Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 27.03.2021 - abdel-samari - 6 min  - vu 1087 fois

FAIT DU JOUR La ministre Élisabeth Moreno : "Le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes reste toujours d’actualité"

Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances le 19 octobre 2020 à l'Hôtel du Petit Monaco (Photo : DR Objectif Gard)

Dans le cadre du suivi de la mise en place du "plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023", Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, est en déplacement dans le Gard, ce jeudi 18 mars 2021 pour rencontrer et échanger avec des acteurs associatifs et institutionnels engagés sur ces questions. Elle a accordé une interview à Objectif Gard.

Objectif Gard : Vous êtes en déplacement dans le Gard ce jeudi. Pour quelles raisons ?

Élisabeth Moreno : Je me réjouis de me rendre dans le Gard, un département magnifique à la lisière entre le Languedoc, la Provence, la Camargue et les Cévennes. Je me rends plus particulièrement à Saint-Laurent-d’Aigouze et à Aigues-Mortes pour rencontrer des associations œuvrant en faveur des droits des personnes LGBT+. J’irai à cette occasion sur le tournage de la série « Ici tout commence » dans le cadre du tournage de 100e épisode de cette fiction française qui aborde ces sujets et je rencontrerai également Mathieu Ceschin et Alexandre Tola, le couple formé lors de la saison 15 de l’émission diffusée sur M6 « L’Amour est dans le pré ». Mon déplacement s’inscrit dans le cadre de la tenue mardi dernier du premier comité de suivi du "Plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023". Il s’agit d’un temps fort pour mon ministère.

Vous êtes en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances. Un sujet fortement d’actualité depuis plusieurs mois. Comment faire avancer ces causes quand l’actualité prend le dessus ?

Je considère qu’une société se définit à l’aune des combats qu’elle mène ou qu’elle ne mène pas. L’égalité entre les femmes et les hommes a été décrétée "Grande cause" du quinquennat par le président de la République. C’est inédit dans notre histoire et cela a permis de mettre la lumière sur un sujet trop longtemps resté dans l’ombre. Derrière cet objectif d’égalité se dressent de nombreux enjeux. Au premier rang figure la lutte contre les violences faites aux femmes que le Grenelle des violences conjugales a mis sur le devant de la scène.

Ce Grenelle a-t-il permis des avancées concrètes ?

Les 46 mesures qui en sont issues sont aujourd’hui à 100% engagées. Parmi celles que nous avons mises en place au cours des six derniers mois, je pense notamment aux bracelets anti-rapprochement, déployés désormais sur tout le territoire. Il s’agit d’une disposition qui a fait ses preuves en Espagne et que nous concrétisons avec le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. Je pense également aux 18 centres de prise en charge et d’accompagnement des auteurs de violence qui ont vu le jour en 2020, auxquels s’ajouteront 12 autres centres en 2021, dans l’Hexagone et les territoires ultra-marins. Par ailleurs, nous comptons créer 1 000 places d’hébergement supplémentaires pour les victimes en 2021, en plus des 6 572 places dédiées aux femmes victimes de violences présentes sur l’ensemble du territoire. Il s’agit d’un engagement important que nous portons avec Emmanuelle Wargon.

L’égalité entre les femmes et les hommes, c’est également l’égalité professionnelle...

C'est pour moi, l’un de mes chevaux de bataille. Comme l’avait affirmé Gisèle Halimi, l’indépendance économique des femmes est la voie la plus sûre vers leur libération. Je partage cette assertion. En tant qu’ancienne cheffe d’entreprise, je sais les plafonds de verre, voire de plomb, ainsi que les inégalités salariales ou de progression de carrières face auxquels se heurtent les femmes. Mais j’ai l’intime conviction que le monde professionnel peut aussi être vecteur d’égalité et d’émancipation. La loi Copé-Zimmermann, dont nous avons fêté récemment les dix ans et qui a fait de la France la championne d’Europe en termes de féminisation des conseils d’administration de ses grandes entreprises, nous l’a prouvé de manière éclatante. Parce que la parité n’est pas la charité, je considère que nous devons aller encore plus loin dans cette politique de quota.

Vous avez promis ces derniers jours un renforcement de la ligne d’écoute 39 19 pour les femmes victimes de violences conjugales. Un sujet majeur, prégnant dans le Gard. Allez-vous parvenir à tenir promesse ?

