s’abstenir, confirme Jeremy Vargas, président du comité de pêche maritime et d’élevage marin (CPMEM) du Gard. On en vient à hésiter à sortir. Cela m’est arrivé plusieurs fois, lorsque les conditions étaient moyennes, alors que j’aurais dû y aller. Cela nous induit en erreur et génère du stress… » Le capitaine, armateur d'un "petit métier", a ainsi vu son budget carburant doubler en six mois, le forçant à calculer sa rentabilité presque à chaque sortie, afin de pouvoir continuer à honorer ses charges, ses crédits et assurer son salaire.

Thibault Meynadier débarque sa cargaison de poulpes, vendredi 15 avril 2022 devant la criée du Grau-du-Roi (Photo PH)

Au même moment, à l’intérieur des bureaux de la criée, comme tous les matins depuis la flambée des prix, le directeur de la Socomap (Société coopérative des marins pêcheurs) enchaîne les coups de téléphone à ses fournisseurs afin de trouver le carburant le moins cher. « Notre coopérative privée vend le poisson de nos membres mais gère aussi leur approvisionnement en gasoil, ce qui représente environ 90 000 litres par semaine que nous sommes amenés à acheter à Fos, Frontignan, voire Port-la-Nouvelle ou Feyzin ! », pointe Pierre Blanes, en raccrochant.

Coup de pouce

Depuis la hausse soudaine des prix, la coopérative refacture cet approvisionnement sans marge à ses adhérents. En outre, chaque bateau a reçu une première aide ponctuelle de France filière pêche. Comme tout le monde, les pêcheurs bénéficient également de la prime de 15 centimes de l’État, depuis le 1er avril. « Mais celle-ci devait être complétée par une subvention complémentaire de 20 centimes de notre caisse de cotisation, l’Enim. Or depuis le 1er avril, nous l’attendons toujours… Sans coup de pouce supplémentaire, toute la filière se trouvera en danger », prévient Pierre Blanes.

Pierre Blanes, le directeur de la Socomap (Société coopérative des marins pêcheurs) dans son bureau de la criée (Photo : PH)

« Jusqu’ici, la coopérative nous permet d’atténuer l’impact de la hausse puisque nous payons le gasoil entre 70 et 80 centimes par litre. À ce niveau, nous ressentons déjà cet impact sur notre trésorerie et sur notre bénéfice, mais cela nous permet encore de sortir, précise Thibault Meynadier. Mais si ce prix atteint 1€ / L cet été, ça ne vaudra plus le coup, hormis pour le thon, ou à moins de rester au moins deux jours en mer pour rentabiliser le trajet ! » Un niveau qui pourrait même tenter certains pêcheurs à candidater au prochain plan de casse (un plan d’indemnisation des bateaux détruits, Ndlr) prévu fin 2022, par le ministère de la Mer.

Plan de casse

Un vent de soulagement soufflait néanmoins, à l'issue d'une réunion entre les syndicats et la ministre de la Mer, Annick Girardin, vendredi après-midi. « Malgré les élections, nous avons obtenu des avancées : le plafond de 30 000 euros des aides européennes va être augmenté et l’Etat s’est engagé à nous rembourser sur facture 15 centimes par litre réellement consommé, se félicite Jeremy Vargas. C’est un soulagement au moins temporaire car si les prix augmentent à nouveau, cela ne suffira peut-être pas… »

Pierre Havez

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