Publié il y a 1 an - Mise à jour le 14.09.2022 - corentin-migoule - 5 min  - vu 4662 fois

FAIT DU SOIR Odeurs nauséabondes : agacés, des maires du bassin alésien vont "faire pleuvoir les sanctions"

Le centre de tri Néoval-Suez de Salines générerait des nuisances olfactives. (Photo Corentin Migoule)

À l'occasion du comité des maires qui s'est tenu ce mardi soir au bâtiment Atome, trois édiles ont fait part au président d'Alès Agglomération des nuisances olfactives générées "depuis plusieurs années" par une usine salindroise spécialisée dans le traitement et la valorisation des déchets ménagers. Courroucés par l'inaction de la direction du site, ils s'apprêtent à durcir le ton.

Sur son compte Facebook ce mardi soir, à l'issue du comité des maires auquel il venait de participer, Ghislain Chassary est revenu en quelques lignes sur le "coup de gueule" commun qu'il venait de pousser avec Étienne Malachanne et Philippe Ribot au sujet "d'odeurs insupportables provenant de l'usine Néoval" et de "l'état déplorable des routes jonchées de détritus provenant des camions non bâchés". Un message sans équivoque, assorti d'une mention qui l'est encore moins : "Les amendes vont pleuvoir !"

La polémique relative à des nuisances olfactives concernant ces communes situées au nord-est d'Alès semble vieille comme Hérode. Sans le dater précisément, "ça dure depuis plusieurs années", assure cependant Philippe Ribot, maire de Saint-Privat-des-Vieux, commune particulièrement touchée lorsque le vent souffle du nord. "Quand le vent est du sud, ça sent fort à Salindres", s'exaspère Étienne Malachanne, premier magistrat salindrois. Rousson n'est guère mieux lotie à en croire Ghislain Chassary, lequel décrit "une puanteur" qui a rendu l'été de certains roussonnais "intenable".

"Pas de raison que ça ne fonctionne plus"

Le trio en est persuadé, c'est bien de Salindres, et plus précisément du centre de tri mécano-biologique Néoval-Suez, qu'émaneraient ces odeurs pestilentielles. "On nous a baladés pendant plusieurs années en nous disant qu'on ne savait pas trop si ces odeurs provenaient de Néoval ou d'ailleurs. Mais c'est très clair que la part la plus importante revient à Néoval. Il faut avoir le nez encombré pour ne pas s'en rendre compte", argumente Philippe Ribot.

Pourtant, inaugurée en décembre 2013, l'usine salindroise - bien que rejetée à l'époque par certains élus et une partie de la population locale - n'a pas toujours causé du tort aux habitants du secteur. "Quand cette usine a démarré, les premières années elle s'était faite oublier complètement. Il y avait quand même eu une forte opposition de certains élus au moment de la création de l'usine et on était content de démontrer qu'elle pouvait fonctionner sans nuisances en se tenant au cahier des charges", se souvient sans difficulté Étienne Malachanne.

Un cahier des charges qui, d'après le dernier nommé, ne serait "plus respecté". "Il faut que la société qui exploite (Néoval-Suez, Ndlr) fasse le nécessaire. Il y a certainement un défaut d'entretien ou une dégradation de l'usine qui aura bientôt 10 ans. Car ce sont exactement les mêmes produits qu'à l'époque qui y sont traités, donc il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne plus", échafaude le maire de Salindres.

Des émissions conformes à la règlementation

"Ça s'était amélioré au printemps dernier quand j'ai poussé un coup de gueule. Et puis ça a repris de plus belle dans l'été. Ça veut bien dire que si on veut vraiment on peut changer les choses", estime quant à lui l'édile roussonnais. Ce dernier croit d'ailleurs tenir une autre explication : "Il doit y avoir un problème avec la porte d'entrée ou le filtre. Je pense que l'industriel veut faire des économies car l'usine ne doit pas être assez rentable pour le groupe."

Particulièrement agacé par ces odeurs "nauséabondes" qui surviennent "presque tous les jours" avec des pics relevés en matinée et le soir, Philippe Ribot a "l'impression que rien ne change" malgré les admonestations envers la direction du site qui n'a, à vrai dire, pas forcément de raisons de se mettre la rate au court-bouillon. Aucune non-conformité du matériel n'a en effet été révélée lors des dernières inspections du site. Quant aux odeurs, "la direction s'abrite derrière des émissions qui semblent conformes à la réglementation", regrette le maire de Saint-Privat-des-Vieux, considérant malgré tout qu'il y a la loi et l'esprit de la loi et que les industriels seraient bien inspirés de s'emparer du problème.

