Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 01.12.2018 - thierry-allard - 5 min  - vu 3070 fois

FAIT DU JOUR Les Légionnaires qui ont neutralisé le terroriste de la gare Saint-Charles honorés

Lors de la cérémonie de la Sainte Barbe du 1er REG (Photo : Légion étrangère)

La cérémonie de la Sainte-Barbe du 1er Régiment étranger de génie de la Légion étrangère de Laudun-l’Ardoise, qui s’est déroulée ce vendredi au quartier général Rollet, était quelque peu spéciale.

En effet, six légionnaires du régiment qui ont participé à la neutralisation du terroriste qui a tué deux jeunes femmes en octobre 2017 à la gare Saint-Charles de Marseille ont reçu des honneurs exceptionnels.

Le secrétaire général de la SNCF Stéphane Volant avait en effet fait tout spécialement le déplacement pour les décorer de la médaille d’honneur des chemins de fer échelon argent. Une médaille instaurée en 1913, à l’époque pré-SNCF, et conservée depuis. « Elle est décernée à titre exceptionnel à des cheminots, et à titre tout à fait exceptionnel à des personnes extérieures à la SNCF, il y en a moins de vingt en France », précise Stéphane Volant.

Il va sans dire que les six légionnaires décorés hier (plus trois réservistes qui ont depuis rompu leur contrat) sont les tout premiers légionnaires à recevoir cette distinction. « Nous avons voulu saluer l’engagement et le courage de ces légionnaires qui participent à la protection de ce petit bout de France qu’est la SNCF », poursuit le secrétaire général des chemins de fer français, avant de faire l’éloge de l’opération Sentinelle. C’est dans le cadre de cette opération de lutte contre les actes terroristes sur le sol français que les militaires du 1er REG ont agi le 1er octobre 2017 à la gare Saint-Charles de Marseille.

Le secrétaire général de la SNCF Stéphane Volant (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

« Il s’est précipité sur moi avec son couteau. J’ai ouvert le feu »

Ce funeste jour, c’est un réserviste, le caporal chef Pierre (*), 28 ans, qui a abattu le terroriste. « Nous sommes intervenus à la base pour une valise abandonnée dans la gare, raconte-t-il. Nous avons placé un périmètre de sécurité, et à ce moment là, une foule entre dans la gare en nous prévenant qu’il se passe quelque chose sur la terrasse. »

Le réserviste se précipite à l’extérieur : « j’ai vu le type sur la fille. Je l’ai interpellé verbalement. Il s’est précipité sur moi avec son couteau. J’ai ouvert le feu. » Deux balles de Famas plus tard, le terroriste est neutralisé après avoir tué deux jeunes femmes. Pour autant, « après les coups de feu, la mission n’est pas finie tant que les forces de l’ordre ne sont pas arrivées », poursuit le caporal chef Pierre.

« Dans les trente secondes qui suivent, il y a une extrême vigilance. On ne sait pas si le terroriste est tout seul », ajoute le caporal chef Lionel, 48 ans, lui aussi réserviste, qui était présent sur place et qui a immédiatement déployé un périmètre de sécurité. « J’ai envoyé les premiers ordres et nous nous sommes déployés très rapidement pour sécuriser la gare », ajoute quant à lui le capitaine Jean-Luc, qui commandait leur compagnie lors des faits.

Lors de la cérémonie de la Sainte Barbe du 1er REG (Photo : Légion étrangère)

Lors de la cérémonie de la Sainte Barbe du 1er REG (Photo : Légion étrangère)

Pour le caporal chef Pierre - qui fait « entre 60 et 90 jours de réserve par an », un moyen pour lui de « servir (son) pays, comme une alternative au service militaire » - ce qui s’est passé à la gare Saint-Charles n’est rien de plus que l’application concrète des multiples entraînements suivis par les réservistes : « au moment du tir, il n’y a pas vraiment de place pour l’hésitation, on est entraînés pour que quand le moment arrive, on soit prêt, lâche-t-il. On est là pour faire le boulot. »

