Publié il y a 3 h - Mise à jour le 12.08.2025 - Thierry Allard - 5 min  - vu 1718 fois

FAIT DU JOUR À Saint-Étienne-des-Sorts, le projet de Pascal Quittard vire au cauchemar

Pascal Quittard est en conflit avec la mairie de Saint-Étienne-des-Sorts

- Thierry Allard

On va finir par croire que ce terrain est maudit. Ce terrain de 25 000 mètres carrés, c’est l’ancien stade de Saint-Étienne-des-Sorts, village de 600 habitants au bord du Rhône, entre Bagnols et Pont-Saint-Esprit. Ici, dans un monde idéal, il y aurait à l’heure actuelle un parc médiéval avec des spectacles de chevaux. Et avant ça, il y avait un parc de jeux gonflables pour enfants. Les deux ont tourné au vinaigre.

Pourtant, tout le monde y croyait, à ces projets. Le premier, Moby Parc, a finalement déserté les lieux en 2020, en laissant une friche, et des dettes. Le second, initié en 2022 par l’éthologue équin Pascal Quittard, avait lui aussi de la gueule. Sur ce terrain, l’homme voulait proposer un parc médiéval, avec des spectacles de chevaux, mais aussi organiser des vide-greniers et proposer les installations à la privatisation pour des mariages, par exemple. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu, et ce dès le début.

Car à Saint-Étienne-des-Sorts, les dernières années ont été mouvementées. Comme nous le racontions ici à l’époque, en 2022 la maire Patricia Garnero perd la majorité, et la convention qu’elle signe juste avant l’élection municipale partielle avec Pascal Quittard est remise en cause par la nouvelle majorité. Résultat : Pascal Quittard ne peut pas démarrer son activité, et fait même une grève de la faim pour se faire entendre. Et depuis, il enchaîne les déconvenues au point, aujourd’hui, que la commune a dénoncé la convention.

Un problème d’électricité pour commencer

Parmi les problèmes rencontrés, l’électricité. « On a eu des soucis avec le compteur, j’en ai référé à la mairie, qui est propriétaire des lieux et des bâtiments, et ils ont fait venir un électricien qui a relevé qu’il y avait des soucis », explique Pascal Quittard. L’électricien ne l’informe toutefois pas que des prises sort du 380 volts. « Au tout début, nous n’avions pas besoin d’électricité, mais après quelques mois nous avons rapatrié du matériel, explique-t-il. Là, nous avons cramé un PC, quatre frigos, un four, un congélateur, une machine-à-laver, un sèche-linge », énumère-t-il. Échaudé, il remplace bon an mal an le matériel et rappelle la mairie, qui renvoie un électricien.

Il en ressort que « l’installation électrique était non conforme, on était inaptes à recevoir du public », affirme Pascal Quittard. Le devis tombe, il y en a pour un peu plus de 12 000 euros. Le devis, édité fin juin 2023, est immédiatement envoyé en mairie. Pascal Quittard relance la municipalité en novembre, sans plus de réponse. Alors, « ne voyant personne venir, et comme je ne pouvais pas travailler ici, on a pris les travaux à notre charge, puis fait venir une commission de sécurité », affirme-t-il.

Pascal Quittard propose donc à la mairie un deal : une ristourne sur les loyers pour compenser l’avance. Ici, il paie 4 800 euros par an, un montant bien supérieur à celui de l’ancien Moby Parc, qui payait… 800 euros par an, soit dit en passant. Mais là encore, la demande reste lettre morte. Alors Pascal Quittard décide de mettre les loyers sous séquestre. Et là, la mairie sort du silence : le 23 juin dernier, Pascal Quittard reçoit un courrier de mise en demeure de payer les loyers. Il y en a pour 13 200 euros. « C’est la première fois que j’avais de leurs nouvelles depuis deux ans », grince-t-il.

