Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 22.11.2021 - thierry-allard - 5 min  - vu 1170 fois

FAIT DU JOUR Pollution : sur le traitement des eaux usées, le compte n’y est pas

La nouvelle station d'épuration d'Aubais (Photo d'illustration : Coralie Mollaret)

Que se passe-t-il une fois que vous avez tiré la chasse ? Derrière cette question en apparence triviale se cachent des enjeux sanitaires, environnementaux mais aussi financiers autour de l’assainissement des eaux usées, dans le Gard peut-être plus qu’ailleurs. 

Aramon, Le Vigan, Saint-Ambroix, Vers-Pont-du-Gard, Bessèges, Fournès, Saint-Siffret et encore dernièrement Milhaud : la liste des communes mises en demeure par les services de l’État car leur système d’assainissement n’est pas conforme est longue, et s’allonge en permanence. Depuis début 2020, nous avons trouvé trace de 21 arrêtés de ce type pour autant de communes, le dernier en date, Milhaud, datant du 9 novembre dernier. 

Mises en demeure : les mots ont un sens, et en l’occurence les communes et Agglos concernées doivent donc engager rapidement des travaux pour revenir dans les clous et, in fine, polluer moins. Car l’enjeu est là : rejeter dans les cours d’eau une eau la plus propre possible et éviter de porter atteinte au milieu naturel. 

Dans le Gard, on est loin du compte : en février 2020, le préfet de l’époque Didier Lauga déclarait à l’occasion de l’inauguration de la station d’épuration de Remoulins que « la situation dans le Gard est préoccupante puisque près de 25 % des systèmes d’assainissement ne sont pas conformes à la réglementation. » Un quart de ces systèmes, donc. Un document de la Direction départementale des territoires et de la mer fait état d’une cinquantaine de stations non conformes en 2020.

En vert, les stations conformes, en rouge les non conformes (Document DDTM du Gard)

Des stations d’épuration « vétustes »

Voilà pour les données du problème, voici un cas pratique avec l’Agglomération du Gard rhodanien, qui a récupéré la compétence eau et assainissement comme ses voisines d’Alès et de Nîmes au 1er janvier 2020, à la différence des communautés de communes qui ont quant à elles bénéficié d’un délai, jusqu’au 1er janvier 2026, pour faire de même. Un transfert de compétence voulu ni par les Agglos, ni par les communes, mais imposé par la loi, sans doute pour mettre de l’ordre dans des situations souvent disparates. 

« Ce n’était pas un cadeau, reconnaît le vice-président de l’Agglo du Gard Rhodanien chargé du dossier, Olivier Jouve. Nous avons plusieurs systèmes, et plusieurs bassins, donc ça va prendre du temps. » Pas un cadeau donc, surtout que l’Agglo « a hérité de stations d’épuration vétustes, sur lesquelles les services de l’État nous font un nombre important d’observations sur des manquements évidents que nous nous devons de corriger », reconnaît sans fard le directeur du développement durable à l’Agglo, Daniel Michel. « Les installations sont vieilles, c’est l’histoire », relève Olivier Jouve, fataliste.

Il faut dire que question mises en demeure, l’Agglo ne donne pas sa part aux chiens : Connaux le 8 février dernier, Saint-Julien-de-Peyrolas le 2 août et Tavel le 27 octobre dernier rejoignent Laudun, mise en demeure en 2017. Et encore, on ne compte pas la station de Pont-Saint-Esprit, problématique depuis bien longtemps et dont le dossier avance enfin. Dans ces stations, les problèmes se cumulent, entre les stations en elles mêmes, qui datent parfois d’il y a quarante ans et sont obsolètes ou devenues trop petites, et les réseaux d’eau, soit devenus poreux, comme à Tavel, soit encore en unitaire, c’est à dire mélangeant les eaux usées et les eaux de pluie. À la fin le résultat est le même : une station d’épuration surchargée et moins efficace, avec des rejets non conformes. 

