Laëtitia avait 37 ans. Atteinte de troubles du spectre autistique, la trentenaire originaire de Bagnols vivait au sein du foyer de vie Lou Ventabren, à Pont-Saint-Esprit. C’est là que le 9 octobre dernier, elle a été sauvagement tuée à coups de couteau par son ex petit-ami, Anthony, âgé de 26 ans. « Ils se sont connus il y a trois ou quatre ans au château de Coulorgues (une Unité psychiatrique de soins en réadaptation située à Bagnols, ndlr), ils se sont fréquentés mais n’ont jamais vécu ensemble », relate Hervé Chalansonnet, le père de Laëtitia.
Puis Laëtitia quitte Coulorgues pour Pont-Saint-Esprit, et rompt avec Anthony. Le petit-ami, soigné pour une dépression, trouve une formation au sein du foyer spiripontain pour se rapprocher d’elle malgré tout. Laëtitia est mal à l’aise, et dès le premier soir de son stage, Anthony vient tambouriner à sa porte. « Laëtitia a crié au secours, et il a quitté son stage », raconte son père. À partir de ce moment-là, en mai dernier, Anthony a interdiction de pénétrer dans le foyer.
Par la suite, la relation entre Laëtitia et Anthony va connaître des hauts et des bas, et les parents de la victime détectent « une emprise sur elle » du petit-ami. Anthony trouve un appartement et ambitionne d’y vivre avec Laëtitia. Fin de non-recevoir de Laëtitia et de sa famille. À partir de là, Anthony va la harceler. Le foyer est prévenu, le numéro d’Anthony est bloqué sur le téléphone de Laëtitia, les choses se tassent. Malgré tout, « de juin jusqu’à il y a peu, Laëtitia se faisait accompagner dans Bagnols car elle avait peur », affirme son père.
« Elle a dit au personnel qu’elle avait peur, ils n’ont rien fait »
Puis vient le mercredi 8 octobre. Ce jour-là, il y a un pot de départ au foyer. La grand-mère d’Anthony, collègue de la personne qui fêtait son départ, y est invitée. Anthony se greffe, et pénètre dans le foyer. « Laëtitia l’a croisée au pot de départ, elle a dit au personnel qu’elle avait peur, ils n’ont rien fait », relate la mère de la victime, Anne-Marie. Le pot de départ s’achève, Anthony repart, et publie deux vidéos sur YouTube dans lesquelles il supplie Laëtitia de le laisser rependre contact avec elle. « À 18 heures ce soir-là, Laëtitia a sa mère au téléphone, elle lui parle du pot de départ, explique l’avocat de la famille Me Jean-Christophe Basson-Larbi. Sa mère lui dit de bien fermer sa porte. »
Quelques heures plus tard, Anthony s’introduit à nouveau dans le foyer, muni d’un couteau. « Avec une sauvagerie absolue, il assène une dizaine de coups de couteau au visage, sur le corps, à la carotide de Laëtitia, il ne lui a laissé aucune chance », décrit l’avocat. « Il s’est acharné sur elle, je ne l’ai même pas reconnue au funérarium, souffle la mère de la victime. Elle a dû crier. Est-ce qu’elle a souffert ? Ça tourne tout le temps dans ma tête. » Anne-Marie se dit convaincue que l’auteur présumé des faits « savait ce qu’il faisait ». « Puis Anthony va rester un certain temps avec elle, et sans que personne ne le voie, transporter le corps sans vie de Laëtitia, le sortir du foyer, le charger dans le coffre de sa voiture, et aller chez sa grand-mère, où quelques heures plus tard les gendarmes découvriront le corps », poursuit Me Basson-Larbi.
« C’est honteux »
Laëtitia, « une femme douce, lumineuse », comme la décrit son amie Christelle Jackel, a donc été tuée au sein du foyer de vie. « Pour nous, elle était en sécurité là-bas », réaffirme Anne-Marie. Alors pour elle, « le foyer est responsable, quand on a des enfants handicapés, on ne laisse pas les portes ouvertes, on met du personnel pour surveiller la nuit. » L’avocat est sur la même ligne : « nous avons déposé plainte pour homicide involontaire conte X, visant le foyer, car il y a une série de négligences, de fautes simples et de fautes caractérisées qui ont été commises. Le foyer doit des soins et la protection à ses treize résidents, pour lesquels il y a trois personnes pour la sécurité de nuit. »
Et l’avocat ne cache pas sa colère contre la procureure de la République de Nîmes : « alors que les faits de préméditation sont connus, la procureure se contente de faire un réquisitoire introductif pour des faits de meurtre aggravé et pas d’assassinat. Ce faisant, elle efface la préméditation, la responsabilité du foyer, la complicité, elle efface la gravité des faits et le respect de la mémoire dus à Laëtitia, c’est honteux. »
Alors Me Basson-Larbi a déposé plainte avec constitution de partie-civile pour qu’un juge d’instruction soit nommé. Deux autres plaintes, une contre X pour recel et dissimulation de cadavre et une autre pour complicité visant la grand-mère du mis en cause, ont aussi été déposées, avec la ferme intention que l’affaire soit traitée dans son intégralité. Les parents, quant à eux, envisagent de créer une association pour que de tels faits ne puissent plus se produire à l'avenir.
La marche, digne, s’est achevée devant le commissariat de police de Bagnols, où ses proches se sont souvenus de Laëtitia, de sa générosité, de sa gentillesse, de son goût pour les promenades dans les commerces bagnolais, de son amour pour le rose et pour le chant à tue-tête, fenêtres ouvertes de préférence. Elle aurait eu 38 ans le 12 novembre.