Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 17.10.2021 - thierry-allard - 3 min  - vu 4725 fois

FOURNÈS Le projet de centre de tri Amazon devant la justice

Les opposants au projet Argan/Amazon autour de leur avocate Me Alexandra Bouillard (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Vue d'artiste du projet de centre de tri de colis de Fournès (Photo : Argan / DR)

Après plus de trois ans de lutte contre le projet d’implantation à Fournès d’un centre de tri porté par Argan mais destiné au géant du e-commerce Amazon, les opposants rentrent dans une semaine décisive qui va les conduire devant le tribunal administratif de Nîmes ce jeudi. 

Une audition publique des avocats de l’association opposée au projet ADERE et des requérants individuels, Maîtres Alexandra Bouillard et Corine Lepage, représentée par Maître Roxane Sageloli, se tiendra en présence du rapporteur public. Une étape importante vers une décision de la justice dans ce dossier, puisqu’il s’agit des recours d’une part contre le permis de construire accordé par la commune de Fournès à Argan, et de l’autre contre l’arrêté préfectoral autorisant le projet, sur le volet environnemental de l’affaire. Les deux recours seront donc plaidés le même jour, à savoir jeudi. 

L’avocate pour le volet permis de construire, Me Alexandra Bouillard, indique que son recours sera « principalement axé sur la prise illégale d’intérêts, et la régularité du permis de construire ». Car l’avocate, spécialisée en droit pénal, suit aussi l’affaire de prise illégale d’intérêts pour laquelle une information judiciaire a été ouverte par le parquet au printemps dernier suite à la plainte d’un habitant de Fournès, Henri Fuhrmeister, contre plusieurs élus ayant vendu les terrains servant au projet Argan/Amazon. Le plaignant est d’ailleurs convoqué à la brigade de recherches de la gendarmerie la semaine prochaine dans ce cadre.  

Un cas qui « dépasse la jurisprudence »

Cette affaire, que nous vous révélions en novembre 2019, concerne donc plusieurs élus de l’époque. « La maire, Mme Hinque, a fait vendre des terrains appartenant à ses oncles à Fournès développement, l’entreprise qui a acheté les terrains pour Argan, M. Boudinaud (à l’époque premier adjoint, depuis devenu maire, ndlr), a vendu des terrains lui appartenant alors qu’il est un des initiateurs du projet et qu’il a participé à l’intégralité des délibérations le concernant, comme Mme Castan (élue de Fournès elle aussi au moment des faits, dont le frère possédait une parcelle, ndlr) et le maire de Remoulins (Gérard Pedro, maire jusqu’à 2020, ndlr) », rappelle Me Bouillard. À ce stade, rappelons que l'information judiciaire est en cours, et que les élus cités sont présumés innocents. 

Quand bien même, « Nous avons les moyens de faire annuler toutes les délibérations prises en 2018, et celles qu’ils ont fallacieusement tenté de de régulariser en 2019, sans que les quorums ne soient respectés », affirme l’avocate des opposants, qui rajoute que ce cas « dépasse la jurisprudence. » La conséquence, si le tribunal suit ses arguments, serait l’annulation pure et simple du permis de construire. Et si ça ne suffit pas, l’avocate avance aussi le fait que les chemins communaux du projet « ont été vendus sans la moindre procédure », que l’enquête publique « est entachée de nullité, le rapporteur n’ayant pas répondu aux questions posées » ou encore le fait qu’une installation de ce type, d’après elle, devrait répondre aux règlementations ICPE (installations classées protection de l’environnement), sans compter « les nuisances sonores, olfactives et de pollution, avec 2 000 véhicules par jour. » 

Les opposants ont aussi des arguments environnementaux, plaidés par leurs autres avocats jeudi également, et qui avaient déjà fait capoter le projet de village de marques sur le même site il y a quelques années. Sur l’un comme sur l’autre volet, les opposants sont sereins. « Je suis convaincue du caractère irrégulier, abusif, et de la nullité de la décision prise par la commune de Fournès », enfonce l’avocate, avant de rappeler que, sur les faits qui ont conduit à l’ouverture d’une information judiciaire pour les faits de prise illégale d’intérêts, « rien n’est contesté. » Reste à voir si le tribunal ira jusque’à juger le fond du dossier, « l’un des arguments forts de l’autre côté étant l’absence d’intérêt à agir », précise Me Bouillard, intérêt à agir des plaignants qu’elle considère, au moins pour les requérants individuels, « imparable. » 

La décision du tribunal administratif ne sera pas rendue jeudi, mais la date de sa communication sera donnée après les plaidoiries. Quelle qu’elle soit, elle ne signifiera probablement pas la fin de l’histoire. « On fera appel s’il le faut, et on pourra monter au Conseil d’État », affirme l’avocate. En attendant, les opposants au projet se disent « mal vus dans le village », selon Patrick Genay, apiculteur opposant de la première heure. « On est des citoyens normaux, on nous regarde en disant qu’on est des fouteurs de merde, des bobos, des anarchistes, mais on n’est rien de tout ça, lance Henri Fuhrmeister. On défend des valeurs citoyennes. » 

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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