Le tutoiement est rapide, le sourire offert, la voix de basse d'Adrien accueille le client dans son antre, tandis que Coralie se démène pour offrir une réponse à la personne qui cherche une grignotage rapide. Repreneurs du lieu depuis le 23 janvier, Coralie et Adrien ont opté pour appeler "boutique" leur lieu de vie, sans doute le mot qui rassemblait le plus habilement la multitude de services qu'ils rendent.
Bar - évidemment - où les boissons des habitués, en fonction des heures, sont déjà connus. Mais aussi épicerie de dépannage ; petite cave viticole de vins naturels, en partenariat avec le Maquis, caviste au Vigan ; bureau de Poste ; restaurant d'été et deux soirs par semaine hors saison ; mais aussi dépannage de croque-monsieur et salade à presque toute heure... Le couple a su se rendre rapidement indispensable, après un mois de fermture hivernale.
"Les gens ont joué le jeu, se réjouit Adrien. Pourtant, au départ, on a ouvert uniquement de 9h à midi, puis de 8h à 13h à partir de mi-février jusqu'à fin avril. On organisait aussi une soirée toutes les deux semaines, avec environ 60 couverts par soir." Puis, en mai, le rythme 8h-14h s'est imposé, avec trois soirées par semaine, de karaoké-concert. Depuis la semaine dernière, l'été a plié son ombrelle et le rythme hivernal est revenu.
"On a renouvelé les produits locaux, ajouté de la charcuterie comme du saucisson et des pâtés, ainsi que des fromages à la coupe." La brasserie artisanale Triple A, de Ribaute-les-Tavernes, fournit la pression. "On en débite deux ou trois fois plus qu'avant, simplement parce que la bière est bonne", constate Adrien. Et si la conjonture estivale a été compliquée dans de nombreux lieux touristiques cet été, "on ne s'en est rendu compte qu'à la fin, mais on a bien bossé malgré le manque de touristes", tempère Adrien.
La programmation musicale hebdomadaire a sans doute contribué au succès, ainsi que les soirées tapas, pizza, barbecue ou carbonnade flamande des vendredis soir. "On va essayer de développer la programation musicale en hiver", projette Adrien, face à la mobilisation constatée de la clientèle locale. Ancien intermittent du spectacle, il a aussi "fait les saisons pendant dix ans, à tous les postes, en restaurants d'altitude". Si les Cévennes ne sont pas les Alpes, il sait néanmoins adapter son offre à la fréquentation aléatoire de la clientèle.
"Je partais des mois entiers... Je m'étais dit qu'il fallait que j'arrête ça", rembobine Adrien. "Et on cherchait un projet pour travailler tous les deux ensemble", ajoute Coralie en passant une tête hors de la cuisine. Arrivé à Mandagout, le couple a longtemps cherché à acheter mais ne trouve (toujours) pas chaussure à son pied. "On s'est installé à Lézan mais, l'an dernier, je venais aider Tommy à la boutique (l'ancien propriétaire du fonds de commerce, relire ici), détaille Adrien. Soit une heure de route..."
Au moment où Tommy Terraz souhaitait passer la main, Coralie et Adrien n'ont pas hésité. "Le chiffre d'affaires a toujours été attirant, constate Coralie. On ne prenait pas de gros risques, alors que les murs apartiennent à la commune. On est revenus dans la même maison qu'on occupait auparavant. Et on a laissé Lézan." Il n'empêche, ils restent à la recherche d'un logement à acheter.
Formée en boulangerie, "au travail de la pâte", Coralie propose majoritairement des plats traditionnels en plus de pizzas napolitaines. "On fait des plats accessibles, mais avec de bons produits", revendique-t-elle. D'autant que les producteurs sont choisis généralement au plus près du village, mis à part quelques fromages originaires des environs de Chambéry, lieu de naissance de Coralie.
Depuis le 16 septembre, la boutique a donc repris un rythme automnal, avec ouverture le matin et deux soirées dans la semaine : pizzas le mardi, et "mijotés" le vendredi. Mais aussi toutes les surprises, comme le salon de coiffure improvisé d'Anaïs, qui pose ses ciseaux une fois par mois dans la boutique, sur réservation. "Parfois, on fait aussi psycholoque ou toilettes municipales", se marre Adrien, qui dit n'avoir aucun problème pour trouver des musiciens volontaires pour assurer les concerts, ou du personnel pour les coups de bourre. La bonhommie conviviale et franche du lieu est y sans doute pour beaucoup...