Publié il y a 1 an - Mise à jour le 02.08.2022 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1632 fois

HISTOIRE DE PONTS Ambrussum, dernières traces de la Via Domitia et d'un célèbre pont

Le pont d'Ambrussum (Photo Anthony Maurin).

Tout seul... (Photo Anthony Maurin).

Durant tout l’été, Objectif Gard vous propose ses nouvelles rubriques. Tous les mardis, la rédaction revient sur l’histoire d’un pont du département. Aujourd’hui, le Pont d'Ambrussum qui s'appelle en réalité le Pont Ambroix. Il franchissait le Vidourle du temps de nos ancêtres les romains.

Dépêchez-vous car c'est un vestige qui disparait à vue d'oeil... Les dernières et fortes crues du Vidourle, qu'une arche du pont enjambe encore fièrement, n'ont pas laissé sa chance à cet ouvrage fantastique mais en terrible danger de disparition définitive.

On peut dire que les Romains avaient bien étudié le terrain et observé le fleuve avant de construire un pont à cet endroit. Ancré sur le massif rocheux, là où la colline est le plus près de la berge, voilà une implantation solide et optimisée. Le fort risque de crues, les fameuses vidourlades, n'en est pas moins pris en compte. En effet, des éperons sont bâtis en amont de chacun des piles afin de repousser les objets dérivants. Des échancrures rectangulaires (les ouïes) sont elles aussi aménagées en haut des piles pour limiter également la pression des eaux montantes. Tout était bien pensé et voilà ce bel ouvrage encore, en partie, visible 2 000 ans plus tard.

(Photo Anthony Maurin).

Mais en plus du célèbre pont, perchée sur la colline qui le jouxte, le visiteur trouvera un vrai village pétrifié. Ici, à Ambrussum, vous avez droit à un instantané qui s'étale du IVe siècle avant notre ère et qui file jusqu'au IVe siècle de notre ère ! Huit siècles d’histoire conservés sous une dense végétation de garrigue.

Le site d'Ambrussum est occupé depuis le néolithique. L'occupation de ce point stratégique par les Hommes perdure à travers la protohistoire et c’est donc au IVe siècle avant notre ère que se développe véritablement le site, avec l’installation des Volques Arécomiques (peuple celte qui fonde Nîmes) qui vont occuper une grande partie du Languedoc actuel. Ils fondent un oppidum : véritable village s’étalant sur plus de cinq hectares, entouré d’un épais rempart, en partie conservé encore aujourd’hui.

La pile restante esseulée, grignotée par le Vidourle (Photo Anthony Maurin).

Entre 125 et 120 avant notre ère, les romains conquièrent la partie sud de la Gaule, cherchant à joindre deux territoires qu’ils occupent d’ores et déjà : la péninsule italique et la péninsule ibérique. Afin d’assurer une circulation efficace des militaires entre ces deux territoires, les romains aménagent la Via Domitia et Ambrussum devient le lieu de franchissement du Vidourle, pour cet axe majeur du monde romain. Les édifices privés adoptent les plans et les modes de construction classiques du monde romain (pierres liées au mortier, tuiles en céramique, mosaïques, enduits peints) et la ville est pourvue d’infrastructures publiques, symboles de la romanisation (forum, place pourvue d’un portique).

En parallèle, à la fin du Ier siècle avant notre ère, un relais routier est même installé au pied de la colline, le long de la Via Domitia. Véritable aire de services dédiée aux voyageurs, ce relais est constitué de trois auberges, d’une forge, d’un petit lieu de culte, ainsi que d’un bâtiment de l’administration impériale servant de relais de poste de l'époque, le cursus publicus.

De manière quasi contemporaine, un pont (certainement initialement en bois) permettait de franchir le fleuve. Il est rebâti en pierre et l'ouvrage monumental est composé à l’origine de 11 arches. Long de 150 mètres environ, il permettait alors de franchir le fleuve, même en temps de crue ! Seule une arche de dix mètres de large et de neuf mètres de haut témoigne encore aujourd’hui de l’ampleur de ce monument.

