Publié il y a 6 mois - Mise à jour le 17.10.2023 - La rédaction - 9 min  - vu 689 fois

FAIT DU SOIR Citoyens et établissements scolaires rendent hommage au professeur Dominique Bernard

Hommage Philippe Lamour Dominique Bernard

Plus d'un millier d'élèves réuni au lycée Philippe Lamour à Nîmes pour rendre hommage à Dominique Bernard

- Sacha Virga

Le meurtre du professeur Dominique Bernard a donné lieu à de nombreuses mobilisations dans tout le département ce lundi, entre rassemblement citoyen devant les mairies, hommages au sein des établissements scolaires et retrouvailles du corps enseignant devant la préfecture de Nîmes et la sous-préfecture d'Alès. Récit d'une journée entamée avec des établissements d'enseignement secondaire sans élève, ce matin à 8 heures, et qui s'est achevée une nouvelle fois avec les professeurs rassemblés devant les bureaux des représentants de l'État dans le Gard. 

À Nîmes, le Dasen présent au lycée Philippe-Lamour

Hommage Philippe Lamour Dominique Bernard
Le proviseur du lycée Philippe Lamour à Nîmes a prononcé un discours en hommage à Dominique Bernard • Sacha Virga

C'est un grand moment d'émotion auquel élèves, professeurs, direction de l'établissement et élus ont assisté à 14h au lycée Philippe-Lamour. En présence du directeur académique des services de l'Éducation nationale du Gard (Dasen), Christophe Mauny, du secrétaire général de la préfecture, Frédéric Loiseau, du député de la 1ère circonscription du Gard, Yoann Gillet, et des sénateurs Denis Bouad et Vivette Lopez, plus d'un millier de jeunes se sont rassemblés dans la cour, accompagnés de leurs enseignants, pour rendre un hommage à Dominique Bernard, le professeur poignardé tragiquement devant le lycée Gambetta à Arras, vendredi.

Le proviseur de l'établissement, Jean-Luc Dimeur, a pris la parole au micro devant l'éclectique aréopage, prononçant un discours vibrant, rappelant que l'établissement est et sera toujours "un lieu de vie qui respire la sérénité et où les valeurs de vivre ensemble sont omniprésentes". Ce matin, un temps d'échange a été programmé, mêlant inquiétude à l'égard du climat actuel et détermination absolue à aller de l'avant. "J'ai à coeur de rejoindre ce collectif. Aujourd'hui, avec les élèves, il faut que nous ayons une honnêteté intellectuelle. Ils doivent être totalement partie prenante decela, mais on ne doit pas non plus les surcharger. Les adultes assureront toujours leur sécurité", a déclaré le directeur de l'établissement. 

Christophe Mauny martelait l'importance de la présence des élus à cette occasion. "C'est très important de montrer le soutien collectif à l'équipe éducative. Nous devons rendre hommage et montrer cette union et cette cohésion sociétale. Pour respecter le ressenti et les émotions de certains, on doit d'abord écouter ce qu'ils ont à nous dire. Chacun doit se sentir en sécurité", s'est-il exprimé. Le niveau "urgence attentat" étant désormais déclenché, les dispositifs actuels seront renforcés en dehors et à l'intérieur des établissements.

À Alès, trois hommages, de la mairie à la sous-préfecture

Près de 200 personnes ont assisté à l'hommage sur le parvis de l'hôtel de ville • François Desmeures

Retenu par une réunion en préfecture à Nîmes, le sous-préfet d'Alès, Émile Soumbo, a retardé de quelques minutes la cérémonie d'hommage à Dominique Bernard "et à toutes les victimes de barbarie", sur le parvis de la mairie. Mais l'essentiel était ailleurs, dans le rassemblement attendu de citoyens pour dire leur rejet du terrorisme. Face aux élus alésiens, de Droite et de Gauche - au premier rang en compagnie du député Pierre Meurin - mais aussi à la maire de Saint-Jean-du-Pin ou à celui de Saint-Sébastien-d'Aigrefeuille, le premier adjoint, Christophe Rivenq, a remercié les citoyens qui avaient fait le déplacement, tandis que des collégiens de Taisson passaient devant l'escalier de la mairie pour aller manger. Un hommage "aujourd'hui, trois ans jour pour jour après l'assassinat de Samuel Paty, a rappelé Christophe Rivenq. Certes, toutes les minutes de silence n'apaisent pas notre peur. Parfois, elles font aussi monter la colère."