S'il reconnaît des interactions courtoises avec la direction du centre de tri, Étienne Malachanne n'obtient pas les réponses espérées : "La direction nous dit qu'elle ne comprend pas, que tout va bien de son côté. Parfois, et c'est appréciable, la direction nous prévient en cas de dysfonctionnement. Ça arrive, il peut y avoir une machine qui tombe en panne. Quand c'est comme ça, c'est bien car on peut l'expliquer aux gens. Mais la plupart du temps ça sent mauvais et il n'y a pas d'explications."

"On a tous atteint le maximum du supportable"

Ainsi, le dernier nommé aurait observé une "recrudescence" des doléances déposées par les habitants du secteur sur la plateforme Atmo Occitanie, prévue à cet effet. "On a voulu impliquer la population en l'incitant à déclarer les nuisances. Ça fait plus de deux ans que ce système est mis en place et on ne voit pas d'évolution, donc je suis à peu près sûr que certaines personnes ont arrêté de déclarer", précise l'élu salindrois, parlant d'"exaspération" et de "lassitude".

"La population est vraiment excédée. Les élus aussi car les gens viennent nous voir en nous demandant des comptes. On a tous atteint le maximum du supportable", enfonce celui qui était encore il y a quelques mois le premier adjoint d'Yves Comte. De nouveau alerté en comité des maires ce mardi soir, Christophe Rivenq, président d'Alès Agglomération, n'ignore pas la problématique. "Il s'est engagé à missionner le responsable technique du Smiritom (Syndicat mixte de réalisation des installations et du traitement des ordures ménagères, Ndlr) afin qu'il soit tous les jours à Salindres pour dresser des constations et mener des analyses", fait savoir Étienne Malachanne.

Et d'ajouter : "Si la société Suez doit entreprendre des travaux, il veillera à ce que ça soit fait. Le président de l'Agglomération doit aussi rencontrer très prochainement le directeur régional du groupe Suez afin de faire cesser les nuisances." Mais les doléances des élus du bassin alésien ne se limitent pas à ces seules nuisances olfactives, tel que le précisait Ghislain Chassary dans sa parution sur Facebook.

"La police rurale de l'Agglomération est sur le qui-vive"

"Il y a un deuxième problème qui a fortement empiré ces derniers mois, c'est l'état de la route départementale (la RD 364, Ndlr) qui permet d'accéder à l'usine. Il y a clairement une négligence de la part des transporteurs. À l'aller ça va, mais au retour les camions circulent en étant non bâchés. Il y a beaucoup de pertes. La route est actuellement à l'état de décharge", déplore le maire de Salindres. "C'est une pollution terrible du milieu naturel avec des déchets partout qui s'envolent vers l'Arias et dans l'Avène (deux affluents du Gardon, Ndlr) puis tout ça finit à la mer", se désole Philippe Ribot.

Le dernier nommé semble le plus remonté à ce sujet : "Je vais prendre le problème à bras le corps car j'en ai ras-le-bol d'avoir une vingtaine de poids lourds chaque jour qui passent par la traversée de Mazac alors que ce n'était pas prévu au départ. Je vais prendre des mesures pour limiter voire interdire la traversée des poids lourds par Mazac." L'élu saint-privaden, qui n'a "pas l'intention gêner l'activité économique locale", va d'abord s'assurer que cette éventuelle mesure n'impacte pas les entreprises de la commune avant d'acter la baisse du tonnage donnant accès à cette route (actuellement fixé à 19 tonnes).

Sur la RD 364, près de l'usine, les sanctions vont "pleuvoir" prévient Ghislain Chassary. "La police rurale de l'Agglomération est sur le qui-vive et à chaque fois qu'un camion sortira non bâché, il prendra sa prune. C'est un peu embêtant d'en arriver là, mais au moins ça réduira la pollution visuelle", se résout-il. S'ils partagent leur colère, les trois élus restent néanmoins unanimes : "Que les choses soient claires, le but n'est pas que l'usine ferme ou s'en aille. C'est qu'elle fonctionne sans nuisances."

Corentin Migoule

Corentin Migoule

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