À l’heure où la jeunesse actuelle veut rapidement la réussite et faire carrière, Stéphane Gilli est le parfait contre-exemple. Sans faire de bruit, en toute humilité, il a acquis pendant plus de 20 ans une forte expérience dans l’ombre de coachs avant de devenir numéro un et de briller. Tout commence dans les années 1980 où celui qui est né à Ganges vit pour le ballon rond dans le quartier nîmois du Chemin-Bas d’Avignon. Le milieu défensif joue sous le maillot de la JSCBA avant d’être repéré par Nîmes Olympique. "Le club est venu me chercher, je suis parti au centre de formation", commente l’intéressé qui y restera trois ans, mais qui voit ses rêves de devenir professionnel s’envoler.

Mais chez les Crocos, Stéphane fait une rencontre déterminante pour le reste de sa carrière, celle de Mécha Bazdarevic qui a porté le maillot rouge lors de la saison 1996/1997. « Je l’ai rencontré quand je m’entraînais avec les pros et après, on s’est retrouvé à passer nos diplômes ensemble à Montpellier. On travaillait ensemble le soir. On avait beaucoup d’idées en commun », se souvient le Nîmois qui en parallèle avait déjà l’envie très tôt de se tourner vers le métier d’entraîneur. Notamment en filant un coup de main à Abla Mansouri alors en charge de l'équipe des moins de 17 ans. Après Nîmes, le jeune adulte joue en CFA2 à Vergèze et Lunel sous la houlette d’un certain Bernard Blaquart. "C’est là où j’ai compris que je ne serais pas pro, donc je me suis orienté à fond dans les diplômes", confie Stéphane qui arrête sa carrière de joueur à seulement 27 ans.

« Je suis très heureux pour lui, c’est un garçon intègre avec qui j’échange régulièrement », salue "Magic Blaquart". L’aventure d’adjoint débute en 2001 avec Silvestar Takac par une courte expérience dans un club tunisien. Avant un retour aux sources au Nîmes Olympique dans le staff de Bernard Boissier, marqué par une demi-finale de Coupe de France et une relégation en National à l’été 2002. C’est après un passage à Fulham aux côtés de Jean Tigana que la relation avec Mecha Bazdarevic débute en 2003. Elle va durer pendant 16 ans !

"De lui-même, il m’a dit, reste là"

"Il est devenu tellement passionné au fil des années et épanoui dans le foot. Il avait tout le temps envie d’apprendre. C’est quelqu’un qui bosse beaucoup. Pour résumer, il n'a que des qualités", encense celui qui est devenu son ami. "On ne s'est jamais quitté !", savoure avec joie Mecha Bazdarevic. Istres, ES Sahel (Tunisie) avec une finale en Ligue des champions, Al Wakrah (Qatar), Grenoble, Sochaux, la Bosnie-Herzégovine et le Paris FC. « Si j’en suis là aujourd'hui, c’est en partie grâce à lui. Il m’a permis de progresser et de m’exprimer. Il m’a laissé beaucoup de liberté ». L’adjoint quitte son mentor en décembre 2019 alors que le coach n’est pas conservé au Paris FC. « C’est la seule fois où je ne suis pas parti avec lui, car j’étais en train de finir de passer mes diplômes et sinon je n’aurais pas pu les valider. J’ai toujours été fidèle, mais de lui-même, il m’a dit, reste là. »

Ironie du sort, c’est un autre Gardois qui est nommé à la tête de l’équipe : René Girard. "Quand j’ai rappliqué, il sortait d’une aventure compliquée sportivement. Stéphane, on ne peut en dire que du bien, c’est un bosseur. Quand on prend un club comme ça, c’est toujours important d’avoir des gens de confiance et Stéphane, c'était le cas", se souvient le Vauverdois actuellement en Arabie Saoudite pour rendre visite à son fils Nicolas Girard, membre du staff de Laurent Blanc, le plus célèbre des Gardois, au club d’Al Ittihad. Le PFC se sauve in extremis en L2 et Stéphane rejoint alors, un autre Yougoslave d’origine, le célèbre Vahid Halilhodžić pour gérer la sélection du Maroc. Avec à la clé une qualification pour la Coupe du monde 2022 qu’ils n’auront pas l’occasion de disputer même si les Lions de l’Atlas sont allés jusqu’aux demies.

"J’ai failli laisser tomber"

« Avant d’aller au Maroc, mes dirigeants du Paris FC m’avaient fait comprendre que j’avais tout pour être un numéro un, mais je n’avais pas pu faute de diplôme ». Son heure arrive enfin en juillet 2023. Après 22 ans à être adjoint, Stéphane Gilli est enfin entraîneur principal au Paris FC. Comme une évidence. L’attente était longue, mais les résultats sont là, cinquième de L2 la première année. Et cette saison, une deuxième place synonyme de montée en Ligue 1, ce que le deuxième club de la capitale n’avait plus connu depuis 46 ans. "C’était un choix audacieux du président Pierre Ferracci de me donner cette opportunité pour ma première expérience alors qu’il avait l’ambition de monter en L1, je suis très content", reconnaît-il. "J’aurais aimé être là pour continuer avec lui, mais c’est une satisfaction. Je suis fier de Stéphane ! Il faut profiter pleinement. Quand on a commencé, ce n’était pas évident, on a démarré dans des petites structures", souligne Mécha. 

Un parcours atypique pour le gamin du Chemin-Bas qui a beaucoup travaillé et n’a jamais lâché. « J’ai attendu 20 ans pour passer mon dernier diplôme, j’aurais bien aimé l’obtenir cinq, six ans auparavant, mais c’est compliqué parfois en France. J’ai failli laisser tomber, mais les amis et la famille m’ont poussé. Rien n’a été facile », confie-t-il. « Les diplômes sont entravés par manque de carrière professionnelle, en tant que joueur les portes s’ouvrent plus facilement. Mais il ne vaut mieux pas se presser. Il a su attendre et a bien fait. On ne peut lui souhaiter que des bonnes choses », abonde René Girard qui voit un nouveau lauréat rejoindre le cercle très fermé des Gardois qui ont entraîné en Ligue 1.

"J’avais même proposé de travailler comme ça gratuitement"

La joie d’accéder au plus haut niveau national et aussi la tristesse de voir son club de cœur sombrer en N2. Assistant impuissant à la décadence d’un club qui s’est coupé de son ADN. « C’est la base de former des jeunes, je vois chaque année, 4, 5 joueurs qui partent à Marseille et Toulouse. Au Paris FC, l’an dernier, j'ai fait jouer 7, 8 joueurs du centre. C’est bien pour l’identité du club d’avoir des joueurs du cru. » Lors de sa suspension en 2017 après avoir mis un coup de poing à un joueur grec en tant qu’entraîneur adjoint de la Bosnie, Stéphane Gilli avait proposé ses services au club. "J’avais même proposé de travailler comme ça gratuitement, de regarder des matchs. Mais j’avais l’impression que ça dérangeait. Il va falloir que les Nîmois acceptent que la reconstruction prenne du temps", déplore ce grand ami de Grégory Meilhac.

Le technicien promu en Ligue 1 va se reposer quelques jours avant d’attaquer cette saison dans l’élite : « L’objectif clair de la famille Arnault et Red Bull, actionnaires du club, c’est de jouer le milieu de tableau ». Un défi stimulant pour celui qui a même été félicité par Jürgen Klopp, considéré comme l’un des meilleurs entraîneurs au monde. Souhaitons à Stéphane Gilli la même réussite !