Au lycée Jean-Baptiste-Dumas, la minute de silence a scrupuleusement été respectée par les élèves et le personnel • François Desmeures

"Protégeons nos enseignants, ces "hussards noirs" de la République, a exhorté Christophe Rivenq, pour transmettre aux générations futures ce qui fait société, ce qui fait République. En transmettant les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité que nous devons porter fièrement." Des valeurs que le premier adjoint a retrouvé en se rendant ensuite à la cérémonie d'hommage au lycée Jean-Baptiste-Dumas, là aussi en présence du sous-préfet Soumbo.

Seul le proviseur, Éric Vaissière, a pris très rapidement la parole face à plus d'une centaine d'élèves et du personnel de l'établissement. "Nous nous rejoignons sous nos drapeaux en berne, témoignage de notre tristesse, a-t-il commenté. Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty et trois jours après Dominique Bernard, qui s'est sacrifié pour empêcher un terroriste d'atteindre d'autres personnes. L'école de la République est notre bien commun." 

Minute de silence demandée par les enseignants, devant la sous-préfecture d'Alès, ce lundi soir • François Desmeures

Le dernier rendez-vous du jour avait lieu devant la sous-préfecture, l'intersyndicale de l'Éducation souhaitant rendre son propre hommage. Mais étonnamment, il y avait sans doute autant de citoyens anonymes que de professeurs parmi les deux cents personnes présentes. Telle Véronique, venue "de façon spontanée, après avoir vu l'annonce du rassemblement" et qui participe pour la première fois. "J'ai des enseignants dans mon entourage, mais je pensais que tout le monde serait le bienvenu. C'est la seule petite chose qu'on peut faire", dit-elle en le regrettant. "On soutient le monde enseignant", renchérit Samuel, à côté de deux amies, l'une enseignante en primaire, la seconde en lycée professionnel. 

"J'ai l'impression que, comme les policiers, je suis une cible. Et je n'ai pas envie d'enseigner avec la peur."

Stéphanie, enseignante de français et histoire-géo en lycée professionnel

"Je suis affligée, embraye la première Estelle. J'ai une profonde tristesse, ce soir, de voir comment les choses évoluent. C'est la République qui est touchée via l'école." Enseignante de français et histoire-géographie en lycée professionnel, la voix de Stéphanie est moins assurée. Et pour cause. "C'est la première fois, aujourd'hui, que j'ai peur dans mon couloir", confie-t-elle, en pensant au moment où elle a fermé sa classe, à 17h, pour arpenter un couloir vide. Il y a trois ans, pour l'assassinat de Samuel Paty, elle s'était rassurée en supposant l'acte isolé. L'argument ne fonctionne plus désormais. "J'ai l'impression que, comme les policiers, je suis une cible. Et je n'ai pas envie d'enseigner avec la peur", poursuit-elle, la voix au bord des larmes. 

Le sous-préfet d'Alès, Émile Soumbo, s'est joint au moment de recueillement • François Desmeures

Sa matière est sensible et, en lycée professionnel, "les élèves ne sont pas toujours réceptifs". Ce matin, heureusement, l'échange s'est plutôt bien passé, après deux heures de rencontre entre professeurs, sans lesquelles Stéphanie pense qu'elle n'aurait pas pu faire cours. À 10 heures, une partie des enseignants a même accueilli les élèves avec une chaîne humaine, "pour montrer qu'on protégeait le lycée. Ça dépend toujours du rapport qu'on a avec les élèves. Mais aujourd'hui, il y a une classe où je ne voulais absolument pas faire cours. Même si, une fois en cours, on parvient heureusement à ne pas penser au contexte". Stéphanie a même vu des élèves leur lancer des sourires pendant la chaîne humaine, en soutien, "mais ce n'est pas toujours facile de se positionner pour eux"

Avec une collègue, de l'autre côté du couloir, elles ont tout de même choisi de faire cours, une partie de l'après-midi, en gardant les portes ouvertes. "Pour moi, l'école, le lycée, sont un sanctuaire du savoir, regrette-t-elle. Faire cours avec un policier à côté, ça changerait tout, on n'aurait plus le même rapport... Nous ne sommes pas un annexe du poste de police." 