« Je n’ai eu que des peaux de bananes »

Suivront plusieurs réunions en mairie, qui ne donneront rien. Pire, la mairie le sommera de payer un reliquat de facture EDF de plus de 4 000 euros car Pascal Quittard n’a pas mis les compteurs à son nom immédiatement après être arrivé sur le terrain. « Dedans, il y avait les projecteurs, alors que je ne m’en suis jamais servi », précise-t-il. Projecteurs en mauvais état, du reste. Face à cette situation, il émet un premier chèque, qui revient en impayé. « C’est en régularisation », affirme-t-il, même si l’épisode a quelque peu refroidi la mairie. Le dernier rendez-vous en mairie, le 17 juillet dernier, « a mal tourné », affirme-t-il, l’entrevue qu’il croyait être en face-à-face avec le maire s’étant révélée être face à « une bonne partie du conseil municipal. »

Une semaine plus tard, nouveau courrier de la mairie, et cette fois, c’est pour l’informer de la résolution de la convention d’occupation un an avant sa fin théorique, et du délai pour quitter les lieux : huit jours. En riposte, Pascal Quittard adresse à la mairie une facture, celle de sa perte d’exploitation depuis trois ans, qu’il estime à 293 000 euros. « Depuis que j’ai signé cette convention en 2022, je n’ai eu que des peaux de bananes, je n’ai jamais rien pu faire, ils m’ont envoyé les services vétérinaires à deux reprises, une pétition a été lancée contre moi », relate-t-il. On lui a notamment reproché d’avoir des chevaux en sale état. « Je suis éthologue équin, mon travail est de récupérer des chevaux maltraités », se justifie-t-il. Et sur un terrain voisin qui lui servait de parking, il montre des tas de déchets verts déposés, dit-il, avec la bénédiction de la mairie, rendant le parking inutilisable.

« Ça fait 18 mois que je suis maire, 18 mois que j’essaie de trouver des solutions »

Contacté, le maire de Saint-Étienne-des-Sorts Stéphane Marcellin donne un tout autre son de cloche. « Tout au long de la convention, il y a eu plusieurs manquements : l’absence d’un certificat d’assurance, le non-respect des conditions d’occupation et de nombreux impayés », pose l’édile, élu il y a un an et demi suite à la démission de Patricia Garnero. Les travaux sur l’électricité ? « Il n’avait pas le droit de les faire », estime le maire, qui rappelle que les locaux concernés étaient des vestiaires, « dont on ne peut pas se servir pour mettre des friteuses et des frigos ».

Le nouveau maire de Saint-Étienne-des-Sorts Stéphane Marcellin • Photo : Thierry Allard

Le maire dit regretter la situation : « c’est dommage d’en arriver là, le projet était sympathique, le problème ce sont les façons de faire. » Il reconnaît que l’affaire était mal partie au début, en 2022, « mais depuis, on l’a laissé tranquille, il pouvait mener ses activités s’il l’avait voulu. » Stéphane Marcellin affirme avoir récupéré le dossier en cours, lors de son élection, et avoir tout fait depuis pour le régulariser. « Ça fait 18 mois que je suis maire, 18 mois que j’essaie de trouver des solutions avec lui, rien n’est fructueux, alors nous appliquons la convention », tranche-t-il, confirmant avoir mis fin à la convention d’occupation « pour protéger les intérêts de la collectivité. » Et, les lieux n’ayant pas été libérés en temps et en heure, « nous allons nous rapprocher des juridictions compétentes pour obtenir son expulsion », affirme-t-il.

Sur le parking, « le terrain ne fait pas partie de la convention », indique Stéphane Marcellin. « Il n’a jamais fait de demande officielle pour s’en servir, mais il a mis des panneaux », glisse le maire, qui reconnaît avoir laissé une entreprise y stocker des déchets verts « un peu pour l’empêcher d’utiliser le parking, mais c’est en cours de régularisation. » Un épisode qui en dit long sur l’ambiance entre les deux parties.

Aujourd’hui, Pascal Quittard est contraint de faire des prestations extérieures pour gagner sa vie et assumer les 4 500 euros de frais mensuels de ses chevaux. Avec deux choix : « partir, mais être dédommagé, ou rester et essayer de trouver une solution à l’amiable », estime-t-il. « J’y ai laissé des plumes, souffle-t-il, matériellement, financièrement et psychologiquement. » Il a, comme la mairie, pris un avocat et l’affaire va probablement se poursuivre devant les tribunaux. L’épilogue n’est sans doute pas pour tout de suite, en tout cas c’est ce que pronostique Stéphane Marcellin : « on sait que ça va être long. »

Thierry Allard

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