Publié il y a 1 an - Mise à jour le 11.09.2022 - pierre-havez - 4 min  - vu 45050 fois

AU PALAIS « Des soirées libertines où l’on croise des VIP… »

Nîmes Palais de justice transfert de détenu (Photo Yannick Pons) - Yannick Pons

Rendu « fou » par un petit différend financier après une soirée organisée pour le propriétaire du Mas La Farelle à Nîmes, Ussaine a juré, jusque devant les policiers, qu’il allait tuer son ancien associé. Des armes avaient aussi été retrouvées dans sa cave...

C’est à la suite d’un nouveau défilé organisé au Mas La Farelle, pour lequel il n’est payé que 200 euros au lieu des 300 prévus, en janvier 2019, qu’Ussaine, fou de rage, commence à menacer le propriétaire de l’établissement de nuit.

L’ancien responsable du site « On va Sortir » déclare à qui veut l’entendre qu’il va régler son compte à son ancien associé « par arme lourde ». Au tribunal judiciaire de Nîmes, mardi 6 septembre, la lecture de ses messages font froid dans le dos : « Un de nous deux doit mourir », « J’ai peur de rien, j’irai jusqu’au bout », « Je suis un soldat, je suis musulman, je ne crains que Dieu ». Inquiété une première fois pour un incendie suspect dans un local du bar nocturne - il ne sera finalement pas poursuivi -, Ussain maintient même ses menaces lors de sa garde à vue devant les policiers ! Et quand son domicile est perquisitionné, les enquêteurs découvrent chez lui un fusil, un pistolet à bille et des cartouches…

« Il était couvert, même au-dessus de la police... »

« Je m’étais beaucoup investi. Alors quand j’ai vu comment il me traitait, j’étais très remonté contre lui. Il le sait que j’ai un grand cœur mais il s’est servi de moi : ça m’a bousillé mon travail et ma santé ! », se justifie le trentenaire, employé à la mairie de Nîmes. Le président du tribunal mentionne les armes retrouvées chez lui. « Ce qui est inquiétant, c’est que vous répétez vos menaces à tout le monde, y compris en garde à vue devant les policiers ! », s’offusque Jérôme Reynes.

L’escalade d’Ussain semble s’expliquer par le fait que le jeune apporteur de clientèles pensait son ancien associé intouchable à Nîmes. « On m’a dit qu’il était couvert, même au-dessus de la police... Un jour, alors que je sortais d’un conseil de discipline pour un retard de 20 minutes au travail, un collègue m’a assuré que c’était à cause du Mas La Farelle. Et là, j’ai explosé. Depuis ce conflit, la mairie me bloque ! », reprend le prévenu.

« On a dormi dans une chambre au fond d’un couloir »

À la barre, Gilles, le propriétaire du Mas La Farelle décrit deux ans d’angoisse. « Bien sûr que j’ai eu très peur pendant deux ans : l’incendie, je sais que c’est lui. Il y a eu des tirs de fusil de petit calibre sur le parking et sur les projecteurs devant chez moi. Et il promettait de me mettre une balle dans la tête. Quand on voit ce qui se passe à la télé…, décrit-il. Il savait où je dormais et j’avais deux jeunes filles de 5 et 8 ans… On a dormi dans une chambre au fond d’un couloir dont le parquet craquait, pour être sûr d’entendre s’il se passait quelque chose… »

Son avocat demande 10 000 euros de dommages et intérêts pour ces deux années de peur. « Ce ne sont pas des menaces de mort classiques. Ce n’est pas une banale altercation routière. On se connait et il est ultra déterminé : il le répète à qui veut l’entendre et même aux policiers ! Il y a aussi des menaces d’incendie et, en effet, il y aura un feu avec 220 000 euros de réparations à la clef, juste en dessous de sa chambre ! Donc il y a cru, rappelle Ludovic Para. Le prévenu a fait une fixation sur lui : un problème au travail ? C’est lui ! son passé d’agresseur sexuel qui ressort ? C’est encore lui ! Un problème d’argent ? On veut le tuer ! »

La procureure rebondit sur la tirade de la l’avocat. « Il a tout de même déjà été condamné pour une agression sexuelle et un outrage et rébellion : ça montre une certaine violence ou du moins de la colère chez lui, pointe Cécile David. Mais il n’a plus fait parler de lui depuis ces faits, et n’a plus pris de contact avec la victime. » La magistrate requiert une peine d’avertissement de 8 mois avec sursis et l’interdiction de porter une arme pendant 5 ans.

« Il menaçait de révéler tous les secrets de ces soirées libertines »

Pour expliquer la réaction d’Ussain, son avocate décide de dévoiler l’envers du décor. « Il y a des soirées très admises dans ce Mas fréquentable. Et d’autres plus intimistes, des soirées libertines entre adultes consentants, indique Khadija Aoudia. Et lui est le pion de l’organisation de ces soirées, car il a de jolis yeux et du succès auprès de la jeunesse… Mais il est considéré comme l’Arabe de service, et n’est pas payé à sa juste valeur ! » Celle-ci revient sur l’ascension contrariée de son client dans le milieu feutré de ces soirées échangistes VIP…

« Au départ, lui, le petit se sent valorisé par les services qu’il rend à ces personnes d’importances, élus, ou hauts fonctionnaires. Il croit qu’il est aimé. On l’invite même en première classe en Thaïlande, lui le petit fonctionnaire. Il monte, il monte, et d’un coup on le redescend ! reprend l’avocate. On lui dit alors de faire attention, qu’il connait du monde. Et cette accumulation finit par faire que les deux s’accusent mutuellement de tous leurs malheurs, jusqu’à la goutte d’eau insignifiante qui fait tout déborder. » Après une respiration la bâtonnière assure qu’Ussain a changé et compris. « Il pensait qu’il n’y aurait pas de poursuites judiciaires car il menaçait de révéler tous les secrets de ces soirées libertines ! Ça n’a pas fonctionné. Mais aujourd’hui, 4 ans après, il ne représente plus un danger, il a évolué », conclut-elle.

Le tribunal suit les réquisitions du parquet et condamne l’organisateur de soirée à 8 mois avec sursis et 5 ans d’interdiction de port d’arme.

Pierre Havez

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