L’extension du 39 19 est un engagement du Grenelle des violences conjugales. L’objectif du Gouvernement est de renforcer l’accessibilité de cette ligne d’écoute nationale dont la notoriété n’a cessé de s’accroître ces dernières années. Nous voulons rendre ce service public accessible 24h/24h et 7j/7 et garantir l’accessibilité aux femmes sourdes et aphasiques ainsi que pallier les difficultés rencontrées par les victimes dans les territoires ultramarins du fait du décalage horaire. Cet engagement est pour moi une priorité car derrière ce sont des vies humaines qui sont en jeu. La crise sanitaire que nous traversons, et a fortiori les deux confinements, ont aggravé l’exposition des femmes aux violences intrafamiliales. Durant le premier confinement, les appels vers le 39 19 ont triplé. Au cours du deuxième confinement, les signalements effectués sur la plateforme du ministère de l’Intérieur « violences sexistes et sexuelles » ont progressé de 60%. Sur l’année 2020, le nombre de plaintes pour violences conjugales a progressé de 9,6%. En revanche, le nombre de féminicides est quant à lui passé de 146 en 2019 à 90 en 2020. Néanmoins, un féminicide est, et restera toujours, un féminicide de trop. Je sais que dans le Gard les acteurs publics locaux et les associations sont très engagées dans ce combat. Je pense par exemple au Centre d'information des droits des femmes et de la famille de Nîmes, à l’association française des centres de consultation conjugales ou à l’association Ricochets. Ce travail en synergie entre acteurs publics et association est essentiel pour enrayer ces violences.

L’un de vos engagements c’est accompagner les associations de lutte contre l’homophobie. Avec la crise sanitaire, le risque d’isolement est renforcé en particulier chez une population jeune. Quels dispositifs l’État peut-il développer pour ne laisser personne sur le bord de la route ?

 

La lutte contre les LGBTphobies constitue l’une de mes priorités. L’égalité pour les personnes lesbiennes, gays, bi ou trans ainsi que la lutte contre les LGBTphobies et leur cortège de violences sont pour moi une priorité. En France, en 2019, 1 870 victimes d’actes homophobes ou transphobes ont été recensées et les personnes homosexuelles et bisexuelles ont en moyenne un risque de suicide quatre fois plus élevé que l’ensemble de la population, et les personnes trans sept fois plus. Ces statistiques sont inacceptables. Par ailleurs, le documentaire « Petite fille » de Sébastien Lifshitz, diffusé sur Netflix, qui retrace le combat de Sasha, né garçon mais qui souhaite vivre en tant que fille, est à cet égard bouleversant et doit collectivement nous interpeller afin que nous nous battions pour une société plus inclusive. Si notre société a avancé ces dernières décennies, beaucoup de progrès restent à accomplir. C’est le sens du Plan national d’actions 2020-2023 que j’ai lancé le 14 octobre dernier, construit avec mes collègues du Gouvernement.

À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, vous avez lancé la campagne 1 000 Possibles. De quoi s’agit-il précisément ?

Comme disait François Mitterrand, « l’égalité n’est jamais acquise, c’est toujours un combat ». Malgré les progrès accomplis grâce à l’engagement de personnalités inspirantes telles que Simone Veil, Gisèle Halimi ou Simone de Beauvoir, le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes reste toujours d’actualité. Les inégalités auxquelles sont confrontées les jeunes filles et les femmes tout au long de leur vie se manifestent encore dans tous les interstices du quotidien et ne connaissent aucune frontière géographique, sociale ou culturelle. Ainsi, comme chaque jour en France, environ 1 000 petites filles sont nées le 8 mars dernier. J’ai décidé, avec cent autres femmes inspirantes qui mènent les mêmes combats que moi, d’écrire et de faire parvenir des lettres à ces 1 000 petites filles. Si chacune de ces lettres à vocation à passer le relais de l’égalité restant à conquérir aux petites filles, elle avait également vocation à délivrer un message universel d’espoir : rien ne sera impossible pour vous qui serez les femmes de demain. En tant que femme noire, issue d’un milieu modeste et ayant travaillé en entreprise durant trente ans, je sais l’importance de disposer de rôles modèles auprès desquels puiser de l’inspiration et de la force. Et parmi les autrices de ces lettres, j’ai pu compter par exemple sur la chanteuse Pomme, Latifa Ibn Ziaten, la judokate Clarisse Agbegnenou, Djaïli Amadou Amal, Prix Goncourt des lycéens 2019 ou encore Grace Ly. En plus de ces lettres, j’ai également créé le « Prix des 1000 Possibles – Médaille de l’Égalité », une cérémonie de remise de prix durant laquelle le Premier ministre et moi-même avons récompensé 18 associations qui valorisent des initiatives citoyennes en faveur de l'égalité et 18 femmes françaises, héroïnes du quotidien et véritables rôles modèle pour la nouvelle génération, sur tout le territoire métropolitain et en Outre-mer.

Propos recueillis par Abdel Samari

Abdel Samari

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