Il faut dire qu’un peu à l’image des pompiers volontaires, appelés à agir sur les mêmes interventions que les professionnels, les légionnaires réservistes sont logés à la même enseigne que les professionnels, du moment qu’il s’agit d’opérations se déroulant sur le sol français, comme l’opération Sentinelle. « Nous sommes extrêmement bien intégrés dans le régiment. Nous avons une formation régulière et nous faisons le même travail », souligne le caporal chef Lionel. « C’est le but de la réserve, ajoute le capitaine Jean-Luc. Le matin même, je leur disais de faire attention et de rester concentrés jusqu’au bout. Nous étions proches d’une relève. » Jusqu’à lors, ses hommes étaient plus intervenus « sur des bagarres de rues, des petites choses comme ça. »

Les médailles d'honneur des chemins de fer (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Ce jour là, la situation est infiniment plus grave, et « certainement que le terroriste ne se serait pas arrêté à deux victimes », affirme le caporal chef Pierre. Un réserviste qui, hasard incroyable, se trouvait dans le premier véhicule d’intervention de la Légion le 14 juillet 2016 lors de l’attentat de Nice.

« On était de garde ce soir là, se remémore-t-il. Nous avons été appelés en renfort alors que la camion roulait encore, et nous sommes arrivés alors qu’il venait d’être stoppé. » Deux attaques terroristes en quatre ans et demi de réserve, donc. Pour lui, la médaille d’honneur des chemins de fer échelon argent est la troisième médaille, après avoir été décoré à titre militaire et à titre civil par le ministère de l’Intérieur.

« C’est la première fois que la médaille est décernée pour un acte aussi fort, lourd de sens et de conséquences », ajoute Stéphane Volant. Pour autant, les légionnaires ne tireront aucun avantage de leur médaille, « c’est une marque de reconnaissance, explique le secrétaire général de la SNCF. Pour nous ce sont des héros à leur façon. »

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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La sécurité des gares : « Le risque zéro n’existe pas, pas plus que la fatalité », explique Stéphane Volant, qui met en avant « les coopérations avec les services de l’État concernés pour renforcer la sécurité humaine » dans les gares.

D’autre part, la SNCF possède un parc de « 40 000 caméras dans les gares, des moyens modernes et innovants avec de la vidéo-patrouille, des drones, des caméras qui protègent les réseaux et 3 000 agents de la surveillance générale en arme depuis 102 ans », poursuit le secrétaire général de la SNCF, avant de préciser que « le client est un agent essentiel de la sécurité, nous avons mis en place un numéro d’alerte, le 31 17. »

Les réservistes : la 5e compagnie, qui regroupe les réservistes opérationnels du 1er REG, est composée de 90 hommes. Il existe également une réserve citoyenne, qui ne porte pas l’uniforme et peut être sollicitée pour des actions de communication par exemple. Le 1er REG compte actuellement huit membres de la réserve citoyenne. Et si les femmes ne peuvent pas faire partie de la réserve opérationnelle, la réserve citoyenne leur est ouverte.

Les médailles : outre les médailles des chemins de fer, deux légionnaires ont été faits respectivement officier et chevalier de l'Ordre national du mérite, et quatre légionnaires ont reçu la médaille d'or de la Défense nationale. Le député Anthony Cellier a aussi remis la médaille de l'Assemblée nationale à deux légionnaires blessés en opération extérieure.

(*) Pour des raisons de sécurité, nous ne sommes pas autorisés à retranscrire les visages, les noms de famille et les professions (pour les réservistes) des légionnaires. « La menace est partout, les réseaux sociaux sont épluchés par les terroristes, précise le capitaine Jean-Luc, qui commandait la compagnie de réserve lors de l’attaque de la gare. Nous sommes obligés de nous protéger. »

Thierry Allard

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