Le courrier date du 23 octobre, et fait référence à deux rencontres précédentes : celle tenue avec la directrice administrative et financière de Sésame autisme Occitanie Est, en juin ; et une autre avec les représentants du personnel du syndicat FO, au début du mois d'octobre. L'inspectrice de la DDETS (direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités) écrit donc cette missive après que les représentants FO lui ont fait part de leurs réclamations.
L'inspectrice du travail constate que l'établissement foyer d'accueil médicalisé La Pradelle "a pour activité l'accueil ou l'accompagnement sans hébergement d'adultes handicapés ou de personnes âgées. Ainsi, j'ai pu observer au travers de mes échanges avec des salariés de votre établissement, que votre personnel ocupe pour partie des emplois en lien avec le secteur d'activité du médico-social, notamment des moniteurs éducateurs et des moniteurs d'ateliers, infirmiers, etc."
"Il apparaît que votre établissement est affilié à la Mutualité sociale agricole du Languedoc. Or, l'activité principale de votre établissement ne consiste pas à l'exercice d'une activité agricole."
De ce constat, il existe peu de doutes sur la nature de l'activité de l'établissement, qui abrite des personnes atteintes de troubles du spectre autistique (TSA), et dont l'appellation "inscrite au registre national des entreprises est 'accueil social sans hébergement'." Et c'est ici que le bât blesse : "Il apparaît, poursuit l'inspectrice, que votre établissement est affilié à la Mutualité sociale agricole du Languedoc. Or, l'activité principale de votre établissement ne consiste pas à l'exercice d'une activité agricole."
Si ce défaut d'affiliation était sans conséquence, il n'aurait sans doute donné lieu qu'à un simple rattachement au bon chapitre du registre national. Mais selon le syndicat FO, dont l'inspectrice rappelle avoir rencontré les représentants, "il semblerait que cette affiliation à la MSA soit préjudiciable aux salariés, une cotisation ANEFA étant prélevée sur leurs salaires, ce qui introduirait en outre une différence de revenus avec les salariés des autres établissements de l'association Sésame autisme qui sont, par contre, affiliés au registre de l'URSSAF".
Pour le syndicat FO, le défaut concerne les seuls salariés gardois de Sésame autisme, soit tout même 150 contrats sur 370. Interrogé sur la question, le Département, qui finance les salaires, dit ne pas avoir été mis au courant de cette affiliation, qu'elle ne relève pas de son choix, mais que le sujet sera prochainement évoqué (lire encadré).
Pour le Département la mauvaise affiliation des contrats de salariés relève de l'association
Alors que ni l'association Sésame autisme, ni l'Agence régionale de santé n'ont souhaité répondre aux questions d'Objectif Gard, le premier vice-président du Département en charge de l'insertion, Christophe Serre, a lui accepté de donner la version du Département. Objectif Gard lui demandait si cette mauvaise affiliation des contrats avait fait l'objet d'une discussion en préalable à la signature du CPOM (contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens), en début d'année 2025.
"L'affliliation des salariés gardois à la MSA n'a pas été évoquée lors des négociations CPOM et c'est un élément que nous n'avions pas, écrit Christophe Serre. C'est une question de choix et de politique associative vraisemblablement historique. À une époque, certaines structures médico-sociales ont été affiliés à la MSA. C'est une question a poser à Sésame Autisme. Toutefois, le sujet sera évoqué dans le cadre du dialogue de gestion que nous avons régulièrement avec la structure. Force est de constater qu'il y a bien une affiliation."
Le premier vice-président du Département précise aussi, sur le fond, que "les CPOM n’ont pas pour objet de répondre aux interrogations de l’inspection du travail concernant l’affiliation des salariés. Leur rôle est centré sur la planification stratégique, la qualité des services et la gestion financière pluriannuelle des structures médico-sociales, en lien avec les départements et l’ARS. Les questions d’affiliation des salariés (MSA, URSSAF, etc.) relèvent du droit du travail et de la protection sociale, et sont traitées par les organismes compétents (MSA, URSSAF, inspection du travail), indépendamment des CPOM."