À La Grand'Combe, les élèves du bac professionnel Métiers de la sécurité du lycée Pasteur se sont joints à l'hommage municipal • DR

Aux Angles, une minute de silence à l'école primaire Jules-Ferry

Aux Angles, le maire,Paul Mély, et les élus ont décidé de se rendre dans une des trois écoles primaires de la commune pour respecter une minute de silence, ce lundi en début d’après-midi. Ils ont choisi le groupe scolaire Jules-Ferry, qui porte le nom de l’homme qui a contribué à laïciser l’école et à la rendre gratuite et obligatoire. Une symbolique forte pour rendre hommage au professeur assassiné. “Si on rend cet hommage, c’est aussi par soutien à tous les enseignants qui sont particulièrement touchés aujourd’hui par ce drame”, ajoute Paul Mély.  

Lors de l'hommage à l'école Jules-Ferry aux Angles.  • photo Marie Meunier

Après la minute de silence, les enfants, le corps enseignant et les élus ont entonné ensemble la Marseillaise. Les écoliers ont applaudi avant de regagner leurs salles de classe. Pour le maire, il était essentiel de parler avec des mots simples de ce qu’il s’est passé devant ces citoyens de demain : “Ils vont forcément entendre des choses sur le sujet, alors autant en parler avec eux. Les enfants sont particulièrement sensibles à ces moments solennels. Ce sont des moments qui marquent plus car ils n’en ont pas vécu beaucoup.” 

À Beaucaire, un hommage et une tribune politique

À Beaucaire, dès midi, le maire de Beaucaire a rendu hommage à Dominique Bernard, mais aussi à Samuel Paty, trois ans jour pour jour après son assassinat, ainsi qu’à l’ensemble des victimes des attaques terroristes parmi lesquelles les journalistes de Charlie Hebdo, les spectateurs du 13 novembre 2015 du Bataclan, etc. Après une minute de silence, Julien Sanchez a prononcé un discours sur le parvis de l’hôtel de ville.

Le maire de Beaucaire, Julien Sanchez, entouré de ses élus, du député Yoann Gillet et des conseillers départementaux, Élisabeth Mondet et Jean-Pierre Fuster, a rendu hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty. • Stéphanie Marin

Quelques lignes pour rappeler le sens de ces rassemblements organisés partout en France, ce jour : « Pour montrer que nous ne nous habituons pas et ne nous habituerons jamais à ces actes terroristes sur notre sol. Montrer qu’en France il existe un peuple debout face à ceux qui frappent au hasard au couteau juste pour terroriser la population dans sa vie quotidienne ou ceux qui, à l’inverse, frappent des cibles bien précises et déterminées, il y en a eu de nombreuses ces dernières années. » Une nouvelle victime vient s’y ajouter, Dominique Bernard, père de trois enfants, « enseignant qui faisait son travail avec professionnalisme et qui a voulu protéger ses élèves. Un professionnalisme qui devient, hélas, un courage… »

Le premier édile beaucairois étiquetté Rassemblement national, prend alors pour cible le Gouvernement. «… hélas un courage tant l’abandon de certaines professions par l’État est manifeste. » Julien Sanchez dit en « avoir marre de voir qu’au plus haut niveau de l’État on allume des bougies en croisant les doigts face à la haine méthodique, déterminée, viscérale. Les bougies ne feront rien si elles ne sont pas accompagnées d’actions fermes […]Le vrai combat est dans le fait d’éloigner de notre territoire des dangers publics, des bombes à retardement qui sont identifiées, expulser ceux qui n’ont rien à y faire et d’empêcher que puissent rentrer sur notre sol des ennemis de la France, des ennemis de nos valeurs. »

Lors de l'hommage organisé ce lundi midi dans la cour de l'hôtel de ville à Beaucaire. • Stéphanie Marin

Julien Sanchez est également revenu sur le profil de l’assaillant, Mohammed Mogouchkov, un individu âgé de 20 ans fiché S et ancien élève de Dominique Bernard. Et de poursuivre sa tribune politique : « Face au communautarisme, face aux forces obscures qui se jouent de nos bons sentiments et veulent imposer leur mode de vie, nous devons rester debout. » Et de terminer en posant de nouveau sur la table le référendum sur l’immigration proposé depuis quelques années par Marine Le Pen. Les drapeaux de l'hôtel de ville resteront en berne jusqu'aux obsèques de Dominique Bernard. Un carnet de condoléances est mis à la disposition du public en mairie et sera adressé à la famille de la victime.