D’ailleurs, à défaut d’arriver à bâtir sa nouvelle station pour l’instant, Pont-Saint-Esprit a misé sur les réseaux, « avec de 600 000 à 800 000 euros par an de 2012 à 2020 sur les réseaux pour améliorer la situation », retrace l’adjoint spiripontain, Vincent Rousselot. Pont-Saint-Esprit a notamment passé une bonne partie de son réseau en séparatif, pour limiter l’apport en eaux claires parasites lors des épisodes pluvieux. Reste que la station d’épuration de la deuxième ville de l’Agglo n’est pas conforme, même si la ville et désormais l’Agglo travaillent sur le dossier depuis… 2011. « Désormais le permis de réhabilitation est signé, ça avance bien », affirme Vincent Rousselot. 

Des dossiers très coûteux

Certaines situations sont en voie de se régler donc, mais ces dossiers prennent du temps. En coulisse, nombreux sont les élus à râler sur les services de l’État. « Ils te mettent en demeure, et après ils te refusent les permis de construire, on n’est pas aidés », grince un maire. D’autres estiment que, sur les territoires où les Agglos ont pris le relais des communes sur l’assainissement, certaines situations auparavant tolérées par les services de l’état ne le sont plus. « Le regard est moins bienveillant, on le paie cash », glisse une source bien informée. 

Autre explication du temps long : les sous. Pour en revenir à l’Agglo du Gard rhodanien, la collectivité va réaliser son schéma directeur de l’eau, et est en train de prendre un bureau d’études pour l’accompagner sur le dossier pour « d’ici deux ans avoir une vision complète de nos installations d’eaux usées et d’eau potable, pour à partir de là mettre en place une stratégie pour remonter le retard », présente Olivier Jouve. Une chose est sûre à ce stade : « ça va se chiffrer en millions d’euros », affirme Daniel Michel. À titre d’exemple, le projet de réhabilitation de la station de Pont-Saint-Esprit grimpe à 6 millions d’euros. Ce schéma directeur va donc permettre, explique Olivier Jouve, « d’aller chercher des subventions. » Notamment de l’Agence de l’eau : sur le dossier spiripontain, elle met 1,4 millions d’euros.

Olivier Jouve, vice-président de l'Agglo du Gard rhodanien et maire de Saint-Géniès-de-Comolas, inaugurera la nouvelle station d'épuration de son village la semaine prochaine (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

Toujours ça qui ne sera pas facturé à l’usager : si le transfert de l’eau et de l’assainissement aux Agglos a aussi pour vocation d’harmoniser les tarifs d’une commune à l’autre, de l’avis général, ce n’est pas pour demain. Car les travaux nécessaires seront financés sur le prix de l’eau de la commune concernée. Des travaux lourds et coûteux donc, qui obligent souvent à refaire de la voirie. « Il nous faut donc une stratégie pluriannuelle, se parler et être patient, car il y en a pour quinze à vingt ans de travaux », affirme Olivier Jouve. 

« La préfecture aurait pu nous bloquer les permis de construire » 

Ça c’est à l’échelle d’une Agglo, mais de nombreuses communes, situées hors des Agglomérations gardoises, ont conservé la compétence de leur assainissement. C’est le cas d’Aimargues, 6 000 habitants, dont la station, vieille de trente ans, est désormais sous-dimensionnée. « Les rejets sont encore bons, on n’a pas de pénalité pour le moment mais ça risque de se dégrader si le village continue à s’agrandir, explique le maire Jean-Paul Franc. Si on ne s’était pas engagé dans des travaux, la préfecture aurait pu nous bloquer les permis de construire. » 

C’est en effet une des sanctions possibles, très handicapante pour les communes. À Aimargues, il y en a pour 6 millions d’euros et trois ans de travaux. « On est arrivé à avoir 1,3 million d’euros, le reste à charge pour la commune est d’environ 4,7 millions, précise le maire. L’Agence de l’eau se désengage de plus en plus. Ceux qui tardent trop pourraient ne plus être subventionnés. » 

On le voit, les enjeux sont importants à tous les niveaux, et le travail colossal, surtout pour des petites communes souvent isolées. Le but reste le même, comme le rappelle Daniel Michel, « protéger la ressource en eau », ressource de plus en plus mise à mal par des périodes de sécheresse intenses.

Thierry Allard (avec Boris Boutet)

Thierry Allard

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