Cette perte sur salaire s'ajoute à ce que le syndicat a fait reconnaître en septembre 2022, par le conseil des Prud'hommes alésien, pour six salariés : des cotisations retraite amputées. Depuis, d'autres dossiers sont en cours d'instruction. Pour l'inspectrice, la gabegie sur l'affiliation doit cesser. "Lors de notre rencontre du 11 juin, écrit-elle au directeur de l'établissement de Saumane, au cours duquel nous avons évoqué ce point, vous m'aviez répondu que des démarches seraient entreprises dans l'objectif de modifier l'affiliation de votre établissement vers l'URSSAF. Vous voudrez bien me faire connaître l'avancée des démarches entreprises sur cette situation", conclut l'inspectrice.
"L'Assemblée départementale est la seule à décider de l'octroi de ses aides en fonction de sa propre doctrine"
Ce même 11 juin, le déménagement des locaux du foyer d'accueil médicalisé avait aussi été évoqué (relire ici) avec la représentante de la DDETS. "Vous m'avez indiqué être en cours de recherche de nouveaux locaux pour accueillir votre établissement de Saumane suite à l'injonction que vous a été faite par les services de l'ARS de quitter vos locaux actuels". Une injonction largement tempérée par l'ARS à Objectif Gard, en juin, l'Agence précisant que la décision était partagée avec l'association et le Département du Gard.
Le 3 juillet, le conseil municipal de Quissac ajoutait en dernière minute, à l'ordre du jour de son conseil municipal, la "mise en location du bâtiment de l'ancien EHPAD Devillas à l'association Sésame autisme". Un bâtiment qu'il faut adapter aux besoins d'un foyer d'accueil médicalisé. Pour cela, est-il écrit dans la délibération, "l'association dispose d'une enveloppe budgétaire conséquente pour d'éventuels travaux de réhabilitation, en accord avec les autorités de tarifications" (ARS et Conseil départemental). Évoqué pour le 1er novembre, le déménagement semblait déjà devoir être repoussé.
En juin, l'ARS évoquait "quelques travaux de rafraîchissement nécessaires avant l'entrée des résidents de Sésame autisme dans les murs". Mais, alors que l'association traverse des turbulences financières, la délibération du conseil municipal de Quissac annonce 800 000 € de travaux, contre une baisse de loyers de 280 000 € sur dix ans. "Selon les éléments d'information portés à ma connaissance, l'organisme gestionnaire de vos locaux actuels, Habitat du Gard, aurait accepté par lettre du 4 septembre 2025, de renouveler le bail de Saumane jusqu'au 30 avril 2026, note l'inspectrice du travail (*). Vous voudrez bien me faire part de vos observations concernant cette situation."
Car la capacité de l'association à mener les travaux interroge. Sollicitée à plusieurs reprises sur la question, et sur une aide financière qu'elle pourrait apporter pour réaliser les travaux d'adaptation de l'ancien Ehpad, l'Agence régionale de santé n'a jamais répondu aux sollicitations d'Objectif Gard. L'association Sésame autisme non plus. Mais du côté du conseil départemental, le premier vice-président en charge de l'insertion, Christophe Serre, est clair : "Les services n'ont pas reçu de demande particulière à ce sujet et pas de dépôt de Plan pluriannuel d'Investissement à ce jour. Il n'y a donc pas d'aide financière de prévue. Je n'étais pas au conseil municipal de Quissac qui engage que la responsabilité de ses propos. L'Assemblée départementale est la seule à décider de l'octroi de ses aides en fonction de sa propre doctrine." Le Département du Gard, exsangue financièrement dans le contexte actuel, n'a donc pas prévu d'abonder le budget des travaux.
(*) Une information confirmée à Objectif Gard par le bailleur, Habitat du Gard