Le préfet du Gard en visite à Bellegarde

Malgré les événements tragiques, la visite du préfet du Gard, Jérôme Bonet, prévue ce lundi à Bellegarde dans le cadre du dispositif "Petites villes de demain", a été maintenue. Visite qui a toutefois été modifiée.

Le préfet du Gard, Jérôme Bonet et Juan Martinez, maire de Bellegarde et président de la CCBTA accueillis au collège Fédérico Garcia Lorca, pour la minute de silence ce lundi en hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty. • Stéphanie Marin

Le représentant de l’État a ainsi été accueilli par la principale du collège Fédérico-Garcia-Lorca, Sylvie Beringuier, pour participer à la minute de silence. Un hommage rendu par l’ensemble des collégiens réunis dans la cour de l’établissement. Le préfet était accompagné de Juan Martinez, maire de Bellegarde et président de la Communauté de communes Beaucaire Terre d’Argence.

Un dernier hommage à Nîmes, ce soir 

À Nîmes ce soir à 18 heures, plus d’une centaine de personnes s’est mobilisée devant la préfecture, avenue Feuchères. Des professeurs mais aussi des élus, militants politiques et simples citoyens. Au micro, le responsable de l’UNSA Éducation, Sébastien Biot a pris la parole : « Ce soir, ça aurait dû être un jour de commémoration en mémoire de Samuel Paty », l’enseignant de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) assassiné le 16 octobre 2020.

Trois ans après le drame, la France pleure le décès d’un nouveau professeur. « L’école est porteuse de lumière, elle demeure la boussole de la République. On tue un enseignant comme on brûle un livre », poursuit Sébastien Biot. Et de conclure : « Les professeurs sont là pour donner les armes intellectuelles aux élèves afin qu’ils fassent leurs propres choix. Ne vous lassez jamais d’apprendre. Le savoir est la véritable richesse, loin des clivages et des haines. Il n’y a qu’une valeur, l’humanité quelle que soit notre couleur de peau ou notre religion. »

À Bagnols-sur-Cèze, une phrase choc en grosses lettres 

Les enseignants en saignent”. Voici la phrase choc arborée par les professeurs bagnolais lors du rassemblement place Mallet, ce lundi soir. Environ 250 personnes se sont réunies face à la mairie à la mémoire de Dominique Bernard et en souvenir de Samuel Paty. Parmi elles, des professeurs, les syndicats, les élus de tout le Gard rhodanien mais aussi des habitants.  

dominique bernard samuel paty hommage commémoration place mallet bagnols 16 octobre 2023
Les professeurs bagnolais ont arboré un message choc en grosses lettres durant le rassemblement, place Mallet.  • photo Marie Meunier

Les enseignants tenaient chacun une lettre capitale imprimée sur une feuille A4 formant cette phrase “Les enseignants en saignent”. Le symbole est fort, à la hauteur de la tristesse et de la détermination à rester unis face “à la haine, la bêtise et l’ignorance”. Pas un chuchotement, pas un seul bruit n’est venu perturber la minute de silence qui a été respectée à l’issue des discours de l’intersyndicale de l’Éducation, à l’initiative de ce rassemblement. 

Beaucoup d'élus de tout le Gard rhodanien étaient aussi présents au rassemblement. • photo Marie Meunier

David Crunelle de la FSU a rappelé que “ce 16 octobre 2023 aurait dû être un jour de commémoration dédié à Samuel Paty, enseignant sauvagement assassiné il y a trois ans, jour pour jour. Les évènements dramatiques qui se sont produits vendredi à la cité scolaire Gambetta-Carnot d’Arras nous replongent dans le deuil et la consternation après le lâche assassinat de Dominique Bernard.” 

Dans le discours commun de l’intersyndicale, les représentants assurent : “Nous sommes ici ce soir unis par les mêmes valeurs humanistes, laïques et républicaines. Nous sommes debouts et nous ne cèderons pas à la peur.” Et d’ajouter : “Loin des clivages et des haines, il n’y a qu’une seule vérité dans ce monde : l’Humanité dont nous faisons toutes et tous partie.” Le rassemblement s’est terminé en entonnant la Marseillaise.  

La rédaction

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