Il fut un temps encore récent, le pont d'Ambrussum avait plus d'une arche... (Photo Musée Ambrussum).

En novembre 2019, une première phase de travaux de consolidation du Pont Ambroix a été réalisée car de ce pont romain bâti il y a plus de 2 000 ans il ne reste plus qu’une arche positionnée au milieu du cours d’eau. Afin de préserver au mieux ce patrimoine classé au titre des Monuments historiques depuis 1840, des travaux ont donc été programmés. L’ouvrage a déjà connu différentes campagnes de restauration ou de consolidation dont les plus récentes remontaient à 2003.

Une portion, longue et belle, fort bien conservée, de la Via Domitia. D'ici, on accède à l'oppidum perché sur la colline (Photo Anthony Maurin).

Seize ans plus tard, il était nécessaire d’engager une nouvelle campagne de restauration comprenant en priorité la dévégétalisation de l’ensemble de la structure et surtout l’éradication d’un figuier qui avait pris place en bordure de voûte, ses racines soulevant un voussoir d’une arche disparue. En effet, il s’agissait là du principal problème de conservation.

Le pont est bâti à joint vif, c’est-à-dire qu’il n’y pas de mortier (ou autre "colle") entre les pierres. Chacune d’elles, taillée parfaitement, est simplement posée et positionnée à un emplacement prévu. Le poids des blocs (entre une et deux tonnes) et la gravité terrestre suffisent pour que l’ensemble du monument tienne, et cela, depuis plus de deux millénaires. Cependant, l’accumulation de terre dans les joints entre les pierres et l’apport de graines (vent, oiseaux...), crée des zones propices au développement de végétaux. Ces derniers, au fil des années, en poussant, désolidariseront les blocs en les écartant progressivement.

En haut, sur l'oppidum (Photo Anthony Maurin).

Ce sont des ouvriers-cordistes de l’entreprise M.C.R., assistés d’une grue de 35m, qui ont mené ces travaux à bien. Après l’installation de câbles et de cordes assurant leur sécurité sur l’ensemble de l’arche (10 m de portée, 9m de haut), ils ont enlevé manuellement, l’ensemble des végétaux en grattant en profondeur pour atteindre les racines les plus enfouies dans le monument.

Concernant le figuier, son éradication fût plus complexe que prévue. Trois pierres de plus d’une tonne et demie ont dû être temporairement enlevées pour atteindre le tronc et les racines de l’arbre. De nombreuses ramifications ont pu être identifiées et retirées. Une opération délicate et très physique. Une seconde phase a été menée du 24 au 26 novembre 2020. Il s’agissait alors d’attendre une année, sans remettre les blocs en place, afin d’observer si le figuier en question refaisait malgré tout son apparition. Le technique a porté ces fruits, le figuier n’a pas refait surface. Suite à ce constat, il convenait alors de replacer les blocs prélevés et stockés sur la berge à leur emplacement initial, chacun d’eux pesant plus d’une tonne.

Le site est vaste et, en contrebas, un musée est accessible (Photo Anthony Maurin).

Ouvert en permanence et gratuit, le site archéologique, en plus d’être un lieu culturel, est un lieu privilégié pour les promenades. Secteur protégé par le classement du site antique au titre des Monuments Historiques, ainsi que par le label Natura 2000, Ambrussum offre au visiteur la possibilité de se perdre dans un paysage à la fois divers et unique. Les berges humides du Vidourle contrastent avec la colline calcaire, recouverte par la végétation dense et piquante de garrigue. Du haut de la colline, le paysage se dévoile à 360°. On aperçoit la Méditerranée au Sud et les contreforts des Cévennes au Nord, le fameux Pic Saint-Loup à l’Ouest et le territoire nîmois à l’Est.

Le pont d'Ambrussum (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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