Publié il y a 2 h - Mise à jour le 07.08.2025 - François Desmeures - 3 min  - vu 120 fois

ANDUZE "Élise la colère de Dieu", histoire d'une famille meurtrie par l'interdiction de la différence

Élise, fusil en main, menace le capitaine Delmas pour libérer son fils, promis au supplice de la roue

- François Desmeures

Le nouveau spectacle de Lionnel Astier était, ce mercredi soir, dans le parc des Cordeliers d'Anduze après avoir déjà parcouru une part du Gard et du sud Lozère. Jouée en plein air, comme une assemblée du Désert, la pièce raconte le drame d'une famille et la vengeance d'une mère face à l'interdiction de pratiquer la religion réformée. Le dispositif scénique projette le spectateur dans ce règlement de comptes qui allie thèmes universels et malheurs individuels. 

Élise, fusil en main, menace le capitaine Delmas pour libérer son fils, promis au supplice de la roue • François Desmeures

Son mari est déjà mort. L'un de ses fils, Salomon, mort lui aussi, lui apparaît la nuit. Tandis qu'un autre, Samuel, qui prophétise dans les forêts cévenoles, est arrêté par le capitaine Delmas, promis au supplice de la roue à Montpellier. Accompagnée de sa soeur - qui oublie tout mais ne perd pas l'essentiel - Élise se décide à libérer son fils et à tuer son ravisseur, le capitaine Delmas, mis sur la piste du prophète par un certain Donnadieu, protestant ayant abjuré sa foi pour renseigner le pouvoir royal. 

Au sommet du parc des Cordeliers, le public comble l'espace entre une forme étoilée, laissée libre au sol pour le passage des comédiens. Il ne s'agit pas d'aller voir une prédication mais bien une pièce de théâtre. Sauf que le lieu et la disposition projette le spectateur dans une sorte d'assemblée du Désert remarquablement bien jouée. 

Le passage de la dépouille de l'abbée du Chaila lance la pièce • François Desmeures

La pièce débute au lendemain de l'assassinat de l'abbé du Chaila au Pont-de-Montvert, qui lança le processus de la guerre des Camisards. On fait ainsi la connaissance d'un comte, son frère, qui bien que reconnaissant le caractère irascible de son frère, souhaite le venger. Se mêlent alors cette quête de vengeance et le travail d'un soldat du roi, guidé par l'éventuel conspirateur vers une prédication en forêt. 

Élise Bonnal a subi la conjoncture. Contrainte d'élever ses fils dans la double religion, elle pense avoir communiqué à ses fils la colère qui les ronge et les pousse à l'action. Elle part donc en guerre, sans savoir tenir proprement un fusil et sans espoir de victoire, mue par la colère. Et l'incompréhension de la répression qui s'abat sur le territoire, contre la liberté de conscience. 

Les dragons du roi surprennent l'assemblée des Réformés • François Desmeures

La Nuit des Camisards débutait la veille au matin de l'assassinat de l'abbée du Chaila, Élise, la colère de Dieu en prend la suite. Dans la queue qui mène au lieu du spectacle passe d'ailleurs la dépouille de l'abbé, encadrée par trois personnes. Le décor est posé. Et la pièce, traversée par l'intolérance et la mort, parvient tout de même à livrer quelques lueurs d'espoirs alors que les Cévennes s'embrasent. 

Élise arrive trop tard au point de rendez-vous où doit prophétiser son fils • François Desmeures

Une lueur que le créateur de la pièce, Lionnel Astier, a tenté de faire briller en adressant, avant la représentation, une lettre au public présent. En disant regretter que son oeuvre résonne autant en écho au monde d'aujourd'hui, face "aux férocités similaires à celles qui sévissent à un saut d'avion de chez nous, ou à celles qui tuent des prêtres, de professeurs, des dessinateurs ou des spectateurs d'un concert ; aux libertés qui faiblissent, qu'elles soient de conscience ou de circuler ; aux migrants, qu'on appelait les fugitifs à l'époque, et qui s'arrachaient à leurs terres ; et enfin, à ces exilés de l'intérieur, dont fait partie Élise, qui n'ont ni les moyens de partir ni vocation à se battre, et vivent cachés dans les bois, les montagnes, hors-la-loi juste pour avoir prié." 

Après la conférence de l'historien Jean-Paul Chabrol sur le prophétisme, Lionnel Astier l'a rejoint pour lire une lettre ouverte adressée au public • François Desmeures

"Si Élise prend les armes dans cette nouvelle histoire, elle ne se bat pour la cause du moment, a poursuivi Lionnel Astier. Elle est une femme et une mère, hors du temps, et de toutes les époques à la fois. Pareille à celles qui ont vécu et qui vivent encore dans le climat des guerres, et qui voient chaque jour partir un peu de leur monde : plus de toit, plsu de vie. Des maris et des fils tués dans des affrontements ou des exécutions. Pour qui a donné la vie, survivre à ses enfants est sans doute le pire." 

"Élise, la colère de Dieu" continue de tourner dans la région. Ce vendredi 8 août, la pièce sera jouée à Mus, puis Champdomergue le 11 août. Du 12 au 14 août, le périple de la pièce s'achèvera au mas Soubeyran, à Mialet : le 12 aoput, reprise de "La Nuit des Camisards". Puis, les 13 et 14 août auront lieu les deux dernières représentations d'"Élise, la colère de Dieu". Avant, peut-être, de revenir l'année prochaine... Dates et et billetteries à retrouver ici.

François Desmeures

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