L'INTERVIEW Samantha Cazebonne, sénatrice : "Les corridas, aujourd’hui, sont déficitaires"

Samantha Cazebonne
- Photo Yannick PonsDès la rentrée prochaine, la ville d’Arles inscrira dans le cahier de ressources scolaires, un module pédagogique consacré à la culture camarguaise : apprentissage de la course camarguaise, de la tauromachie espagnole, du costume d’Arlésienne et une initiation à l’art de vivre en Camargue.
À l'invitation de Claire Starozinski, présidente de l'Alliance anticorrida, la sénatrice a rendu visite à Nîmes, dans le cadre d'un tournage pour la chaîne de télévision, LCP. Entretien.
Objectif Gard : Pouvez-vous nous raconter votre parcours avant d’entrer en politique ?
Samantha Cazebonne : Je suis sénatrice française. Je représente les Français établis hors de France. Ma circonscription, c’est le monde. Moi, je vis en Espagne, à Majorque, parce que j’y vivais avant, donc je suis restée basée là-bas. Avant d’être sénatrice, j’étais professeure d’économie et de gestion, puis principale de collège et proviseure de lycée.
Comment vous est venu ce combat sur la question des mineurs et de la corrida ?
C’est un sujet de progrès. On doit aujourd’hui considérer la souffrance, qu’elle soit humaine ou animale, comme un sujet à part entière. Moins on exposera d’enfants à des spectacles de torture, plus on aura de chances de ne pas les voir un jour, peut-être, reproduire cette violence ou en être traumatisés. Quand on est dans un monde dans lequel on essaye de prévenir les risques, on ne peut pas dire qu’on protège les enfants tout en faisant une forme de prosélytisme dans les écoles autour de la corrida. Ce n’est pas le rôle de l’éducation nationale.
Que répondez-vous à ceux qui avancent l’argument culturel pour justifier l’entrée de la corrida à l’école ?
Je n’aime pas l’hypocrisie. Soit, on ne le fait pas, soit on le fait entièrement. Mais on ne peut pas montrer seulement le côté noble et décoratif d’un spectacle qui est en réalité un acte de cruauté. Et si on doit parler d'un sujet, si ça doit rentrer au cœur de l'Éducation nationale, il faut le faire de manière honnête, c'est-à-dire que l'on présente toute la chaîne de ce qu'est une corrida. Que l’on ne montre pas simplement le décor et la grandeur d'un taureau qui vient sacrifier sa vie. Que l’on montre alors toute la souffrance. C'est cela que moi, je veux dénoncer. Je suis contre la vivisection, mais au moins, on expliquait tout à l’époque. Là, si on dit “la corrida, c’est génial, regarde l’habit de lumière, viens voir”, sans montrer la torture animale, on ne forme pas l’esprit critique.
Vous avez proposé une loi au Sénat dans une niche parlementaire l’année dernière. Pourquoi a-t-elle été rejetée ?
L’argument principal a été de dire que ce sont les parents qui doivent décider de l’éducation de leurs enfants. Mais ce même législateur interdit à ces parents-là d’emmener leur enfant à un accouchement ou dans un abattoir dans le cadre d’un stage. Ce sont les mêmes qui disent “ça va traumatiser l’enfant” dans ces cas-là. Il y a une forme de contradiction. Et surtout, les corridas, aujourd’hui, sont déficitaires. C’est de l’argent public qui comble les pertes. Moi, je préférerais que mes impôts soient investis dans l’éducation.
Quelle est la suite de votre engagement sur ce sujet ? Et vos autres combats ?
Je ne serai plus chef de file, mais je soutiendrai toutes les initiatives. Ma collègue sénatrice des Verts, Raymonde Poncet-Monge, a déposé une proposition de loi similaire. Je la cosignerai volontiers. Et au-delà de la corrida, mes autres combats sont liés à l’éducation. J’essaie d’ouvrir des écoles françaises à travers le monde, comme au Kazakhstan. Défendre les écoles, les enfants, les élèves, c’est ce que je fais partout où je peux.