Publié il y a 1 an - Mise à jour le 10.09.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 1080 fois

AU PALAIS « Le problème c’est que sans votre traitement vous êtes un danger public ! »

La salle des pas perdus du palais de Justice de Nîmes (Photo Yannick pons) - Yannick Pons

Bipolaire depuis ses 18 ans, Jean-Marie devient incontrôlable lorsqu’il arrête de prendre ses médicaments. Lors de la fête du village de Villeneuve-lès-Avignon, fin juillet, il a tenté, sans raison, de poignarder David, un partenaire de son club de pétanque… 

Mains et bras tatoués et croisés devant lui, Jean-Marie, 60 ans, est jugé, mardi 6 septembre 2022, pour avoir menacé David de l’« égorger», lui et son fils, en brandissant un couteau, le 30 juillet à Villeneuve-lès-Avignon. « Mes souvenirs sont flous car je suis bipolaire. J’étais pas bien, je me suis levé le matin, j’ai pris une arme et je suis allé chez lui. Mais c’est flou dans ma tête », répète-t-il simplement, à la barre.

« La lame du couteau était à 3 centimètres de mon ventre »

La victime semble encore sous le choc. Son récit est très confus. « La veille, il était totalement en transe à la fête foraine. Il m’a poursuivi avec ma compagne, en nous disant qu’on était très mignons et en faisant des aller-retours pour revenir vers nous. Il a fini par nous menacer mon fils et moi et par me pousser et me faire tomber, détaille David. Et le lendemain, quand j’ai ouvert mon portail, il a tenté de me poignarder, la lame du couteau était à 3 centimètres de mon ventre. Il a continué à essayer de planter le couteau à travers le portail en menaçant d’égorger mon fils ! »

Les deux hommes se connaissent. Issus du même village, ils font partie du même club de boules. Jean-Marie est suivi depuis de longues année par un psychiatre du Mas Careyron, où il doit faire une piqure tous les 15 jours. « Je suis désolé, mais je n’avais pas pris mon traitement depuis trois semaines. Ça me le fait à chaque fois quand arrive le beau temps, je ne sais pas pourquoi, explique piteusement Jean-Marie. Il pense que je suis jaloux de sa compagne mais ce n’est pas ça, c’est juste une amie d’enfance. C’est ma maladie… »

 Évadé de l’hôpital psychiatrique

Le président lit les conclusions de l’expert psychiatre qui suit Jean-Marie. « Le problème c’est que sans votre traitement vous êtes dans la toute-puissante et vous devenez un danger public ! », décrit Jean-Michel Perez. Le prévenu baisse la tête. « Je subis cette maladie depuis 40 ans. Mais je ne suis pas dans la toute-puissance, en tout cas, je ne suis pas conscient de ça... Mais vous n’avez qu’à me mettre en hôpital psychiatrique ! », suggère le sexagénaire. Interné d’office après sa garde à vue, au mois d’août dernier, Jean-Marie s’était pourtant évadé du Mas Careyron.

Mais pour les infractions pour lesquelles il est poursuivi, le tribunal ne peut contraindre Jean-Marie à un suivi médical précis. « Je ne sais plus quoi penser, ni quoi faire. Je suis désolé. David il ne m’a rien fait », souffle le sexagénaire. Le juge laisse transparaître son impuissance. « C’est nous qui ne savons plus quoi faire de vous !, lâche Jean-Michel Perez avec provocation. Alors on vous enferme en prison pour trois ans et Villeneuve-lès-Avignon sera tranquille ! »

Choc carcéral

La procureure requiert 30 mois de prison avec sursis, assorti d’une obligation de soin, d’addictologie, et l'interdiction d’entrer en contact avec sa victime et de fréquenter un débit de boisson pendant 24 mois. « Il semble que l’altercation ait été causée par une ancienne jalousie. Heureusement que la victime a eu le réflexe de pousser son portail, rappelle Adelaïde Galtier. Avez-vous besoin d’un choc carcéral pour comprendre la gravité de la situation ? Je n’en suis pas certaine. En revanche, vous avez besoin de soin. »

L’avocate de Jean-Marie tente d’atténuer le danger que représente son client. « Est-il pénalement responsable ? À mon sens non, car l’expert psychiatre insiste sur ses troubles hallucinatoires et l’altération de son discernement, pointe Camille Alliez. Présente-t-il un danger pour la société ? Non plus, car il est sous-injonction de soin. » Jean-Marie est reconnu coupable et condamné à deux ans d’emprisonnement, dont 12 mois avec sursis. La partie ferme sera aménageable sous bracelet électronique et l’interdiction de détenir une arme pendant 10 ans. Il devra se soigner et aura l’interdiction de fréquenter les bars et d'entrer en contact avec sa victime.

Pierre Havez

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